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Date de mise à jour : 25/04/2001

Mise en page : Xavier et Angéline

 

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CHAPITRE PRECEDENT

V. Qualité de vie et dégénérescence maculaire liée à l'âge

A. La dégénérescence maculaire liée à l'âge : généralités

1. Définition, clinique

2. Formes cliniques [100]

a) Lésions initiales : les drusen et les modifications de l'épithélium pigmentaire

b) Formes atrophiques de la dégénérescence maculaire liée à l'âge

c) Formes exsudatives [100, 101]

3. Epidémiologie

4. Histoire naturelle [100, 102]

a) Formes non exsudatives

b) Formes exsudatives

5. Prise en charge thérapeutique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge

a) Buts du traitement

b) Moyens médicaux

c) Moyens physiques

(1) Photocoagulation au laser [100]

(2) Radiothérapie [100, 104, 106, 107]

(3) Photothérapie dynamique [100, 104, 108]

d) Moyens chirurgicaux

(1) Exérèse de néovaisseaux choroïdiens [104]

(2) Translocation maculaire [103, 110]

e) Equipement optique et rééducation de la basse vision [111-113]

B. Qualité de vie du patient porteur d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge

1. Spécificités et intérêts de l'étude de la qualité de vie du patient porteur d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge

2. Facteurs influant la qualité de vie

a) Liées à la pathologie et à son évolution
(1) Baisse d'acuité visuelle centrale

(2) Métamorphopsies, micropsies

(3) Scotomes

(4) Malvoyance et cécité[1, 111]

(5) Hallucinations visuelles

b) Liés la prise en charge thérapeutique

c) Liés au terrain

3. Retentissement sur la qualité de vie du patient porteur d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge

a) Impacts de la maladie et de son évolution sur la qualité de vie
(1) Remarque préliminaire

(2) La dégénérescence maculaire liée à l'âge, source d'altération de la qualité de vie ?

(3) Influence de la forme clinique et de la sévérité de la pathologie

(4) Considération concernant l'acuité visuelle et la sensibilité aux contrastes

(5) Considération concernant les autres symptômes cliniques

(6) Rôle de la comorbidité

b) Impact de la prise en charge

(1) Thérapeutique médicale, chirurgicale, physique

(2) Rééducation de la basse vision et équipement optique

C. Synthèse

 

 

 


 

V. Qualité de vie et dégénérescence maculaire liée à l'âge

 

A. La dégénérescence maculaire liée à l'âge : généralités

1. Définition, clinique

La dégénérescence maculaire liée à l'âge est une pathologie du vieillissement oculaire, considérée comme l'une des pathologies les plus fréquemment responsable de malvoyance dans les pays occidentaux. La définition de la dégénérescence maculaire liée à l'âge est très large : il s'agit de l'ensemble des lésions dégénératives de la région maculaire, survenant après l'âge de 50 ans sur un œil auparavant normal, associant à divers degrés des anomalies de l'épithélium pigmentaire, de la rétine, des drusen, des néovaisseaux choroïdiens .(100)

 

2. Formes cliniques (100)
a) Lésions initiales : les drusen et les modifications de l'épithélium pigmentaire

Les drusen sont avant tout considérés comme la manifestation du vieillissement rétinien, et se rencontrent chez près de 30% de la population de plus de 50 ans. Sur le plan histopathologique, il s'agit de l'accumulation de débris de cellules de l'épithélium pigmentaire, de débris de photorécepteurs, entourés ou non de membrane basale de l'épithélium pigmentaire. Quatre formes cliniques sont décrites : les drusen miliaires, qui sont petits (inférieurs à 63 µm) et nombreux, à bords nets, prédominant au pôle postérieur ; ils ne sont pas pathognomoniques de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, puisqu'ils peuvent être rencontrés chez de nombreux sujets de la quarantaine, comme le suggèrent plusieurs études histopathologiques post-mortem. Les drusen séreux, quant à eux, sont plus volumineux, souvent polycycliques, à bords flous, et présentent une tendance à la confluence. Cette forme clinique prédispose à l'apparition d'une néovascularisation choroïdienne, et peut être considérée comme pathognomonique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge. La troisième catégorie est représentée par les drusen calcifiés, qui sont brillants et à bords nets, et qui représentent une forme cicatricielle. Enfin, les drusen membraneux sont de très petite taille, jaunes et situés à proximité de l'aire maculaire chez les patients de plus de 65 ans.

Les altérations de l'épithélium pigmentaire peuvent également être considérées comme des lésions " précurseurs " de la dégénérescence maculaire liée à l'âge. On en distingue deux types principaux, les hypo-pigmentations, qui semblent prédisposer à l'évolution vers l'atrophie, et les hyper-pigmentations, qui semblent plutôt être précurseurs de l'apparition de néovaisseaux choroïdiens occultes.

 

b) Formes atrophiques de la dégénérescence maculaire liée à l'âge

Les formes non exsudatives de la dégénérescence maculaire liée à l'âge sont représentées par les formes atrophiques, qui sont les plus fréquentes, représentant près de 80% des formes de dégénérescence maculaire liée à l'âge, selon l'étude de Framingham.

