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Date de mise à jour : 25/04/2001

Mise en page : Xavier et Angéline

 

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 CHAPITRE PRECEDENT

 

IV. Qualité de vie et cataracte (en dehors de la cataracte congénitale)

A. La cataracte : généralités

1. Définition, clinique

2. Epidémiologie

3. Physiopathologie

4. Prise en charge thérapeutique de la cataracte

a) Buts du traitement

b) Moyens chirurgicaux

B. Qualité de vie du patient porteur d'une cataracte

1. Spécificités de l'étude de la qualité de vie du patient porteur d'une cataracte

2. Intérêts de l'étude

a) La qualité de vie, un nouveau critère de décision chirurgicale ?

b) La qualité de vie, critère de l'évaluation de la qualité de prise en charge du patient porteur d'une cataracte et implications en économie de la santé

3. Facteurs influant la qualité de vie

a) Liés à la pathologie et à son évolution
(1) Baisse d'acuité visuelle et modifications réfractives

(2) Altération de la vision des contrastes et des couleurs

(3) Sensibilité à l'éblouissement

(4) Autres facteurs liés à la propagation des faisceaux lumineux

(5) Complications ophtalmologiques de l'évolution de la cataracte non opérée

(6) Evolution vers la cécité

b) Liés à la thérapeutique et à ses complications

c) Liés au terrain

4. Retentissement sur la qualité de vie du patient porteur d'une cataracte

a) Impacts de la cataracte et de son évolution sur la qualité de vie
(1) Remarques préliminaires

(2) L'évolution de la cataracte, un facteur important de dégradation de la qualité de vie ?

b) Prise en charge de la cataracte et qualité de vie

(1) Impact de la chirurgie de la cataracte sur la qualité de vie

(2) Choix de la technique chirurgicale

(3) Effet de la chirurgie du deuxième œil

(4) Influence du type de correction optique

(5) Influence de l'âge du patient lors de la prise en charge[89]

(6) Influence de la comorbidité ophtalmologique

C. Synthèse

 

 

 


 

 

 IV Qualité de vie et cataracte (en dehors de la cataracte congénitale)

 

A. La cataracte : généralités

1. Définition, clinique

La cataracte se définit comme l'opacification du cristallin, qui peut être acquise, ou congénitale. En dehors des cataractes congénitales, un grand nombre de conditions pathologiques peuvent conduire au développement d'une cataracte, comme figuré dans le tableau ci-dessous, mais il existe de nombreuses autres étiologies.

 

Age moyen lors du diagnostic

Facteurs favorisants

Particularités cliniques

Cataracte sénile

Après 65 ans

Exposition aux UV

Divers types cliniques

Cataracte traumatique

 

Contusion oculaire ou plaie perforante

Cataractes en " fougère "

Cataracte cortisonique

 

Corticothérapie surtout générale et prolongée

Myopie forte

Cataracte surtout sous capsulaire postérieure

Cataracte post chirurgicale

 

Chirurgie filtrante et vitrectomie surtout

 

Cataracte diabétique

Peut être d’autant plus précoce que le déséquilibre glycémique est profond

Déséquilibre glycémique chronique

Cataracte surtout sous capsulaire postérieure

Cataracte post uvéitique

 

Syndrome de Fuchs, uvéites antérieures et surtout uvéites postérieures

 

Tableau 3 : Principales étiologies de la cataracte

 

2. Epidémiologie

La cataracte est l'un des principaux causes de détérioration de la fonction visuelle, puisqu'il y aurait dans le monde plus de 50 millions de personnes qui en seraient affecté , et aux Etats Unis, on évalue à 3,3 millions le nombre de patients porteurs d'une cataracte. L'incidence de la cataracte est difficile à évaluer, mais sa prévalence a été étudiée par plusieurs études, dont les principales sont la Framingham Eye Study (dont les résultats sont rassemblés dans le tableau suivant) et la National Health and Nutrition Examination Survey (NAHNES).

 Age è

 52 à 64 ans

 65 à 74 ans

 75 à 84 ans

 Hommes

 4,3

 16,0

 40,9

 Femmes

 4,7

 19,3

 48,9

 Total

 4,5

 18

 45,9

Tableau 4 :données de la Framingham Eye Study. Prévalences de la cataracte exprimées en pourcentage des 2477 patients inclus, par tranche d'âge.

 

Comme on peut le constater, il existe une très nette augmentation de la prévalence de la cataracte selon que l'on considère les groupes de patients plus âgés, qui est retrouvée par toutes les études épidémiologiques. Les projections démographiques pour le siècle à venir laissant entrevoir la perspective d'un vieillissement de la population mondiale parallèle à son accroissement, on ne peut que supposer une augmentation considérable du nombre de personnes concernées par une cataracte, ce qui est susceptible de poser le problème du coût de leur prise en charge par la collectivité.

 

Figure 12 : A gauche: cataracte blanche totale, et à droite, cataracte nucléaire

3. Physiopathologie

Plusieurs facteurs concourent à l'apparition puis au développement d'une cataracte. Dans le cas de la cataracte sénile, il semble que les stress oxydatifs et photo-oxydatifs (induits par les ultra-violets A et B), conduisent à la formation de radicaux libres, et finissent par dépasser les capacités de défense anti-oxydantes du cristallin. Sous l'effet de l'accumulation de radicaux libres, des modifications structurales complexes des protéines et membranes cellulaires aboutissent à la perte de transparence du cristallin. D'une façon assez similaire, l'apparition d'une cataracte diabétique serait consécutive à des phénomènes de glycosylation protéique et membranaire.

 

4. Prise en charge thérapeutique de la cataracte
 a) Buts du traitement

En dehors des traitements médicamenteux, qui visent à ralentir l'apparition ou le développement d'une cataracte, mais qui ne sont aucunement curatifs, et dont l'efficacité préventive est discutée, le traitement de la cataracte est chirurgical. Son but est de réaliser l'ablation du cristallin opaque afin de libérer l'axe optique, la fonction réfractive du cristallin étant restaurée généralement dans le même temps opératoire (par la mise en place d'un implant intra-oculaire), et plus rarement dans un second temps par la correction de l'aphakie (par des lunettes ou une lentille de contact.)

