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Date de mise à jour : 05/11/2000

Auteur : Xavier et Fabienne

 

 

COMMENTAIRES SUR LE GUIDE BAREME A L'USAGE DES CDES ET COTOREP DE NOVEMBRE 1993 (DECRET n° 93-1216 du 4 novembre 1993)

COMMENTAIRES GENERAUX

 

 

COMMENTAIRES du Dr ZANLONGHI publiés dans la revue COUP D'OEIL OPHTALMOLOGIQUE, 1994, N°48, 72-79

RESUME :

Un nouveau décret relatif au guide-barème applicable pour l'attribution de diverses prestations aux personnes handicapées vient de paraître et intéresse l'exercice quotidien des ophtalmologistes pour la rédaction de nombreux certificats. Ce décret concerne le calcul du taux médical d'incapacité, et donc ne s'adresse qu'aux certificats demandés par les CDES et les COTOREP. On retiendra plusieurs changements importants et tout particulièrement ; de nouvelles définitions de la cécité, l'utilisation de l'acuité visuelle de loin et de près mais mesurée à une distance de lecture de 40 cm, la nécessité de réaliser un champ visuel binoculaire au Goldmann. Cependant, l'analyse de ce nouveau texte laisse apparaître des confusions notoires en particulier à propos des définitions de la cécité, de la réalisation pratique du champ visuel, du mode de calcul du taux médical d'incapacité. En outre, les coquilles orthographiques et typographiques relevées peuvent être lourde de conséquences si elles ne sont pas rapidement corrigées par le législateur, puisqu'en l'état elles ont et font force de loi ...

 

MOTS CLEFS :

ACUITE VISUELLE, CHAMP VISUEL BINOCULAIRE, EXPERTISE CLINIQUE, FONCTION VISUELLE, HANDICAPS VISUELS.

 

 

Le nouveau texte présenté in extenso ci-dessus constitue désormais la référence légale pour l'établissement du taux d'incapacité applicable aux personnes handicapées dans le cadre de l'attribution de diverses prestations (code de la famille et de l'aide sociale, code de la Sécurité Sociale) : ce qui ne sera pas sans susciter quelque(s) angoisse(s) interrogation(s), créer quelque(s) sérieuse(s) difficulté(s) et induire quelque(s) inévitable(s) ambiguïté(s) auprès des ophtalmologistes experts, consciencieux et attentifs aux préconisations du législateur. En attendant les indispensables éclaircissements et les tout aussi indispensables arrangements ("amendements") d'un décret d'application ou d'une pertinente circulaire ministérielle (THIERRY 1993), il nous est apparu utile d'apporter ici les commentaires éclairés d'un ophtalmologiste à la compétence reconnue dans le domaine de l'exploration fonctionnelle, le Dr Xavier ZANLONGHI.

  

 

DEFICIENTS VISUELS "OFFICIELS " ET DIFFICULTES INTERPRETATIVES

 

Commentaires et embrouillamini inspirés par le nouveau texte législatif du 6.11.93

(Chapitre V : Déficiences de la vision)

 

 

Xavier ZANLONGHI

 

Dans le secteur médico-social concerné et en matière d'évaluation médico-légale, il semble que le législateur ait eu le souci - en la circonstance éminemment légitime - de préciser un certain nombre de points jusqu'à présent éludés ou abscons. En fait, il nous apparaît qu'à bien des égards non seulement la démarche est loin de répondre à cette ambition, mais qu'en plus elle crée un nouveau danger : officialiser certaines carences évaluatives et légaliser un hermétisme interprétatif, par le flou médico-légal paradoxalement induit et médicalement lourd de conséquences. Plus concrètement et plus précisément... :

 

 

 

Déficiences de l'acuité visuelle

subtil distinguo de la part du législateur : la classification des cécités

La classification des handicaps visuels constitue un délicat exercice de style auquel se sont épuisés nombre d'experts, qu'il s'agisse d'éminents ophtalmologistes ou d'organismes patentés. La multiplicité des classifications proposées témoigne qu'aucune d'entre elles n'est universellement plébiscitée et utilisée.

En pratique un des inconvénients de cette ou de ces classifications provient de la coïncidence problématique entre évaluations cliniques et exigences médico-légales (CHEVALERAUD 1990, JONQUERES 1990). On ne peut reprocher ici au législateur de perpétuer une ambiguïté qui n'est pas de son fait, d'autant qu'il lui est difficile de ne pas s'inspirer, ne serait-ce que partiellement, de textes antérieurs de référence (notamment le décret n° 82-1135 du 23 décembre 1982).