Deux formes cliniques principales de la dégénérescence maculaire liée à l'âge atrophique sont représentés par l'atrophie géographique, qui résulte de l'extension et de la coalescence de petites zones d'atrophie péri fovéolaire, ou de la coalescence de drusen, et par l'atrophie aréolaire, qui se caractérise par une zone d'atrophie centrale arrondie, et qui est le terme de l'évolution de ces formes atrophiques. La symptomatologie fonctionnelle présentée par les patients porteurs d'une forme atrophique est celle d'une baisse d'acuité visuelle graduellement progressive, d'autant plus sensible que l'atteinte est bilatérale. Le diagnostic positif de ces formes cliniques repose sur les données de l'examen biomicroscopique du fond d'œil et sur l'analyse des clichés d'angiographie. Il faut également noter que l'évolution des formes atrophiques peut être émaillée par l'apparition de néovaisseaux choroïdiens, en bordure d'une zone d'atrophie chorio-rétinienne.

 
Figure 13 : A gauche : drusen séreux, et à droite, gliose sous rétinienne secondaire à l'évolution d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge excudative.

 

c) Formes exsudatives (100,101)

Les formes exsudatives de la dégénérescence maculaire liée à l'âge sont définies par l'apparition et le développement de néovaisseaux choroïdiens, qui sont responsables d'une diffusion de sang et/ou de sérum sous la rétine maculaire, pouvant par-là même compromettre gravement et définitivement la fonction maculaire. Les signes cliniques présentés par les patients porteurs d'une forme exsudative sont ceux du syndrome maculaire : baisse d'acuité visuelle prédominant sur l'acuité de près, métamorphopsies et micropsies, mais également scotome paracentral qui a tendance à s'accentuer et à devenir central, avec l'évolution de la pathologie. Le diagnostic clinique repose sur l'examen biomicroscopique du fond d'œil, mettant en évidence une décollement séreux de la rétine maculaire, parfois associé à un décollement de l'épithélium pigmentaire, un œdème maculaire, la présence d'hémorragies rétiniennes ou sous-rétiniennes, l'existence d'exsudats lipidiques à la périphérie du décollement séreux rétinien, ces signes étant associés à des degrés variables. L'examen complémentaire indispensable au diagnostic, et nécessaire à la prise en charge thérapeutique est l'angiographie à la fluorescéine, qui est souvent complété par l'angiographie au vert d'indocyanine, permettant la distinction entre néovaisseaux visibles, apparaissant sur l'angiographie à la fluorescéine, et les néovaisseaux occultes, qui ne sont pas visibles sur ce même examen, mais qui sont très fréquemment identifiables en angiographie au vert d'indocyanine.

 

3. Epidémiologie

Selon l'étude de Framingham (55), la prévalence de la dégénérescence maculaire liée à l'âge peut être évaluée à près de 8,8 %. Il existe une nette augmentation de la prévalence en fonction de l'âge, puisque, dans le groupe des 52-64 ans, elle est de 1,6 %, atteint près de 11 % dans le groupe des 65-74 ans, alors qu'elle est évaluée à 27,9% dans le groupe d'âge 75-85 ans. Avec le vieillissement de la population, on s'attend à une recrudescence de la prévalence globale de la dégénérescence maculaire liée à l'âge.

Ainsi, en France, selon le Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF), il y aurait actuellement 1.250.000 personnes atteintes par une dégénérescence maculaire liée à l'âge, soit 2,16% de la population, et les projections évaluent à près de 2 millions le nombre de cas dans les 50 années à venir.

La forme atrophique représente près de 80 % des cas de dégénérescence maculaire liée à l'âge, et est responsable de 12 % des cas de cécité légale par DMLA, les 88 % restant étant le fait des formes exsudatives.

 

4. Histoire naturelle (100, 102)

a) Formes non exsudatives

Les formes atrophiques de dégénérescence maculaire liée à l'âge évoluent graduellement par la coalescence et l'extension des petites zones d'atrophie qui sont le plus souvent, initialement périfovéolaires. Dans un premier temps, il en résulte un scotome péricentral, gênant particulièrement la lecture, mais l'extension ultérieure des plages atrophiques vers la fovéa entraîne alors une baisse d'acuité visuelle, qui, si elle est relativement tardive, n'en est pas moins majeure et définitive. De plus, la possibilité de développement de néovaisseaux choroïdiens, en bordure des zones atrophiques, (éventualité évaluée à environ 30% des cas) peut précipiter une évolution clinique défavorable.

 

b) Formes exsudatives

L'apparition de néovaisseaux choroïdiens est un tournant évolutif majeur de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, par les conséquences rétiniennes qu'ils entraînent. En effet, ces vaisseaux pathologiques ayant une perméabilité anormale, ils induisent une exsudation de sang et/ou de sérum sous et dans la rétine maculaire, conduisant soit à un décollement séreux de la rétine, soit des hémorragies rétiniennes ou sous rétiniennes, soit un œdème maculaire cystoïde, ou encore des exsudats lipidiques (tous ces signes pouvant s'associer de façon variable). L'évolution spontanée de ces néovaisseaux se fait vers l'extension à l'ensemble de l'aire maculaire, pouvant évoluer vers une gliose sous rétinienne maculaire, compromettant définitivement et sévèrement la fonction maculaire.