 

b) Moyens chirurgicaux

Si l'abaissement du cristallin, consistant à faire basculer le cristallin dans la cavité vitréenne, pratiqué depuis l'antiquité, continue à être réalisé dans certains pays en voie de développement, et ce, malgré un taux de complications per et postopératoires considérable, il a été totalement abandonné dans les pays occidentaux. L'extraction intra-capsulaire du cristallin, qui consiste à retirer le cristallin et sa capsule en totalité par une grande incision cornéenne, et qui historiquement fait suite à l'abaissement, reste une intervention très pratiquée dans le monde, et en particulier dans de nombreux pays en voie de développement. Le taux de complications (décollement de rétine, glaucome de l'aphaque…), et le désagrément induit par l'aphakie font réserver cette intervention à des cas particuliers (cataracte traumatique, subluxation du cristallin…) dans les pays occidentaux. Les progrès de la micro-chirurgie et des matériaux bio-compatibles ont permis le développement des nouvelles techniques que sont l'extraction extra-capsulaire du cristallin et de sa variante mécanisée qu'est la phako-émulsification, réalisant l'ablation du cristallin par des incisions cornéennes toujours plus petites, et respectant la capsule postérieure, autorisant la mise en place d'un implant intra-oculaire afin de corriger l'erreur réfractive liée à l'aphakie. Les améliorations récentes des techniques chirurgicales vont dans le sens du respect de la qualité de vie des patients, en recherchant les méthodes permettant la réhabilitation fonctionnelle la plus précoce possible et la plus proche possible du fonctionnement oculaire physiologique, en réduisant par exemple les tailles d'incision afin de diminuer le risque d'astigmatisme post-opératoire, ou encore, en proposant des implants intra-oculaires multifocaux, permettant de " mimer " la fonction de l'accommodation.

 

B. Qualité de vie du patient porteur d'une cataracte

1. Spécificités de l'étude de la qualité de vie du patient porteur d'une cataracte

La cataracte a été la première à entrer dans le champ d'investigation de la qualité de vie, et continue d'y générer de nombreuses études cliniques. L'intérêt très précoce porté à cette pathologie peut s'expliquer essentiellement par sa très grande fréquence, par son impact considérable sur la qualité de vie des patients en l'absence de traitement, mais aussi et surtout par l'existence d'une prise en charge chirurgicale efficace et de plus en plus sûre, dont les effets sur la qualité de vie sont le plus souvent spectaculaires. La multiplicité des échelles de qualité de vie disponibles actuellement, spécifiquement développées pour la cataracte, et pour l'évaluation de sa prise en charge, témoigne du constat de l'insuffisance des critères fonctionnels habituellement retenus pour guider la décision chirurgicale, mais aussi de celle des critères d'évaluation des résultats de la prise en charge, dans la perspective de la recherche constante de l'amélioration de la qualité des soins, et également dans l'optique légitime d'une utilisation rationnelle des moyens et ressources allouées par la communauté aux prestataires de soins.

 

2. Intérêts de l'étude
a) La qualité de vie, un nouveau critère de décision chirurgicale ?

Comme toutes les études de qualité de vie concernant la cataracte le soulignent, il semble exister un consensus émergeant actuellement, affirmant que l'acuité visuelle, de près et de loin, est insuffisante à guider la décision d'une extraction de la cataracte, malgré le fait qu'une majorité de praticiens continue à se baser sur ce seul critère pour poser l'indication d'une intervention. D'autres critères objectifs ont été proposés pour guider le chirurgien dans sa décision, qu'il s'agisse de l'évaluation de la vision des contrastes, ou de celle de la sensibilité à l'éblouissement, mais aucune de ces techniques n'est suffisamment standardisée pour pouvoir être appliquée efficacement en pratique clinique. Devant cet état de fait, on doit se poser la question fondamentale, qui est de savoir ce qui doit réellement motiver cette décision. Est-ce le niveau de performances visuelles présenté par le patient en pré-opératoire et celui escompté après chirurgie (gratifiant surtout, lorsqu'il est atteint en post-opératoire, l'ego du chirurgien), ou alors, les répercussions sur les activités, les affects, la vie quotidienne du patient, et donc, sur sa qualité de vie ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut garder à l'esprit que la chirurgie de la cataracte est avant tout une chirurgie fonctionnelle, visant à restaurer une fonction altérée par un processus pathologique, dans toute la " normalité " possible. Or les mesures objectives (acuité visuelle, vision des contrastes, mais aussi altérations anatomiques du cristallin), ne sont qu'un des reflets de la fonction visuelle, intéressant surtout le clinicien, tandis que l'autre versant est représenté par la qualité de vie liée à la vision et son altération par la pathologie, intéressant au premier chef le patient, mais aussi, de plus en plus de cliniciens conscients de l'insuffisance des critères objectifs. Ceci étant, on peut raisonnablement penser que la décision de chirurgie doit naître de la convergence des critères objectifs et des critères subjectifs que sont les altérations de la qualité de vie, afin d'espérer obtenir leur amélioration conjointe après chirurgie, parallèlement à la satisfaction du patient. Il faut bien reconnaître que cette solution est souvent pratiquée instinctivement, et empiriquement par de nombreux praticiens. Il est en effet fréquent de tenir compte des remarques des patients concernant par exemple leur difficulté à la conduite automobile, ou leur impossibilité à lire les journaux, pour prendre la décision d'une intervention, malgré une altération modérée des performances visuelles. Les instruments de qualité de vie spécifiques dédiés à la cataracte, avec pour chef de file, le VF-14, ont été développés, entre autres motivations, afin de conceptualiser et de rationaliser l'évaluation de la qualité de vie (ce qui rend cette évaluation acceptable par la communauté médicale), avec pour finalité de guider la décision chirurgicale, en partant du constat de l'insuffisance des critères objectifs.