Plus prosaïquement, si l'on se cantonne à la seule analyse du texte du 6 novembre dernier, le premier paragraphe relatif aux définitions élémentaires de la cécité est déjà sérieusement équivoque. Où veut en venir le législateur en apportant des acceptations différentes de la cécité ? Illustrer l'élasticité d'un concept en confrontant quelques définitions usuelles non superposables, ou établir un préalable légal suivant le contexte où est expertisé la cécité ?

Si la définition de la "cécité complète" est simple - il s'agit de "l'abolition de la perception lumineuse" -, en revanche le subtil distinguo officiel entre "quasi-cécité" et "cécité professionnelle" concrétise cette amphibologie législative. Suivant que l'on use de ses yeux à titre professionnel ou à titre privé, une cécité peut n'être plus qu'une quasi-cécité !

Plus précisément, l'acuité visuelle maximale admise au titre de "quasi-cécité" et de "cécité professionnelle" est de 1/20 sur un œil et strictement inférieur à 1/20 sur l'autre œil. Il est par ailleurs surprenant que la valeur de 1/20 retenue pour la "cécité professionnelle" n'ait pas été modifiée depuis 1982. Ne devrait-il pas plutôt s'agir dans ce contexte professionnel de1/10 ou de 2/10 ?

Le champ visuel également pris en compte dans ces définitions, aux côtés de l'acuité visuelle, n'apporte apparemment pas d'élément particulier franc, susceptible de mieux départager "quasi-cécité" et "cécité professionnelle", si ce n'est : atteinte n'excédant pas 20° pour la quasi-cécité, atteinte inférieure à 20° pour la cécité professionnelle. Ce "un degré" de différence a-t-il une réelle signification physiologique? On peut en douter. S'agit-il alors d'un oubli, d'une confusion ou d'une volonté d'assimilation de ces deux statuts médico-légaux ?

Au passage, signalons l'exit des termes d'aveugle, non-voyant, cécité légale, cécité pratique, cécité relative, amblyopie, malvoyance, déficience visuelle grave, jusque là largement employés.

Comme on vient de l'entrevoir, et suivant un usage désormais bien établi, ces définitions reposent immanquablement sur les deux facteurs "historiques" couplés, l'acuité visuelle et le champ visuel.

Sans nier leur importance, il est aujourd'hui communément admis par tous les ophtalmologistes que ces deux facteurs ne sont qu'imparfaitement représentatifs de toute la capacité visuelle pratique, suivant la définition de M. VITTEL (1990), pertinemment commentée par G. PERDRIEL (1991) dans un éditorial de Coup d'Oeil Ophtalmologie. Plus récemment, C. CORBÉ et J.P. MENU (1993) rappellent, dans le cadre du dernier rapport des Sociétés d'ophtalmologie de France, que "Déjà en 1977, DUBOIS-POULSEN notait que l'acuité visuelle était insuffisante et dépassée. L'efficience visuelle devait lui être substituée" (CORBE 1993).

Il ne semble pas ici que le législateur et ses commissions expertes aient souhaité reconsidérer ses propres notions neurophysiologiques. Cette actualisation était pourtant facile : il lui suffisait de faire appel, entre autres, aux personnalités ou aux enseignements précités, voire encore plus simplement de prendre connaissance des mises à jour de la presse ophtalmologique...

 

Mesure de l'acuité visuelle

La mesure de l'acuité visuelle s'apprécie avec correction optique, mais les modalités de celle-ci ne sont pas précisées : notamment, quelle correction optique fait référence en cas de discordance entre les acuités visuelles obtenues avec le port de lunettes ou de lentilles de contact ?

Il est néanmoins signalé, qu'il conviendra de tenir compte de la " correction optique supportable en vision binoculaire ". Par ce biais, l'anisométropie est implicitement " mise en examen " sans pour autant être formellement répertoriée et quantifiée.

La mesure de l'acuité visuelle de loin précise la distance (5m). Or, ce n'est pas la distance recommandée par le Conseil International d'Ophtalmologie qui préconise 4 m. De plus, la mesure de l'acuité visuelle de près fait référence à l'échelle de Parinaud mais lue à 40 cm, suivant les préconisations du Conseil International d'Ophtalmologie (ARDEN 1988)), alors que la référence en France est de 33 cm. En pratique courante, aucun professionnel de la vision ne mesure la distance de lecture. Or, une personne présentant un nystagmus peut tout à fait passer de Parinaud 14 à 40 cm, à Parinaud 2 à une distance de lecture de 10 cm.