 

5. Prise en charge thérapeutique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge
a) Buts du traitement

Si la majorité des auteurs s'accordent à reconnaître l'absence d'un traitement curatif des formes atrophiques de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, il faut tout de même remarquer que plusieurs études cliniques sont actuellement en cours, afin d'évaluer divers protocoles thérapeutiques (administration de zinc, supplémentation alimentaire en nutriments anti-oxydants, photocoagulation de soft drusen, etc.). Actuellement, la prise en charge de ces formes cliniques est résumée essentiellement par la rééducation de la basse vision et l'utilisation d'aides optiques, associées à une surveillance ophtalmologique régulière. Dans les formes exsudatives de dégénérescence maculaire liée à l'âge, les grands progrès thérapeutiques réalisés depuis les années 1980 permettent de proposer un éventail de traitements, dont la finalité commune est de détruire les tissus néovasculaires choroïdiens. La photocoagulation, la radiothérapie externe, et plus récemment l'exérèse chirurgicale des néovaisseaux, mais aussi la photothérapie dynamique, visent à obtenir cette destruction, avec des résultats qui sont toujours en cours d'évaluation. Seule la translocation rétinienne propose une approche différente, en tentant de déplacer la macula en " zone saine ", mais ses bénéfices ne sont pas établis à l'heure actuelle . De nouvelles perspectives thérapeutiques sont actuellement également expérimentées, tant sur le versant médicamenteux (thalidomide, VEGF, Anti-intégrines, interféron, etc.), que chirurgical (chirurgie sous maculaire avec greffe d'épithélium pigmentaire, par exemple) .(104)

 

b) Moyens médicaux

Si aucun traitement préventif de la dégénérescence maculaire liée à l'âge n'a jamais pu établir la preuve de son efficacité, on peut toutefois recommander de lutter contre les facteurs de risque qui ont pu être identifié (tabagisme , hypertension artérielle, hypercholestérolémie, etc.), mais il faut bien reconnaître l'absence d'études cliniques prospectives dans ce domaine.

Dans les formes atrophiques de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, il faut malheureusement déplorer l'absence de traitement curatif. Toutefois, diverses classes thérapeutiques sont couramment prescrites, qu'il s'agisse de vasodilatateurs, d'anti-oxydants, de médicaments à visée anti-ischémique, mais aucun de ces traitement n'a pu apporter la preuve de son efficacité.

 

c) Moyens physiques

(1) Photocoagulation au laser (100)

La photocoagulation au laser s'applique exclusivement aux formes exsudatives de dégénérescence maculaire liée à l'âge, et a pour objectif de détruire les tissus néovasculaires choroïdiens. Les techniques et résultats sont différents selon que l'on considère les néovaisseaux visibles extrafovéaux, juxtafovéaux et rétrofovéaux, préalablement repérés par l'angiographie à la fluorescéine, ou encore les néovaisseaux occultes, mis en évidence par l'angiographie au vert d'indocyanine. Ainsi, selon les sources citées par Soubrane et col., le bénéfice en terme de maintien d'une acuité visuelle centrale utile est établi, en particulier concernant la photocoagulation directe des néovaisseaux extrafovéaux, mais aussi, dans une moindre mesure, dans le traitement des néovaisseaux juxtafovéaux et rétrofovéaux. Les suites sont marquées par la possibilité de récidive de la néovascularisation, qui survient le plus souvent sur le bord de la cicatrice de photocoagulation, mais ces récidives, surtout quand elles sont diagnostiquées précocement, restent le plus souvent accessibles à la photocoagulation.

 

(2) Radiothérapie (100, 104, 106, 107)

La radiothérapie s'adresse exclusivement aux formes exsudatives de dégénérescence maculaire liée à l'âge. Son principe repose sur l'action anti-angiogénique et anti-inflammatoire des radiations ionisantes. Ses modalités d'application sont actuellement évaluées, mais il semble qu'une dose totale comprise entre 10 et 20 Gy, délivrée en 5 fractions égales, soit admise par la majorité des auteurs. L'efficacité, en terme de diminution de la taille des néovaisseaux, de maintien ou d'amélioration d'une acuité visuelle utile, peut être évaluée comme assez satisfaisante, mais il faut bien noter qu'il existe des effets secondaires non négligeables pour cette technique, comme la neuropathie optique radique, la rétinopathie radique, le développement d'une cataracte, ou encore l'apparition d'une vasculopathie choroïdienne ou rétinienne.