Toutefois, la mise en œuvre des échelles de qualité de vie dans la décision chirurgicale en pratique clinique quotidienne est actuellement illusoire, comme en témoigne d'une part la méconnaissance de ces instruments par les ophtalmologistes (11), mais aussi par la prépondérance toujours très fortement ancrée, de l'acuité visuelle (surtout de loin), comme critère décisionnel majeur, ainsi qu'en témoigne une étude anglaise très récente (77). En effet, dans cette étude, sur les 473 ophtalmologistes interrogés, si l'acuité visuelle monoculaire de loin est utilisée par 472 des chirurgiens, 40 d'entre eux n'utilisent jamais l'acuité de près, la sensibilité au contraste n'est utilisée en routine par aucun d'entre eux, et seul l'un des chirurgien évalue systématiquement la sensibilité à l'éblouissement, pour poser l'indication d'une extraction du cristallin.

 

b) La qualité de vie, critère de l'évaluation de la qualité de prise en charge du patient porteur d'une cataracte et implications en économie de la santé

La nécessité de l'évaluation et de l'amélioration de la qualité des soins est actuellement reconnue et préconisée par une écrasante majorité des acteurs de la politique de santé dans de très nombreux pays, mais aussi par la majorité des praticiens. Aussi, a-t-il été nécessaire de se doter de moyens d'évaluation, et l'étude de la qualité de vie liée à la santé peut y contribuer, au même titre que d'autres critères médicaux et médico-économiques plus " classiques ". Concernant la cataracte, il apparaît tout à fait légitime de s'intéresser au point de vue du patient, à son jugement quant au résultat de la prise en charge, car, étant le principal intéressé, il en est également le meilleur juge dans la majorité des cas.

Les résultats d'études de qualité de vie peuvent, dans un certain nombre de cas, être de précieux outils pour guider les orientations des " décideurs " de l'économie de la santé. Ainsi, pour prendre l'exemple d'une étude récente (78), portant sur l'évaluation de la chirurgie de la cataracte en Chine, l'usage conjoint des critères fonctionnels classiques et de l'évaluation de la qualité de vie, auprès d'un échantillon de 5342 personnes, a permis non seulement de constater que la qualité de la prise en charge de la cataracte était globalement très en deçà de ce que l'on était en droit d'attendre d'une chirurgie moderne du cristallin, mais aussi d'identifier quelques uns des facteurs de cette carence (manque de qualification des équipes médicales, défauts d'infrastructures surtout).

En économie de la santé, la qualité de vie prend également de plus en plus d'importance, pour tenter d'allouer le plus " efficacement " possible les ressources disponibles. Ainsi, concernant la chirurgie de la cataracte, l'étude de l'amélioration de la qualité de vie est le principal argument qui puisse légitimer, par exemple, la chirurgie du deuxième œil (79), en particulier chez les sujets âgés, ou encore la chirurgie chez des patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge (80).

 

3. Facteurs influant la qualité de vie
a) Liés à la pathologie et à son évolution

(1) Baisse d'acuité visuelle et modifications réfractives

La baisse d'acuité visuelle centrale de loin mais également de près est parallèle à l'évolution de l'opacification cristallinienne. Elle peut être plus ou moins rapide, selon les formes cliniques, pouvant, par exemple être relativement rapide dans le cas de cataractes sous capsulaires postérieures. La topographie des opacités, lorsqu'elles sont localisées, a une certaine importance, la baisse d'acuité visuelle étant plus importante en cas d'opacités présentes dans l'axe visuel. Ces opacités, qu'elles soient globales ou localisées, diminuent l'acuité visuelle par effet de filtre sur les faisceaux lumineux, mais également par diffraction. Des modifications réfractives de l'œil atteint d'une cataracte sont également possibles, et sont principalement marquées par une myopisation dans le cas de cataracte nucléaire, par modification de l'indice réfractif du noyau cristallinien, mais également par l'augmentation de son épaisseur.

 

(2) Altération de la vision des contrastes et des couleurs

La vision des couleurs peut être perturbée par l'apparition d'une cataracte, qui constitue une sorte de filtre chromatique. Ainsi, dans les cataractes nucléaires, on constate une absorption des courtes longueurs d'onde, qui peut, au maximum, déboucher sur une achromatopsie. La vision des contrastes est également perturbée, toujours par effet filtre, qui " lisse " les différences de contraste les moins franches. Les courbes de sensibilité au contraste des patients porteurs d'une cataracte se trouvent le plus souvent décalées vers le bas, par rapport aux courbes de sensibilité des sujets normaux.

 

(3) Sensibilité à l'éblouissement

Toutes les formes cliniques de cataracte qui comportent une grande hétérogénéité des opacités, dont la cataracte sous-capsulaire postérieure est un exemple-type, mais aussi dans une moindre mesure toutes les autres formes de cataracte, en créant une dispersion et une diffraction des faisceaux lumineux, peuvent être à l'origine d'une " sensibilité " à l'éblouissement, se traduisant surtout par l'altération des autres fonctions visuelles lors de l'exposition à la source lumineuse, avec en particulier une baisse d'acuité visuelle et une diminution supplémentaire de la sensibilité aux contrastes. Ceci peut être particulièrement pénalisant dans un certain nombre d'activités du patient, dont la conduite automobile nocturne en particulier.

 

(4) Autres facteurs liés à la propagation des faisceaux lumineux

D'autres facteurs possibles de la dégradation de la qualité de vie des patients sont également liés à la perturbation de la " marche " des rayons lumineux vers la rétine. Il peut s'agir de diplopie monoculaire, ou de perception de halos colorés autour de sources lumineuses, par effet prismatique principalement.

 

(5) Complications ophtalmologiques de l'évolution de la cataracte non opérée

Un certain nombre de complications peuvent émailler l'évolution spontanée d'une cataracte, en l'absence de prise en charge. Ainsi, l'intumescence cristallinienne peut conduire à la fermeture de l'angle irido-cornéen, en particuliers chez des sujets prédisposés (hypermétropie, nanophtalmie), conduisant à une crise de glaucome aigu par fermeture de l'angle. Dans le cas de cataractes hyper-matures, et en particulier en présence de facteurs favorisants (pseudo-exfoliation capsulaire, maladie de Marfan, etc.), la subluxation, voire la luxation antérieure ou postérieure du cristallin peut également être observée, entraînant toute une série de complications tant au niveau du segment antérieur que concernant le segment postérieur. Les uvéites phakoantigéniques et glaucomes phakolytiques sont plutôt l'apanage des cataractes traumatiques, et en particulier dans les cas où existent une rupture capsulaire.