Dernier point : il n'est pas précisé que la lecture doit se faire dans des conditions normales : c'est à dire sans fatigue excessive et avec une vitesse de lecture convenable. Il s'agit par conséquent d'un élément laissé à l'appréciation de chacun...

 

Conditions matérielles non précisées

Nulle spécification n'est donnée pour le choix des tests et de leurs sources lumineuses à utiliser systématiquement ou préférentiellement, ainsi que de l'ambiance lumineuse de la pièce d'examen : projecteurs de test, échelles murales rétro-éclairées, échelles murales à éclairage indirect, éclairages des planches de lectures, contraste, ...

L'importance de ces points particulièrement dans la mesure des basses visions (SANDER 1994), aurait pourtant mérité l'avis éclairé du législateur.

 

Une loi réservée aux alphabètes adultes

Aucune référence de planche d'acuité visuelle n'a été prévue pour les enfants, les analphabètes et ceci de près comme de loin.

Pour les très jeunes enfants et pour les patients pour lesquels il est impossible d'obtenir une acuité visuelle subjective, il n'est pas précisé s'il faut avoir recours à d'autres techniques plus sophistiquées d'estimation de l'acuité visuelle comme le regard préférentiel, la poursuite visuelle de cibles structurées, les potentiels évoqués visuels par damiers, et bien sûr et surtout l'examen ophtalmologique clinique.

 

Calcul sibyllin et appréciation difficile d'une même proportion

Le législateur introduit à juste titre la mesure de l'acuité visuelle de près, mais laisse une part d'appréciation très importante dans son utilisation. En effet, lorsque les acuités visuelles de loin et de près sont altérées dans "les mêmes proportions", seul le déficit de l'acuité visuelle de loin est utilisé.

A l'inverse, en cas de "dissociation entre la vision de loin et celle de près", "il conviendra d'adopter la moyenne arithmétique entre les deux taux calculés grâce à l'échelle de Monoyer et grâce à l'échelle de Parinaud". Mais en pratique comment apprécier le terme " les mêmes proportions ?. Par rapport à l'ancien barème, les patients atteints d'une affection faisant baisser l'acuité de loin et de près comme les dégénérescences maculaires liées à l'âge sont avantagées", alors que la plupart des nystagmiques sont défavorisés car le plus souvent l'acuité de près est nettement meilleure que l'acuité de loin.

 

Déficiences du champ visuel

C'est désormais le champ visuel binoculaire qui est étudié. Sans mettre en cause le bien-fondé de cette évaluation binoculaire, on peut néanmoins s'interroger tant sur les modalités pratiques de réalisation de cet examen que sur la signification des mesures obtenues. L'intérêt de l'étude du champ visuel binoculaire a été à maintes reprises démontré et défendu, en matière d'expertises médico-légales. En France, FOELS et JONQUERES (1988), en Belgique VERRIEST (1987) ont réalisé dans ce domaine un important travail de synthèse et de sensibilisation auquel le lecteur peut utilement se référer.

En l'état, et sans nier le rôle de la binocularité, on peut craindre une redoutable confusion de la part du législateur, confusion confinant au sophisme :

- comme la vie courante concerne préférentiellement, et chez le sujet bien voyant, le champ visuel binoculaire,

- compte tenu que l'évaluation médico-légale du champ visuel monoculaire conduit à des assimilations illogiques (par exemple, suivant le remarque de FOELS 1989 appliquée au taux d'IPP, ce dernier est équivalent pour une cécité monoculaire et une hémi-anopsie latérale homonyme)

- il a été décidé que désormais seule la mesure du champ visuel binoculaire serait retenue pour évaluer une déficience visuelle.

Or, amalgamer une situation visuelle normale et une situation pathologique, assimiler une fonction et sa mesure et son interprétation, revient à doublement extrapoler, sans filet et à l'aveugle...

Si le champ visuel monoculaire peut, dans certaines situations pathologiques, faire apparaître des discordances médico-légales, il reste pour tout clinicien raisonnable l'examen périmétrique de base, celui qui permet d'établir prioritairement une cartographie rétinienne relativement stable pour un sujet donné.

La mesure du champ visuel binoculaire ne se substitue normalement pas à celle du champ visuel monoculaire : elle est complète.

Comme le notait à juste titre DUBOIS-POULSEN (1952), ce n'est plus uniquement l'œil qui est exploré dans le champ visuel binoculaire, ce sont "les mécanismes centraux de la vision".