 

(3) Photothérapie dynamique (100, 104, 108)

La photothérapie dynamique est une thérapeutique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge actuellement en plein essor. S'adressant exclusivement aux formes néo-vasculaires, elle consiste en l'administration par voie générale d'une substance photo-sensibilisante, qui présente une affinité sélective pour les tissus néo-vasculaires, suivie de l'exposition du néo-vaisseau au faisceau d'un laser, dont la longueur d'onde est choisie pour déclencher une réaction photo-chimique. Cette réaction aboutit à la transformation de la substance photo-sensibilisante en composés cytotoxiques, dont le terme est la nécrose tissulaire sélective des tissus néovasculaires. L'avantage de cette technique, comparativement à la photocoagulation classique, est sa sélectivité tissulaire, puisqu'elle n'engendre qu'un minimum de dommages aux tissus environnants le néovaisseau, en particulier concernant la rétine. Les études actuellement disponibles (108) permettent d'établir l'efficacité de cette technique, mais il existe toutefois un taux de récidives non négligeable, lesquelles restent accessibles à un traitement itératif par cette méthode .(109)

 

 d) Moyens chirurgicaux

(1) Exérèse de néovaisseaux choroïdiens (104)

Cette technique ne s'applique qu'au cas des néovaisseaux " visibles " de la dégénérescence maculaire liée à l'âge dans ses formes exsudatives. Elle consiste en une rétinotomie juxta-maculaire, après vitrectomie, puis au " pelage " chirurgical des néovaisseaux à la pince, suivie d'un tamponnement rétinien interne. Cette approche, séduisante sur un plan théorique, n'a malheureusement pas montré des résultats fonctionnels à la hauteur des attentes des ophtalmologistes, avec dans toutes les études publiées à ce jour, une dégradation de l'acuité visuelle par rapport à la période préopératoire, et un risque de récidive de la néovascularisation évalué à plus de 40% dans la première année postopératoire. Il n'y a pas, à notre connaissance, de publication d'études de qualité de vie concernant cette technique.

 

(2)Translocation maculaire (103, 110)

Cette technique, de développement récent, a pour but, dans les cas de dégénérescences maculaires liées à l'âge exsudatives uniquement, de déplacer la rétine fovéale en zone saine, par rapport à la zone de prolifération des néovaisseaux. Une première technique, relativement complexe, a consisté en une rétinotomie sur 360°, suivie de la translocation proprement dite. Devant l'insuffisance des résultats fonctionnels, avec moins de 10% de cas d'amélioration de l'acuité visuelle, et la fréquence des complications (décollement de rétine, cataracte, diplopie par cyclotorsion), des techniques moins invasives de translocation plus limitées ont été développées, en réalisant un plissement et un raccourcissement scléral, après décollement de rétine thérapeutique. Il semblerait que ces techniques aient des résultats fonctionnels plus satisfaisants avec entre 40 et 60 % de cas d'amélioration de l'acuité visuelle après chirurgie, mais, comme le fait remarquer l'American Academy of Ophthalmology , l'absence d'études prospectives randomisées ne permet pas réellement de conclure à l'efficacité de ces techniques de translocation maculaire. Il faut remarquer qu'aucune étude à ce jour n'a évalué l'impact sur la qualité de vie des patients ayant bénéficié d'une translocation rétinienne.

 

e) Equipement optique et rééducation de la basse vision (111-113)

La prise en charge par la rééducation et/ou l'aide optique des patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l'âge responsable d'une malvoyance ou d'une cécité légale ne se conçoit qu'au terme d'un bilan fonctionnel approfondi, nécessitant une collaboration multidisciplinaire entre ophtalmologiste, orthoptiste, opticien, voire psychologue et ergothérapeute.

Dans le but d'améliorer la qualité de vie des patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge, de nombreux dispositifs d'aide optique sont proposés, afin d'utiliser au mieux la fonction visuelle résiduelle. Ces aides techniques, qui peuvent être optiques comme les loupes ou les systèmes télescopiques, ou encore électroniques comme les " vidéo-loupes " mais aussi par le recours à l'informatique, peuvent être adaptées à la vision de loin ou à la vision de près.

La rééducation en basse vision, qui en France est essentiellement effectuée par des orthoptistes, vise à développer la vision fonctionnelle afin de développer les possibilités visuelles résiduelles, en particulier par le développement de nouvelles stratégies visuelles, telles stratégies de lecture, d'écriture, d'exploration, mais aussi par l'amélioration de l'interprétation de l'information visuelle (apprentissage cognitif), et par l'amélioration de la coordination œil-main, en conjonction avec l'ergothérapeute.

 

B. Qualité de vie du patient porteur d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge

1. Spécificités et intérêts de l'étude de la qualité de vie du patient porteur d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge

Une remarque préliminaire s'impose, lorsque l'on s'intéresse à la qualité de vie des patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge, qui est la relative " rareté " des publications y ayant trait. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait que d'un point de vue historique, l'exploration du domaine de la qualité de vie en ophtalmologie a débuté par celui de la cataracte, sans doute du fait de l'existence d'une thérapeutique efficace ayant des effets le plus souvent spectaculaires sur la qualité de vie, permettant ainsi leur évaluation avec une certaine facilité. L'intérêt pour l'étude de la qualité de vie des patients porteurs de pathologies oculaires chroniques moins accessibles à un traitement réellement curateur, dont la dégénérescence maculaire liée à l'âge est un exemple, ne s'est développé que secondairement, essentiellement depuis la seconde moitié des années 90. On assiste actuellement à l'émergence d'échelles de qualité de vie spécifiquement dédiées à la dégénérescence maculaire liée à l'âge et à la basse vision, telles le DLTV (Daily Living Tasks dependent on Vision) ou le LVQOL (Low Vision Quality Of Life), mais il faut bien reconnaître qu'actuellement, il n'existe pas à proprement parler d'études basée sur des instruments validés permettant d'évaluer l'impact de la prise en charge de la maladie, à l'exception de l'évaluation de la prise en charge de la basse vision (22) . Il est très vraisemblable que cette situation soit amenée à changer, devant l'émergence de nouvelles modalités de prise en charge, tant chirurgicales, que médicales et physiques, qui se doivent d'être évaluées, non seulement par les moyens d'évaluation " classiques ", mais aussi à l'aulne de la qualité de vie.