 

(6) Evolution vers la cécité

La cataracte reste en effet la première cause de cécité dans le monde, avec selon l'OMS (1), près de 16 millions de personnes aveugles, et ce, malgré l'existence d'un traitement chirurgical efficace. A cela, plusieurs facteurs peuvent être retenus : manque d'infrastructures médicales modernes dans les pays en voie de développement, manque de personnels médicaux et paramédicaux formés, manque de matériels de diagnostic et de traitement (phako-émulsificateurs), difficultés d'approvisionnement en consommables ( implants, médicaments…), mais également ruralité prépondérante des populations, alors que les offres de soin sont localisées en milieu urbain. Les perspectives d'évolution à moyen terme sont assez inquiétantes, puisqu'on évalue qu'en 2020 le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans (donc les plus susceptibles d'être atteints par une cataracte), doublera par rapport aux chiffres de l'an 2000, pour atteindre près de 1,2 milliards, dont les trois quarts vivant dans les pays en voie de développement, selon des estimations de l'OMS.

Dans nos sociétés, malgré l'absence des difficultés des pays en voie de développement, la cécité par cataracte reste d'actualité, comme le montrent diverses études épidémiologiques (81-83), et en particulier pour des patients institutionnalisés. Ici également, comme pour le glaucome, il existe encore des barrières à l'accès aux soins, qui sont la précarité, l'absence de couverture sociale, et tout autre facteur d'exclusion sociale. Mais d'autres facteurs également peuvent être discutés, qui sont par exemple la " peur " d'être opéré souvent alléguée par des personnes très âgées.

La dégradation de qualité de vie des patients rendus aveugles par cataracte est évidente, en affectant tous les secteurs la composant, que ce soit par la réduction ou l'impossibilité de réalisation d'un grand nombre des activités de la vie quotidienne, par les difficultés rencontrées dans la vie sociale et relationnelle, mais aussi par l'impact majeur de la cécité sur le psychisme du patient.

 

b) Liés à la thérapeutique et à ses complications

La prise en charge chirurgicale de la cataracte peut, par ses complications, être responsable de l'absence d'amélioration, voire de dégradation de qualité de vie des patients. Ainsi, les complications réfractives, qu'il s'agisse d'amétropies sphériques, par erreur de calcul de la puissance de l'implant intra-oculaire par exemple mais aussi les amétropies cylindriques, par astigmatisme post-opératoire induit, et surtout les anisométropies supérieures à trois dioptries, sont responsables d'un important mécontentement de la part des patients. Il n'y a malheureusement à notre connaissance aucune étude de qualité de vie spécifiquement dédiée aux erreurs réfractives post-chirurgicales.

De même, concernant des patients jeunes, la perte de l'accommodation consécutive à l'extraction du cristallin peut être source de dégradation de qualité de vie, en gênant les activités mettant en jeu la vision de près.

Concernant les complications infectieuses et inflammatoires de la chirurgie de la cataracte, celles-ci sont un évident facteur de dégradation de la qualité de vie. Qu'il s'agisse de la réactivation d'une uvéite ancienne, de l'apparition d'une uvéite véritablement post-opératoire, ou de la déclaration tant redoutée d'une endophtalmie, ces complications, par les douleurs, la baisse d'acuité, le stress qu'elles engendrent, mais également par les contraintes et effets secondaires du traitement qu'elles induisent, sont responsables d'altérations fonctionnelles, d'un retentissement psychologique, et par là même, d'une détérioration de la qualité de vie qui peut être définitive comme cela est malheureusement trop souvent le cas pour les endophtalmies post-opératoires. Dans ce cadre également, il n'existe pas de données spécifiques dans la littérature permettant d'évaluer les scores de qualité de vie des patients victimes de telles complications.

Si les complications gravissimes de la chirurgie de la cataracte pouvant impliquer une perte fonctionnelle voire anatomique de l'œil (hémorragie expulsive, perforation du globe lors de l'anesthésie loco-régionale par exemple), induisent une altération évidente de la qualité de vie des patients, d'autres complications également sont pourvoyeuses d'altérations fonctionnelles et de retentissement psychologique évident, qu'il s'agisse de décollement de rétine, d'œdème maculaire cystoïde, de dystrophie cornéenne, de ptôsis palpébral après anesthésie loco-régionale, mais là encore, aucune étude clinique n'a étudié le retentissement de ces complications sur la qualité de vie des patients.

 Type de complication

 Incidence (%)

 Endophtalmie

 0,13

 Dystrophie cornéenne bulleuse

 0,3

 Malposition ou dislocation de l’implant

 1,1

 Béance de l’incision, prolapsus irien

 0,6

 Oedème maculaire cystoïde

 1,4

 Décollement de rétine

 0,7

 Issue de vitré

 3,1

 Zonulolyse et rupture capsulaire postérieure

 0,8

 Hémorragie choroïdienne

 0,3

 Uvéite

 1,8

 Opacification capsulaire postérieure

 19,7

Tableau 5 : incidence des principales complications de la chirurgie de la cataracte, d'après : Powe NP, Schein OD, Geiser SC, et al: Synthesis of the litterature on visual acuity and complications following cataract extraction with intraocular lens implantation. Arch Ophthalmol 112:239- 252, 1994.

 

De plus, même dans le cadre d'une chirurgie non compliquée, et malgré un résultat fonctionnel et anatomique satisfaisant, les patients se plaignent parfois de symptômes révélés par l'extraction du cristallin, qu'il s'agisse de la perception de myodésopsies, de la modification de la perception des couleurs, voire d'une sensibilité accrue à l'éblouissement (en particulier avec certains implants).

 

c) Liés au terrain 

Outre la comorbidité générale (hypertension artérielle, diabète…), la comorbidité ophtalmologique est un important facteur d'altération de qualité de vie du patient porteur d'une cataracte. Qu'il s'agisse de dégénérescence maculaire liée à l'âge, de glaucome, de rétinopathie diabétique, ou de toute autre condition pathologique oculaire, l'association d'une ou plusieurs de ces pathologies à une cataracte aggrave les scores de qualité de vie par rapport aux scores de sujets porteurs d'une cataracte isolée, mais aussi et surtout, comme le mettent en évidence plusieurs études cliniques, est un facteur de moindre récupération des scores de qualité de vie après chirurgie de la cataracte (84).