En introduisant le recours à cette mesure périmétrique binoculaire, peut-être sans le savoir (on peut le craindre), le législateur a bouleversé la signification ophtalmologique, en l'occurrence neurophysiologique, de l'expertise médico-légale du déficient visuel.

Désormais, plus que le seul inventaire d'un organe et de sa fonction, c'est toute l'évaluation du système visuel, dans sa globalité, et jusque dans sa corticalité, qui est envisagée : évaluation judicieuse mais périlleuse. Les praticiens que nous sommes, peuvent-ils conduire à bon terme, et de façon rigoureuse, une telle mission ? Ce n'est pas une certitude.

 

Goldmann réhabilité : c'est bien, mais...

Le champ visuel binoculaire correspond, faut-il le rappeler à l'espace perçu par les deux immobiles fixant droit devant. Il s'étend sur 120°, encadré de part et d'autre d'un croissant de perception monoculaire de 30°.

La coupole de Goldmann (appareil manuel nécessitant l'intervention d'un ou d'une périmétriste) est préconisée pour l'étude du champ visuel binoculaire. Or, les ophtalmologistes ne sont pas tous équipés d'un tel périmètre ; il semblerait, en l'absence de statistiques françaises précises, que seuls 20 à 30 % le soient. Cet appareil est progressivement abandonné au profit de champs visuels automatisés qui d'une part parce qu'ils fonctionnent presque tous en mode statique, d'autre part parce qu'ils privilégient l'analyse cartographique et biostatistique du champ visuel central, ne donnent qu'une estimation imparfaite du champ visuel périphérique (MAGE 1993). Ces appareils, par ailleurs excellents dans les tâches prédominantes pour lesquels ils ont été conçus (dépistage et suivi du glaucome notamment) sont mal adaptés pour la réalisation d'un champ visuel binoculaire (Octopus, Humphrey).

A ce jour en France, il semble qu'il n'y ait qu'un seul périmètre automatique capable de réaliser un champ visuel binoculaire en mode cinétique de façon satisfaisante, Le Moniteur Ophtalmologique (Métrovision) qui d'ailleurs intègre déjà un score dérivé de la méthode d'Esterman (GROCHOWICKI 1991, CHARLIER 1989).

Les conditions idoines de l'examen ne sont, en outre, pas précisées : mode de présentation des stimulus cinétique ou statique, éclairement ou luminance de fond de la coupole préconisée (10 candéla/m2 étant la norme actuelle), variante colorimétrique (test blanc ou coloré) ? Le texte recommande un "test III/4" qui n'est pas applicable dans tous les cas de "quasi-cécité, loin s'en faut. Par exemple, un patient affligé d'une rétinopathie pigmentaire évoluée ne verra aucun test présenté en III/4, alors qu'en V/4 on obtiendra un champ visuel tubulaire de 10 à 15 ° de diamètre.

 

Champ central laissé pour compte.

La coupole de Goldmann explore mal les petits scotomes centraux. A titre compensatoire, le texte recommande l'excellente grille d'Amsler, mais qui peut être ardue à réaliser en vision binoculaire et dont la reproductibilité est faible. Finalement, il aurait été plus judicieux pour explorer les 20 degrés centraux de préconiser le champ visuel statique automatisé en mode supra-liminaire.

 

Copie non conforme et disparition mystérieuse

Le renvoi à la figure 2 (que l'on suppose être, en l'absence d'une numérotation officielle, en bas à droite du grand schéma, dont la reproduction en page 15393 du Journal Officiel n'est pas d'une lisibilité exemplaire, même pour un ophtalmologiste bien-voyant) _ " Les taux affectant le champ visuel central sont précisés par la figure 2." est tout simplement édifiant : les chiffres indiqués qu'un expert candide pourrait assimiler à un taux de déficit périmétrique du champ central constituent en réalité, comme l'a justement fait remarquer FOELS (1989), pour chaque région du champ visuel, à la somme des cases centrées par un point sur le grand schéma.

Quand le législateur écrit : "Chaque point correspond à une lacune non perçue.", on peut s'interroger sur le sens, voire le bon sens de cette double négation : une "lacune", que moins par pédantisme que par souci de recours au terme ophtalmologiquement exact nous réintitulerons "scotome" est terminologiquement un manque, un hiatus, un trou dans le champ visuel. Qu'est donc un manque non perçu, si ce n'est une zone correctement perçue du champ visuel ? Pire encore, une analyse soigneuse de la figure I, telle que reproduite en page 15393 du J.O., montre que cette dernière ne correspond ni exactement à la planche originelle d'ESTERMAN (1982, 1983), ni vraiment à celle modifiée par FOELS et JONQUERES (1989). Pourquoi ?