 

2. Facteurs influant la qualité de vie

a) Liées à la pathologie et à son évolution

(1) Baisse d'acuité visuelle centrale

Dans les formes atrophiques de dégénérescence maculaire liée à l'âge, l'implication fovéolaire étant relativement tardive dans l'évolution clinique, l'acuité visuelle n'est qu'un pâle reflet de l'importance de l'atteinte anatomique et fonctionnelle de la macula. Ainsi, dans une étude récente (114) portant sur 83 patients porteurs d'une forme atrophique bilatérale, la majorité des patients, dont la médiane des acuités visuelles du meilleur œil est évaluée à près de 4/10, se plaint de difficultés à la lecture, à la reconnaissance des visages, et de difficultés concernant la vision en basse luminance. Cette plainte fonctionnelle reste également fréquente lorsqu'on s'adresse au sous-groupe des patients présentant une meilleure acuité visuelle (5,5/10 de médiane des acuités du meilleur oeil), témoignant ainsi du fait que le niveau d'acuité visuelle considérée isolément n'est pas suffisante à capter totalement la gêne fonctionnelle ressentie par les patients, qui sont souvent davantage handicapés par l'existence d'un scotome central ou paracentral. De plus, l'évolution de l'acuité dans le temps a également été évaluée dans une étude prospective concernant 74 patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge atrophique (115). Il en ressort que près de 50% des patients doublent leur angle de discrimination morphoscopique, et près de 25% d'entre eux la quadruplent après 2 ans d'évolution, lorsque l'on considère l'acuité du meilleur oeil.

Dans les formes exsudatives, la baisse d'acuité visuelle est d'installation beaucoup plus rapide, parallèle à l'apparition du soulèvement de la rétine neuro-sensorielle, et prédomine en vision de près, s'accompagnant des autres éléments du syndrome maculaire.

 

(2) Métamorphopsies, micropsies

L'apparition de métamorphopsies est un signe très évocateur et très précoce de l'apparition de néovaisseaux choroïdiens. Elles se traduisent par des déformations et distorsions très importantes de l'image perçue, rendant la lecture et l'écriture particulièrement difficiles, et doivent être évaluées cliniquement par l'utilisation de la grille d'Amsler. Les micropsies, qui ont un peu moins de spécificité, font percevoir l'image comme étant plus petite, plus éloignée.

 

(3) Scotome 

Dans les formes atrophiques de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, et en particulier dans les stades initiaux de la maladie, quand les zones d'atrophie sont essentiellement péri-fovéolaires, l'existence d'un scotome paracentral, corrélé à la disparition des photorécepteurs, peut être un facteur de dégradation considérable de la qualité de vie des patients, compromettant par exemple la lecture et l'écriture, alors même que l'acuité visuelle centrale peut rester relativement conservée. L'évolution vers une atrophie aréolaire, avec la destruction des cellules fovéolaires, conduit à la constitution d'un scotome central parallèlement à la perte de l'acuité visuelle centrale, ce qui conduit à un état de cécité légale, quand l'atteinte est bilatérale.

Dans les formes exsudatives également, un scotome positif paracentral relatif puis de plus en plus dense et à tendance extensive, peut se développer, parallèlement à l'extension des lésions exsudatives.

L'appréciation clinique de ces scotomes peut se faire par l'utilisation de la grille d'Amsler, par la réalisation de champs visuels centraux, mais aussi par l'ophtalmoscope laser à balayage.

 

(4) Malvoyance et cécité (1, 111)

La dégénérescence maculaire liée à l'âge est une étiologie fréquente de malvoyance et de cécité légale, en particulier dans les pays industrialisés, et les perspectives évolutives de l'épidémiologie de cette affection, liées au vieillissement des populations et à l'augmentation de la prévalence avec l'âge, laissent entrevoir un réel problème de santé publique pour les décennies à venir.

Globalement, en France, selon le SNOF, la dégénérescence maculaire liée à l'âge serait responsable de 5 à 30% des cas de cécité (catégories III, IV, V de l'OMS), soit environ 19000 cas sur l'estimation totale des 112000 cas de cécité légale, mais il faut bien reconnaître qu'il n'existe pas de registre épidémiologique national concernant ce domaine. De même, est-il très difficile d'apprécier la fréquence de la dégénérescence maculaire liée à l'âge dans les étiologies de malvoyance du sujet âgé, mais on peut raisonnablement penser qu'il s'agit d'une cause prépondérante.

Les deux formes cliniques (atrophique et exsudative) de la dégénérescence maculaire liée à l'âge sont potentiellement à l'origine de cécité légale, mais il semble, comme le suggère l'étude de Framingham, que la forme exsudative soit responsable de près de 90% des cas.