 

4. Retentissement sur la qualité de vie du patient porteur d'une cataracte
a) Impacts de la cataracte et de son évolution sur la qualité de vie

(1) Remarques préliminaires

Si la cataracte a été la première pathologie ophtalmologique étudiée dans le champ de la qualité de vie, dès le début des années 1990, il faut tout de même reconnaître que les études publiées ont pratiquement toutes pour vocation de démontrer l'efficacité de la chirurgie sur la restauration des scores de qualité de vie, plutôt que de s'intéresser au retentissement de la cataracte elle-même. La situation est donc très différente de celle du glaucome chronique à angle ouvert, pour lequel davantage d'articles évaluent les conséquences de l'évolution de la pathologie que sur ceux de la prise en charge thérapeutique. Ceci peut certes s'expliquer par les effets spectaculaires de la chirurgie de la cataracte, qui sont réellement très importants quant à leur impact sur la qualité de vie des patients. Ces améliorations sont d'une telle ampleur, qu'elles sont aisément mesurables par des échelles de qualité de vie génériques (SF-36 (21), SIP (16, 17), EuroQol (19)), mais très rapidement, des instruments spécifiques à la cataracte ont vu le jour (VF-14 (14, 27, 85, 86), ADVS (21), TyPE (41,87), VDA (40), Catquest (42,88), CSS (43)), qui ont permis d'affiner l'évaluation du gain de qualité de vie après chirurgie.

 

(2) L'évolution de la cataracte, un facteur important de dégradation de la qualité de vie ?

 Si on peut supposer que la cataracte, est à priori, un facteur de dégradation de qualité de vie des patients, on ne peut que constater qu'aucune étude clinique ne le prouve clairement. Il n'y a en effet, à notre connaissance, aucune publication, à ce jour, qui tente de comparer scores de qualité de vie de patients porteurs d'une cataracte et scores de patients " témoins ", ce qui peut paraître surprenant. Les nombreuses études publiées, qui portent essentiellement sur l'impact de l'opération sur la qualité de vie, mais aussi qui établissent les propriétés psychométriques des différents instruments, permettent tout de même d'obtenir certains " indices ".

Toutes les études de qualité de vie publiées à ce jour mettent en évidence un parallélisme entre scores de qualité de vie et acuité visuelle des patients porteurs d'une cataracte, à fortiori si l'on s'intéresse à la meilleure acuité visuelle corrigée du meilleur œil, parallélisme qui peut se transformer en corrélation significative si on se base sur des échelles de qualité de vie spécifiques. Ainsi, Brenner et col., dans un article publié en 1993 (89), dans une étude portant sur 613 patients porteurs d'une cataracte, et 408 " témoins ", porteurs de pathologiques oculaires chroniques (glaucome chronique à angle ouvert, rétinopathie diabétique et dégénérescence maculaire liée à l'âge principalement), se basant sur une échelle de 8 items dont les propriétés psychométriques ne sont pas détaillées, et sur le PVI (Percentage of Visual Impairment, qui évalue le niveau d'acuité visuelle binoculaire en allouant 75% du score à l'acuité visuelle angulaire du meilleur œil), met en évidence une relation statistiquement significative entre PVI et scores de qualité de vie. Scott et col. (12), dans une étude basée sur le SIP, et sur le SIP-V, mais incluant malheureusement, outre des patients porteurs de cataracte, quelques patients atteints d'autres pathologies oculaires, retrouve une corrélation modérée entre acuité visuelle et scores du SIP, mais qui est plus significative lorsque l'on considère le SIP-V, lequel ne diffère du SIP que par le fait que chaque question est dédiée aux limitations liées à la vision. Steinberg et col., dans l'article qui signe l'acte de naissance du VF-14 (86), met quant à lui en évidence une relation significative entre acuité visuelle du meilleur œil de patients porteurs d'une cataracte et scores du VF-14, mais celle-ci est modérée. Il remarque également que cette corrélation entre acuité visuelle et score de qualité de vie ne se retrouve pas si l'on considère l'acuité visuelle de l'œil le plus " faible ", suggérant que les limitations d'activité du patient sont davantage le fait du niveau d'acuité du meilleur œil que de celui de l'œil le moins performant. L'étude de Crabtree et col. (43), portant sur 118 patients, et basée sur le CSS, retrouve également une corrélation significative entre niveau d'acuité visuelle du meilleur œil et score du CSS, qui ne se retrouve pas lorsque l'on considère l'autre œil.

Ainsi, les données relativement fragmentaires sur la relation entre le niveau d'acuité visuelle et la qualité de vie du patient retrouvent pratiquement toutes une corrélation significative, mais modérée. Ceci peut s'expliquer, en partie, par le fait que le retentissement de la cataracte sur la qualité de vie ne se réduit pas à la baisse d'acuité visuelle, mais que d'autres facteurs entrent en compte, comme la diminution de la sensibilité aux contrastes, la sensibilité à l'éblouissement, les modifications de la perception colorée, mais également des facteurs liés à la comorbidité générale et ophtalmologique. Malheureusement, il n'existe pas, à notre connaissance, d'études de qualité basée sur des instruments de vie validés qui permette actuellement d'évaluer l'importance de ces différents facteurs. Il serait intéressant de tenter d'évaluer la part de chacun des facteurs par une étude comparant les scores de qualité de vie de patients porteurs d'une cataracte, à ceux de sujets témoins exempts de pathologie oculaire, en évaluant cliniquement chacun de ces paramètres