L' " Easterman system " (qui s'écrit d'ailleurs normalement Esterman system) est peu connu, en dehors de quelques spécialistes, jusqu'à présent de la communauté ophtalmologique francophone, et sans que celle-ci semble avoir démérité au plan scientifique (ESTERMAN 1982). Le rappel des trois références bibliographiques citées ci-dessus eût été un minimum.

Pour information, cette méthode de pondération des déficits en champs visuels datant de 1968 (ESTERMAN), a été développée afin de permettre l'évaluation quantitative de l'incidence d'une atteinte pathologique sur la vie quotidienne du patient malvoyant.

Elle a depuis, à différentes reprises, été commentée, voire critiquée (CHOY 1987, GANDOLFO 1987, CHARLIER 1984, MILLS 1986). Le champ visuel y est découpé en une série de zones dont la taille varie en proportion inverse de leur incidence fonctionnelle : en clair, plus une zone est fonctionnellement importante, plus elle est topographiquement petite.

En effet certaines parties du champ visuel sont plus fortement impliquées que d'autres dans les activités humaines : ainsi le champ visuel central a une importance très supérieure au champ visuel périphérique, l'hémichamp inférieur est plus utilisé que le supérieur pour la marche et la lecture, le champ périphérique, autour du méridien horizontal, intervient plus que les autres zones périphériques pour se mouvoir.

Cette localisation est par conséquent essentielle et doit faire pondérer la seule variable surfacique. D'où les cartes de pondération proposées à cet usage par ESTERMAN pour le champ visuel d'abord monoculaire (ESTERMAN 1968, 1981), puis binoculaire (ESTERMAN 1982, 1983, 1985).

Mais paradoxe singulier du système Esterman, entériné par le législateur Français, en cas de cécité totale, le taux médical d'incapacité est de 95% si l'on prend le barème d'acuité visuelle de loin, et de 85% si l'on se réfère à la perte totale du champ visuel binoculaire... Allez comprendre !

 

Pourquoi faire simple ?

Des problèmes techniques particuliers viennent compliquer la réalisation d'un champ visuel binoculaire, comme les contraintes de fixations inhérentes à certaines affections ou anomalies : les strabismes en particuliers alternants.

Par ailleurs, la réalisation d'un tel champ visuel nécessite la coopération du patient de façon beaucoup plus soutenue que pour la mesure de l'acuité visuelle, un examen de champ visuel binoculaire durant 10 minutes au minimum. Il n'est donc pas réalisable chez les enfants de moins de 10 ans et chez les patients non coopérants (volontairement ou en raison d'une pathologie associée).

 

Comment bien conduire la réalisation d'un champ visuel binoculaire?

La littérature est pauvre, puisque la technique est à peine citée dans le DUBOIS-POULSEN (1952). Il n'est pas précisé si le champ visuel doit se faire avec ou sans correction.....

Aussi il est conseillé pour les 30 degrés centraux de le pratiquer avec la correction en vision de près, et sans correction pour la périphérie au-delà de 30 degrés. En pratique pour ceux utilisant une coupole de Goldmann, il faut faire fixer le petit rond central de la coupole et réaliser le Goldmann en III/4 comme un champ visuel monoculaire. Les habitudes ne sont pas modifiées. On distingue dans l'oculaire central une partie des deux yeux.

Par contre, pour ceux utilisant un périmètre automatique, la manœuvre est plus ardue, si ce n'est impossible. Seul le Moniteur Ophtalmologique est prévu pour intégrer la méthode d'Esterman, et donne directement le pourcentage. Pour les autres, il est nécessaire de superposer un transparent à l'échelle sur le tracé de champ visuel automatique.

 

Binoculaire n'exclut pas monoculaire

Le diagnostic et le suivi de toutes les pathologies ophtalmologiques et neuro-ophtalmologiques nécessitent, ainsi que nous l'avons envisagé précédemment, la réalisation d'un champ visuel monoculaire. Il sera donc nécessaire de refaire lors d'une autre consultation, un relevé du champ visuel binoculaire.

Le texte légal aborde d'ailleurs ce recours à l'examen monoculaire : " Si une évaluation à la coupole de Goldman(n) n'est pas possible, le médecin expert aura recours à la méthode classique, en étudiant le champ visuel de chaque œil. Les altérations du champ visuel repéré(e) selon cette méthode donnent alors le taux d'incapacité suivants : … "

Suit alors l'énoncé des taux appliqués aux différents types ou déficits.