La cécité par dégénérescence maculaire liée à l'âge est de façon évidente un facteur prépondérant de la dégradation de la qualité de vie des patients, comme le suggèrent plusieurs études, mais il faut toutefois reconnaître qu'étant secondaire à la destruction des structures maculaires, elle épargne le champ visuel périphérique, maintenant ainsi un certain degré d'autonomie à ces patients.

 Acuité du meilleur oeil après correction

 Acuité du meilleur oeil après correction

 Maximum

Minimum

 Malvoyance

 I 3/10 (0,3)

II 1/10 (0,1)

1/10 (0,1)

1/20 0,05)

Cécité

III 1/20 (0,05)

IV 1/50 (0,02)

V

1/50 (0,02)

Perception lumineuse

Pas de perception lumineuse

Tableau 6 : Classification de l'OMS concernant cécité et malvoyance

 

(5) Hallucinations visuelles

Elles ne sont pas l'apanage de la dégénérescence maculaire liée à l'âge dans ses formes évoluées, car elles peuvent se rencontrer dans de nombreuses autres pathologies impliquant une baisse d'acuité visuelle profonde ou une cécité. Décrites pour la première fois par Bonnet en 1769, elles sont le plus souvent assez stéréotypées, étant en général assez élaborées (perception de personnages et d'animaux), durent de quelques heures à quelques jours, et régressent spontanément. La physiopathologie de ces hallucinations est mal connue, mais on pense qu'elles résultent de la privation sensorielle, au même titre, par exemple que les perceptions dans un " membre fantôme " chez les amputés. Pour différencier ces hallucinations par privation sensorielle des hallucinations rencontrées dans les psychoses, il faut remarquer que ces premières surviennent sans altération de la conscience, qu'elles n'ont pas de contenu angoissant, et qu'elles durent globalement moins longtemps que les hallucinations psychotiques.

 

b) Liés la prise en charge thérapeutique

Les différentes modalités de la prise en charge thérapeutique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge sont, à priori, susceptibles de stabiliser ou d'améliorer la qualité de vie des patients, en assurant la destruction des tissus néovasculaires, dans les formes exsudatives, ou en améliorant les performances visuelles par la rééducation et par l'équipement optique de la basse vision. Toutefois, les effets secondaires des différents traitements peuvent être à l'origine d'une dégradation de qualité de vie. Ainsi, concernant la photocoagulation directe des néovaisseaux, citons la possibilité d'aggravation du scotome central ou péricentral, et la baisse d'acuité, pouvant être induites par la destruction de la rétine maculaire, mais aussi et surtout, le risque de récidive (100) , que l'on retrouve également pour la photothérapie dynamique (108) . La chirurgie (exérèse directe des néovaisseaux et transposition rétinienne) présente également ces mêmes complications, ainsi que des complications propres, potentiellement graves, comme le risque de décollement de rétine, d'endophtalmie, etc., pouvant être de façon évidente à la source d'importantes dégradations de la qualité de vie des patients (103, 104) . Concernant la radiothérapie externe, plusieurs complications sont décrites, comme la rétinopathie radique, la neuropathie optique radique, les occlusions vasculaires rétiniennes, l'apparition ou le développement d'une cataracte, la sécheresse oculaire (107).

 

c) Liés au terrain

La dégénérescence maculaire liée à l'âge étant une pathologie du sujet âgé, il est fréquent que cette pathologie s'inscrive dans le cadre d'une poly-pathologie. Chaque atteinte pathologique associée, qu'il s'agisse de pathologies touchant les différents sens (accidents vasculaires cérébraux, troubles auditifs…), ou d'autres fonctions, ne fait que dégrader davantage la qualité de vie liée à la santé du patient. De plus, la comorbidité ophtalmologique est également fréquemment retrouvée, et il n'est pas rare de rencontrer des patients porteurs à la fois de dégénérescence maculaire liée à l'âge et de cataracte, ou de glaucome, par exemple, ces pathologies ayant une incidence qui augmente avec l'âge.

 

3. Retentissement sur la qualité de vie du patient porteur d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge
a) Impacts de la maladie et de son évolution sur la qualité de vie

(1) Remarque préliminaire

L'intérêt pour l'évaluation de la qualité de vie des patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge n'est que très récent (fin des années 90), et en plein développement actuellement. Ceci peut sans doute s'expliquer par le développement, également très récent, de nouvelles modalités de prise en charge thérapeutique, comme la photothérapie dynamique, la chirurgie de l'espace sous-rétinien, mais aussi par une meilleure évaluation de l'effet de thérapeutiques plus " classiques " telles la photocoagulation et la radiothérapie, qui permet de proposer à un certain nombre de patients, une prise en charge susceptible d'améliorer ou, au moins, de stabiliser leur fonction visuelle. Les perspectives démographiques du vieillissement des populations, particulièrement sensibles dans les pays industrialisés, font également considérer potentiellement la dégénérescence maculaire liée à l'âge comme étant un futur problème de santé publique, auquel il faut dès à présent tenter d'apporter des solutions. On estime ainsi, par exemple, que la population de plus de 65 ans doublera aux Etats-Unis dans les trente ans à venir . Il convient donc de tenter d'évaluer toute les thérapeutiques disponibles, non seulement selon des critères " classiques ", mais aussi et surtout, par l'évaluation de leur effet sur la qualité de vie des patients, car tant qu'un traitement préventif ou véritablement curatif n'aura pas été développé, la finalité même de la prise en charge thérapeutique restera l'amélioration ou au moins la stabilisation de la qualité de vie. Depuis moins d'un an, on assiste à l'apparition de nouvelles échelles de qualité de vie spécifiquement dédiées à la dégénérescence maculaire liée à l'âge, ou encore à la basse vision, telles le DLTV (Daily Living Tasks dependant on Vision) (49), ou le LVQOL (Low Vision Quality of Life) (50), et quelques études (encore relativement rares), commencent à évaluer les répercussions de la pathologie sur la qualité de vie. L'évaluation de la thérapeutique, quant à elle, ne fait que débuter, et très peu de données sont actuellement disponibles.