 

b) Prise en charge de la cataracte et qualité de vie

(1) Impact de la chirurgie de la cataracte sur la qualité de vie

La grande majorité des articles publiés à ce jour mettent en évidence une amélioration importante de la qualité de vie des patients après chirurgie de la cataracte, spectaculaire lorsque l'on s'adresse à la chirurgie du premier œil, un peu moindre lorsque l'on s'intéresse à la chirurgie du deuxième œil, mais modulée par plusieurs facteurs (choix de la technique chirurgicale, type de correction optique, âge du patient, comorbidité essentiellement). Ainsi, l'une des premières études publiées, en 1993, par Brenner et col. , met en évidence une augmentation quasi linéaire des scores des sous-échelles de l'instrument de qualité de vie utilisé (qui n'est malheureusement pas une échelle reconnue et validée), en fonction de l'amélioration de la fonction visuelle après chirurgie. Ces sous-échelles sont : Santé mentale, activités domestiques, activités sociales, conduite automobile de jour, de nuit, et satisfaction concernant le mode de vie. L'étude de Mangione et col. (21), qui portait sur 464 patients, met en évidence une amélioration de l'acuité visuelle pour 96% d'entre eux, mais une amélioration des scores ADVS pour 85%, tandis que le score de la sous-échelle " fonctionnement physique " du SF-36 n'était améliorée que pour 36 % d'entre eux, un an après chirurgie. Comme le remarquent les auteurs, les 464 patients inclus présentaient une comorbidité oculaire et générale fréquente, mais aussi un taux de complication per et postopératoires non négligeable, pouvant expliquer les scores des deux échelles. Toutefois, il faut bien remarquer que les patients qui présentent une amélioration des scores ADVS avaient un déclin moindre et significatif du SF-36 sur la période de suivi, par rapport aux autres patients. Une étude actuellement développée aux Etats-Unis, le NEON (National Eyecare Outcome Network) (44), qui consiste à compiler dans une base de données les résultats fonctionnels de la chirurgie, mais également les scores de qualité de vie mesurés par le CSS et le VF-14, apporte également des éléments très intéressants. Cette base de données comporte actuellement les résultats concernant 7626 patients, issus de 32 états américains, de pays européens (France, Autriche), et des Iles de la Trinité. Ainsi, le score VF-14 préopératoire moyen est de 70,4 (sur 100), le score du CSS moyen de 7,8 (sur 18), mais en postopératoire, ces scores moyens sont évalués à 92,2 pour le Vf-14 et inférieur à 1 pour le CSS (un score de CSS plus élevé signifie la présence de davantage de symptômes). Les résultats établis par cette étude sont ceux de la période post-opératoire précoce (5 semaines en moyenne). Une autre étude relativement proche dans sa méthodologie (90), évalue également le résultat de la chirurgie pour 552 patients en s'appuyant sur les mêmes instruments de qualité de vie, retrouve également des résultats assez similaires, mais 4 mois après l'opération, avec un score moyen de VF-14 passant de 76,5 à 93,2, et un score de CSS passant de 5,6 à 0,8, mais cherche surtout à identifier les facteurs à l'origine de l'absence d'amélioration de l'un ou des deux scores, et/ou de l'acuité visuelle, éventualité retrouvée pour 91 patients. Ces facteurs sont : un âge supérieur à 75 ans, un score de VF-14 préopératoire supérieur à 90, un score CSS inférieur ou égal à 3, et l'existence d'une comorbidité oculaire.

Plusieurs études issues de pays en voie de développement démontrent également le bénéfice de la chirurgie de la cataracte en terme d'amélioration de la qualité de vie (78, 91, 92 ), mais apportent surtout des éléments concernant l'influence du choix de la technique chirurgicale.

 

(2) Choix de la technique chirurgicale

Si, dans les pays occidentaux, la phako-émulsification avec implantation de chambre postérieure s'est imposée, surtout en cette fin de siècle, comme étant l'opération de référence dans la prise en charge de la cataracte, par la qualité et la rapidité de la réhabilitation fonctionnelle qu'elle permet, mais aussi par un taux de complication per et post-opératoire moindre par rapport aux autres interventions, il faut bien remarquer qu'il n'en va pas de même dans les pays en voie de développement, où les considérations économiques d'une part, et l'existence de priorités de santé publique plus " fondamentales " d'autre part, limitent la diffusion de cette technique. Les choix qui s'offrent dans ces pays se font principalement entre la pratique de l'extraction intra-capsulaire et celle de l'extraction extra-capsulaire du cristallin. De ce fait, si on ne peut que remarquer l'absence d'études de qualité de vie " occidentales ", comparant les résultats de la chirurgie du cristallin par différentes méthodes, force est de constater le dynamisme des équipes issues de ces pays en voie de développement dans ce domaine, et en particulier, d'équipes chinoises, tibétaines, indoues, et de certains pays africains. Toutes les études publiées tendent à prouver l'existence d'une réhabilitation supérieure de la qualité de vie des patients opérés par extraction extra-capsulaire avec implantation de chambre postérieure, lorsqu'on la compare à l'extraction intra-capsulaire suivie de la correction de l'aphakie par verres correcteurs. Ainsi, l'étude réalisée en Inde par Oliver et al. (92), basée sur l'utilisation d'une échelle de qualité de vie originale, dont les propriétés psychométriques ne sont malheureusement pas établies, et qui porte sur 73 patients opérés par extraction intra-capsulaire et 70 patients ayant bénéficié d'une extraction extra-capsulaire avec implantation d'un implant de chambre postérieure, montre d'une part une amélioration significativement supérieure de la meilleure acuité visuelle corrigée après chirurgie pour les patients du second groupe que pour ceux du premier, et d'autre part plusieurs différences significatives en terme d'amélioration de qualité de vie entre les deux groupes. Ainsi, le score global de l'échelle utilisée, mais aussi le score des sous-échelles : mobilité et déplacements, vie sociale, statut psychologique, sont significativement plus élevés pour un plus grand nombre de patients opérés par extraction extra-capsulaire que pour les patients ayant subi une extraction intra-capsulaire, même si, d'une façon plus globale, les améliorations de qualité de vie sont loin d'être négligeables pour ce groupe de patient. Ces résultats se trouvent confirmés par une autre étude clinique prospective, portant sur un plus grand nombre de patients (1700), réalisée en Inde également (93). Ces deux études soulignent également le fait que l'amélioration de la moyenne des scores de qualité de vie des deux groupes de patients n'est pas corrélée linéairement à l'amélioration de la moyenne des meilleures acuités visuelles corrigées, témoignant ainsi du fait que l'acuité visuelle considérée isolément n'est pas suffisante pour l'évaluation du résultat fonctionnel d'une chirurgie du cristallin.