 

L'électrophsyiologie nouvelle

Le texte parle de "nouvelles techniques d'électrophysiologiques" en cas de rétrécissement concentrique du champ visuel. Quelles sont ces nouvelles techniques ?

L'EOG sensoriel et l'ERG, sont connus depuis le siècle dernier (DUBOIS-REYMOND), les PEV depuis près de 50 ans (REGAN 1986), la cartographie cérébrale depuis plus de 20 ans (LESEVRE 1982).

On sent bien au total que le législateur navigue avec quelques difficultés dans le champ visuel. Dommage qu'il entraîne avec lui experts et expertisés… Ne lui aurait-il pas été plus simple de moins légiférer en laissant au spécialiste le choix des outils évaluatifs, se bornant à lui proposer trois schémas de référence : un binoculaire, un monoculaire, un central ?

 

Déficiences de l'oculomotricité

Le paragraphe "a) Vision binoculaire et décompensation" est étonnamment concis, puisqu'il ne comporte rien d'autre que son propre titre et que la mention, entre parenthèses : "(taux : 1 à 5 p.100)". Le paragraphe "b) séquelles de paralysie oculo-motrices;" ne précise pas la date d'apparition de la paralysie oculomotrice. Certains strabismes sont rattachés à des paralysies oculomotrices congénitales, et les patients peuvent se plaindre de diplopie.

Les deux autres paragraphes traitent des paralysies de fonction du regard et des déficiences de motricité intrinsèque avant apparition de la presbytie.

Ces secteurs ne représentent qu'une faible part de la pathologie oculomotrice usuelle. La paralysie de l'accommodation, uni- ou bi-latérale donne une taux de 10 %. Comment la confirmer objectivement?

Autres troubles neurologiques

L'agnosie visuelle n'est pas une maladie quotidiennement rencontrée, de même que le syndrome de Balint. En revanche, l'hystérie, les cécités corticales sont moins rares : elles sont ici totalement oubliées.

 Aphakies

L'aphakie et la pseudo-phakie apparaissent confondues par le législateur, puisque le paragraphe correspondant est ainsi libellé : "a) prothèse optique réalisée par lunettes, lentilles de contact ou implants oculaires". Le taux d'incapacité attribué est le même dans ces trois cas de figures.

Annexes de l'oeil

Télégraphiquement abordé en 4 mots : "larmoiement, photophobie, ectropion, entropion". et une phrase : "prothèse oculaire mal supportée (taux de 1 à 5 %)." C'est trop, ou trop peu !

Parmi les fonctions oubliées : cécité nocturne, troubles congénitaux et/ou héréditaires (achromatopsie) et acquis de la vision des couleurs.

 

Pour conclure,

Au final, le médecin, en l'occurrence l'ophtalmologiste, "devra compléter l'examen ophtalmologique d'un examen clinique complet à la recherche de troubles associés..." Est-ce bien là le rôle et la qualification d'un ophtalmologiste, même "expert" ?

Dernier point et pas des moindres : nous avons évité de commencer l'usage, semble-t-il indifférent pour le législateur, des termes de handicap (" personnes handicapées "), de déficient, d'incapacité, voire d'invalidité. Ce n'est pourtant, notamment en langage médico-légal, pas la même chose (BOISSIN, JONQUERES, CORBE, MENU).

Un glossaire officiel n'aurait-il pas été le bienvenu ?

 

NDLR :

Graphies fautives ou subtilités législatives ?

Les graphies fautives, vulgairement "coquilles", et contenues dans le texte officiel présenté ci-dessus :

"Goldman", "séquelles de paralysie oculo-motrices", "accomodation", "altération du champ visuel repérés";

Le tableau du "taux médical d'incapacité" pour la vision de près contient probablement une erreur à savoir la colonne P14 et la ligne P10.

p 15394 paragraphe e) utiliser le barème d'acuité visuelle (3a et 3b), mais les références 3 a et 3 b sont introuvables

p 15393 Application de l'EASTERMAN SYSTEM alors que le nom de l'auteur s'écrit ESTERMAN.

p 15392 la figure 2 n'existe pas

L'hémianopsie incomplète et l'hémianopsie binasale, évaluées toutes deux dans le paragraphe d'étude par la méthode classique du champ visuel cad oeil par oeil, renvoient à un schéma qui n'existe pas, en fait il s'agit de la figure 1.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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