 

(2) La dégénérescence maculaire liée à l'âge, source d'altération de la qualité de vie ?

Les (rares) données disponibles permettent d'évaluer le retentissement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge comme étant un déterminant important de la qualité de vie des patients. Ainsi, dans une étude incluant 156 patients pris en charge dans une structure de rééducation de la basse vision (22), les scores du SF-36 sont comparés à ceux établis pour d'autres pathologies (insuffisance cardiaque congestive, dépression) mais également à ceux d'un échantillon de sujets " normaux " de la même tranche d'âge. Il apparaît que les scores des patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge sont significativement inférieurs aux scores des trois autres échantillons pour les dimensions suivantes du SF-36 : activités physiques, limitations liées à l'état physique, limitations liées à la santé psychique et à l'état émotionnel, les cinq autres scores étant soit comparables, soit supérieurs à ceux des 3 autres échantillons de patient. Un autre article intéressant, basé sur les " valeurs d'utilité " (utility value) (51), qui établissent la qualité de vie de façon relativement simple, en donnant un résultat compris entre 0 (la pire qualité de vie liée à la santé imaginable) et 1 (meilleure qualité de vie possible), évalue cette valeur à 0,72 pour l'ensemble des patients inclus dans cette étude (avec des scores moyens variant de 0,40 à 0,89 selon l'importance de l'atteinte fonctionnelle), à comparer aux valeurs moyennes établies pour d'autres pathologies, exposées dans le tableau suivant.

 Pathologie

 "Utility Value"

 Angine de poitrine " légère "

 0,90

 Angine de poitrine " modérée "

 0,70

 Angine de poitrine " sévère "

 0,50

 Insuffisance rénale en dialyse à domicile

 0,64

 Cécité (toutes étiologies confondues)

 0,39

 Dégénérescence maculaire liée à l'âge (valeur moyenne)

 0,72

 Dégénérescence maculaire liée à l'âge (valeur pour les formes sévères)

 0,40

 Dégénérescence maculaire liée à l'âge (valeur pour les formes les moins sévères)

 0,89

Tableau 7 : "valeurs d'utilité" pour différentes conditions pathologiques.

 

Une étude très intéressante évalue le retentissement psychosocial de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, pour 86 patients (116), comparés à un échantillon de sujets de même âge, et se base sur le POMS (Profile Of Mood States, échelle évaluant la détresse émotionnelle), et le QWB (Quality of Well Being, échelle de qualité de vie générique, intégrant des sous-échelles évaluant la mobilité, les activités physiques, les activités sociales et les symptômes). Cette étude met en évidence la nette diminution de ces deux scores chez les sujets porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge, par rapport à ceux du groupe témoin (atteignant des scores similaires à ceux de sujets porteurs d'autres pathologies chroniques, comme les bronchopathies chroniques obstructives, l'immunodépression acquise, ou encore le mélanome cutané), mais également l'existence d'une corrélation entre score POMS et score de QWB, et entre degré de réduction d'activités et niveaux de détresse émotionnelle. Une donnée intéressante, retrouvée également dans l'étude clinique de Brown et col. ( 51), est l'existence d'une " adaptation ", les sujets pour lesquels la durée d'évolution de la pathologie est longue ayant de meilleurs scores de POMS (et, globalement, de qualité de vie, comme cela apparaît à la lumière de l'article de Brown et col.), que les sujets dont l'altération des fonctions visuelles est plus récente.

 

(3) Influence de la forme clinique et de la sévérité de la pathologie

L'étude de Mangione et col. (23), publiée en 1999, est, à notre connaissance, la seule à tenter d'évaluer le retentissement de la sévérité clinique de l'atteinte maculaire, en classant les 201 patients inclus en 3 groupes : atteinte " légère ", comportant les patients qui présentent des formes sèches de dégénérescence maculaire liée à l'âge uni- et bilatérales ; atteinte " modérée ", incluant les patients présentant une forme exsudative unilatérale, et atteinte " sévère ", qui regroupe les patients porteurs d'une forme exsudative bilatérale. Si cette étude ne retrouve pas de différences significatives des scores de l'ADVS lorsque l'on compare les patients des deux premiers groupes, elle souligne, par contre, l'existence de différences statistiquement significatives quand on compare les scores des patients présentant une forme " sévère ", à ceux des patients des deux premiers groupes. Ceci est interprété par les auteurs comme témoignant du fait que les patients porteurs d'une forme exsudative unilatérale ne présentent pas plus de difficultés que les patients porteurs d'une forme sèche, dans la réalisation de tâches dépendantes de la vision (il faut en effet rappeler ici que l'ADVS n'évalue la qualité de vie qu'en terme de limitations d'activités).