 

(3) Effet de la chirurgie du deuxième œil

L'extraction de la cataracte est actuellement l'intervention la plus pratiquée de par le monde, et la tendance au vieillissement des populations inhérente aux progrès médicaux fait entrevoir une évolution vers l'augmentation du nombre de procédures chirurgicales dans un futur proche, ce qui engendre un coût considérable pour la collectivité. Ainsi, dans une étude publiée en 1995 (79), le coût annuel de la chirurgie aux Etats Unis a été évalué pour 1991 à 3,4 milliards de dollars, concernant uniquement les bénéficiaires du système d'assistance médicale aux personnes âgées (MEDICARE). Devant cet état de fait, toujours aux Etats Unis, plusieurs organismes payeurs (assurances privées), par mesure d'économies, ont refusé le remboursement de la chirurgie du second œil chez les patients âgés, arguant que le ratio gain fonctionnel / coût était trop faible. Pourtant, plusieurs études démontrent que le gain fonctionnel, mais aussi et surtout le gain en termes de qualité de vie après chirurgie du second œil est loin d'être négligeable, même s'il est toujours plus faible que celui qui est obtenu après chirurgie du premier oeil (7, 15, 79, 94-96). Ainsi, dans l'étude publiée par Javitt en 1995, portant sur 772 patients, il apparaît que les patients ayant bénéficié d'une chirurgie successive des deux yeux, présentent un score de VF-14 1,6 fois supérieur (soit un gain supplémentaire de 60% par rapport au gain, déjà important, attribué à la chirurgie du premier œil), rapportent 2,1 fois plus souvent l'absence de perturbations concernant leur vision, et sont 2,7 fois plus fréquemment satisfaits de leur vision que ne le sont les patients n'ayant bénéficié que d'une chirurgie unilatérale. Une autre étude très intéressante, un peu plus nuancée, et publiée par Eliott , ne portant malheureusement que sur un nombre limité de patients (25), utilise outre des critères d'évaluation relativement classiques (acuité visuelle de loin et de près, vision des contrastes, sensibilité à l'éblouissement, score ADVS (activities of daily living vision scale), une évaluation originale de situations assez proches de la vie quotidienne : ainsi, ont été évaluées la capacité à reconnaître des visages et des expressions faciales ( colère, sourire…), la vitesse de lecture d'un journal, la mobilité dans une sorte de parcours d'obstacles (présentant diverses conditions de luminance et des zones ou le patient est ébloui par une source lumineuse). Ces différents paramètres ont été évalués (avant chirurgie et 4 mois après) pour 3 groupes de sujets : le groupe 1, comportant des patients ne bénéficiant que d'une chirurgie unilatérale, le groupe 2, concernant les patients subissant une chirurgie successivement des deux yeux, le groupe 3 étant un groupe témoin. Les résultats de cette étude mettent en évidence, outre une augmentation statistiquement significative des paramètres cliniques " classiques " pour les patients du premier et du second groupe, il existe une amélioration significative des capacités de reconnaissance des visages et des expressions faciales, de la vitesse de lecture, de la performance pour réaliser le parcours d'obstacles pour les patients du premier groupe (chirurgie unilatérale), tandis qu'il existe uniquement une amélioration supplémentaire statistiquement significative de l'identification des visages et de celle des expressions faciales pour les patients du second groupe. Concernant le score ADVS, celui-ci augmente en moyenne de 16 points pour les patients du premier groupe, et de 9 points pour celui du second, ce qui est comparable au résultat des autres études. Après chirurgie, qu'il s'agisse de chirurgie unilatérale, et à fortiori de chirurgie bilatérale, les scores ADVS deviennent statistiquement comparables à ceux des témoins, sauf les scores concernant la conduite automobile de nuit, qui sont plus faibles. La limite de cette étude, outre son faible effectif, est comme le soulignent ses auteurs, le fait qu'elle s'adresse uniquement à des patients porteurs de formes débutantes de cataracte, induisant un effet plafond concernant le score ADVS (les scores avant chirurgie sont relativement élevés, et donc peu susceptibles d'augmenter beaucoup).

Ainsi, les différentes études réalisées concernant la nécessité d'une chirurgie uni- ou bilatérale de la cataracte, tendent à prouver que le maximum de gains en termes de qualité de vie est réalisé par la chirurgie du premier œil, mais que la chirurgie du second œil apporte un gain supplémentaire non négligeable à un grand nombre de patients.

 

(4) Influence du type de correction optique

Si l'influence de la correction de l'aphakie après extraction intra-capsulaire par verres correcteurs a été évaluée très indirectement sur le plan de la qualité de vie (92-93), il faut bien remarquer qu'aucune étude spécifique n'est dédiée au problème de la correction optique, que ce soit par verres correcteurs ou par lentilles pré-cornéennes. Un des facteurs de dégradation de la qualité de vie liée à l'aphakie, concernant les pays en voie de développement, a été identifié par Oliver et col. comme étant l'absence du port des verres correcteurs, suite à leur perte ou leur bris.

Dans les pays occidentaux, les seules études disponibles actuellement concernant l'importance du type de la correction optique sur la qualité de vie, sont ceux qui comparent les implants de chambre postérieurs multifocaux aux implants monofocaux. Ainsi, dans l'étude rétrospective de Javitt et col. (87) publiée en 1997, l'influence du type d'implant a été évaluée principalement par l'administration téléphonique d'une version modifiée du TyPE, une échelle de qualité de vie spécifiquement développée pour les patients porteurs d'une cataracte, par des questions portant sur l'utilisation des verres correcteurs prescrits en postopératoire, et des questions quant à la satisfaction des patients vis-à-vis de leur vision. Cette étude incluait 103 patients équipés bilatéralement d'implants de chambre postérieure multifocaux et un groupe témoin de 100 patients appareillés en implants de chambre postérieure monofocaux. Il n'y avait aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes concernant les critères démographique, sociaux, ni concernant les niveaux d'acuité visuelle de loin avec correction optique. Les résultats de cette étude font apparaître des différences statistiquement significatives des scores de qualité de vie, en particulier concernant les scores pour les sous-échelles : activités dépendant de la vision de loin, activités impliquant la vision de près, activités sociales, en faveur du groupe " multifocal ", différences qui s'estompent, mais restent significatives, lorsque l'on considère les mêmes domaines, mais avec le port des lunettes. L'évaluation de la fréquence d'utilisation des lunettes montre également une très nette différence entre les deux groupes, avec par exemple une proportion de patients n'y ayant jamais recours, significativement supérieure dans le groupe " multifocal ". Toutefois, il existe une très nette différence entre les deux groupes lorsqu'on s'intéresse à la conduite automobile, qui pose plus de difficultés la nuit aux porteurs d'implants multifocaux, et davantage le jour pour les patients équipés d'implants monofocaux. La limitation majeure de cette étude est liée au fait qu'il n'est pas fait mention des données fonctionnelles, ni des scores de qualité de vie préopératoires, et qu'ainsi, il ne permet pas d'établir l'amélioration de la qualité de vie induite respectivement par chacune de ces deux modalités de correction optique. Ces résultats, mais également ces limitations, sont retrouvés dans une seconde étude très similaire, publiée récemment par Brydon et al. , qui ne portait que sur 28 patients, et qui se basait sur le VF-14, la mesure de l'acuité de loin et de près, l'évaluation de la profondeur de champ, mais également sur des questions portant sur l'usage de verres correcteurs.

 

(5) Influence de l'âge du patient lors de la prise en charge (89)

Comme plusieurs études (44, 84, 89, 90, 98) le soulignent, le bénéfice en terme d'amélioration de la qualité de vie des patients après chirurgie de la cataracte, est moins important pour les patients les plus âgés qu'il ne peut l'être pour des patients plus jeunes, mais d'autres publications suggèrent que ce bénéfice est loin d'être négligeable. Les facteurs pouvant être identifiés comme étant responsables d'une moindre amélioration des fonctions visuelles et de la qualité de vie de ces patients plus âgés après la chirurgie, sont essentiellement liés au vieillissement physiologique de l'ensemble du système visuel, mais également à la prévalence plus élevée d'une comorbidité, qu'elle soit ophtalmologique (dégénérescence maculaire liée à l'âge, glaucome, rétinopathie diabétique, etc.), ou générale (pathologie rhumatologique, cardio-vasculaire, neurologique, etc.), limitant les possibilités de la réhabilitation fonctionnelle, sociale, voire psychologique, que permet la chirurgie.

Plusieurs études tendent à démontrer que l'effet de la chirurgie de la cataracte sur les patients âgés est loin d'être négligeable, puisqu'elle susceptible de ralentir le déclin de la qualité de vie liée à la santé, dans son acceptation la plus globale, mais également d'améliorer les facultés mnésiques et intellectuelles des patients. Ainsi, l'étude de Fagerstrom (99), dans une étude portant sur 100 patients âgés de 71 à 75 ans, a mis en évidence une amélioration significative des facultés de mémorisation et d'apprentissage des patients pour lesquels la chirurgie de la cataracte a permis une restauration satisfaisante des fonctions visuelles, amélioration qui est moindre pour les patients porteurs d'une comorbidité ophtalmologique (principalement, dans cette étude, altérations glaucomateuses du champ visuel), ou générale (démence débutante, pathologie vasculaire cérébrale essentiellement). Une autre étude, publiée par Mangione et al.,(21) portant sur 464 patients âgés de plus de 65 ans, et basée sur le SF-36 (échelle générique de mesure de qualité de vie liée à la santé), et sur l'ADVS (échelle spécifique de mesure de qualité de vie liée à la vision), met en évidence l'existence d'un ralentissement du déclin des scores du SF-36 dans le temps, par la chirurgie. De plus, il existe une relation positive et significative entre amélioration du score de l'ADVS et moindre déclin de tous les scores par domaine du SF-36, à l'exception du domaine concernant les limitations liées à la santé psychique. Dans cette étude également, une moindre amélioration des scores ADVS, et par là-même, une moindre atténuation du déclin des scores du SF-36, est liée à l'existence d'une comorbidité surtout ophtalmologique (principalement glaucome chronique à angle ouvert et dégénérescence maculaire liée à l'âge), mais également, dans une moindre mesure, à l'existence de complications péri et post-opératoires.

 

(6) Influence de la comorbidité ophtalmologique

Comme la majorité des études publiées (44, 89, 90, 98) mettent en exergue le fait que la restauration des scores de qualité de vie par la chirurgie est moindre pour les patients présentant une comorbidité oculaire, on peut se poser la question de savoir s'il existe un intérêt à opérer de tels patients. Seule une étude tente de le faire, concernant la dégénérescence maculaire liée à l'âge, qui a une prévalence assez élevée parmi les patients porteurs d'une cataracte. Il ressort de cette étude, portant sur 1073 patients (80) que si le bénéfice fonctionnel, et le gain en terme de qualité de vie, après chirurgie du cristallin est moindre concernant les patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge comparativement à une population de patients ne présentant pas de comorbidité, ce gain est pourtant bien réel, puisque 67 % des patients du premier groupe affirment que l'opération " valait la peine " d'être effectuée. Parmi ces patients satisfaits par la chirurgie, 90% présentaient une amélioration d'un ou plusieurs des critères fonctionnels (acuité de loin, de près, score de qualité de vie, champ visuel). Il faut toutefois remarquer que cette étude n'est pas basée sur un questionnaire de qualité de vie validé et reconnu, et qu'elle demande, comme le soulignent ses auteurs, à être confirmée par une étude prospective. Il serait également intéressant d'évaluer l'impact d'autres conditions pathologiques, comme le glaucome chronique à angle ouvert, la rétinopathie diabétique, la myopie forte, ou les maladies vasculaires rétiniennes, par exemple, sur l'évolution des scores après chirurgie, afin, peut-être, de pouvoir mieux informer et conseiller nos patients.

 

C. Synthèse

 

POINT CLEF : La chirurgie de la cataracte est une intervention qui permet, dans la grande majorité des cas, de restaurer la qualité de vie des patients, fortement affectée par cette pathologie.

 

 

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