 

(4) Considération concernant l'acuité visuelle et la sensibilité aux contrastes

Les études actuellement publiées mettent l'accent sur l'existence d'une corrélation entre niveau d'acuité visuelle et scores de qualité de vie. Ainsi, l'étude de Mangione et col.(23), publiée en 1999, qui porte sur 201 patients présentant diverses formes évolutives de dégénérescence maculaire liée à l'âge, et qui se base sur l'ADVS et le SF-36, retrouve une forte corrélation entre acuité visuelle du meilleur œil et tous les scores de l'ADVS, mais des corrélations non significatives avec les scores du SF-36. Concernant l'acuité visuelle de l'œil le plus " faible ", elle est corrélée significativement avec 5 des 6 scores des sous-échelles de l'ADVS (absence de corrélation avec la sous-échelle : sensibilité à l'éblouissement), mais également avec le score de la sous-échelle " fonctionnement physique " du SF-36. Hart et col. ( 49), dans une étude publiée également en 1999, retrouve également une corrélation significative entre acuité visuelle de loin du meilleur œil et score du DLTV, corrélation qui est moindre si l'on considère l'acuité de près ou celle de l'œil le plus faible, mais qui reste significative. Une seconde étude, publiée par la même équipe, également basée sur le DLTV (8), établit également l'acuité visuelle de loin du meilleur œil comme étant le déterminant principal des scores de qualité de vie, mais la sensibilité au contraste, du meilleur œil également, est aussi un déterminant important. L'étude de Brown et col., basée sur les " valeurs d'utilité " (utility values), méthode assez simple d'évaluation de la qualité de vie, qui classe 80 patients porteurs de dégénérescence maculaire liée à l'âge en 5 groupes selon l'acuité visuelle du meilleur œil, retrouve d'ailleurs une relation quasi linéaire et statistiquement significative entre scores de qualité de vie et acuité de loin du meilleur œil. Ces données sont également retrouvées par l'étude de Hazel et col., publiée en 2000, et basée sur le VQOL, mais cette étude souligne surtout le fait que l'acuité visuelle, évaluée en contraste élevé, est moins déterminante dans les scores de qualité de vie que ne peuvent l'être l'acuité en faible contraste, et la sensibilité aux contrastes.

 

(5) Considération concernant les autres symptômes cliniques

A ce jour, aucune étude, à notre connaissance, n'étudie l'impact des scotomes ou des métamorphopsies sur les scores de qualité de vie. A ce propos, il faut remarquer que l'évaluation clinique de ces symptômes est peut-être plus difficile et moins codifiée que celle de l'acuité visuelle, ou encore celle de la vision des contrastes, ce qui est susceptible d'expliquer l'absence de ces données dans les publications actuellement disponibles.

 

(6) Rôle de la comorbidité

L'influence de la comorbidité ophtalmologique et générale sur les scores de qualité de vie n'est pas aussi clairement établie concernant la dégénérescence maculaire liée à l'âge que pour d'autres pathologies oculaires, comme la cataracte et le glaucome chronique à angle ouvert. Toutefois, quelques indices sont apportés par les quelques études publiées. Ainsi, l'étude de Mangione et col.(23), met elle en évidence l'absence d'influence de la comorbidité générale sur les scores de qualité de vie liés à la vision, mesurés par l'ADVS, concluant même que seule la sévérité de la dégénérescence maculaire liée à l'âge est corrélée aux scores (scores par sous-échelles et score global). On retrouve également des données similaires dans l'étude de Williams et col.(116), dans laquelle les patients évaluent, pour la grande majorité d'entre eux, la dégénérescence maculaire liée à l'âge comme étant leur pathologie la plus invalidante, seuls 18% des patients considérant qu'ils présentaient une autre pathologie plus invalidante encore.

 

b) Impact de la prise en charge

(1) Thérapeutique médicale, chirurgicale, physique

On ne peut que remarquer que l'entrée tardive de la dégénérescence maculaire liée à l'âge dans le domaine des études de qualité de vie, est à l'origine d'une réelle " pauvreté " de la bibliographie internationale dans ce domaine. Le développement des nouvelles modalités de prise en charge, actuellement en pleine croissance, laisse présager la publication de nombreuses études dans les années à venir, étant donné que les évaluations des différents traitements intègrent de plus en plus fréquemment des instruments de qualité de vie. Un article précurseur en la matière, d'origine française , évalue le retentissement de la radiothérapie effectuée pour 212 patients porteurs de néovaisseaux choroïdiens non accessibles à la photocoagulation, par un questionnaire en 6 items, administré à 46 des 212 patients 18 mois après radiothérapie, dont les propriétés psychométriques ne sont malheureusement pas établies. Il ressort de ces données que 22 (47,8%) des patients interrogés considèrent que la radiothérapie a amené une amélioration modérée ou significative de la vision, même si 22 patients (qui ne sont pas forcément les mêmes), rapportent des difficultés majeures ou une impossibilité pour l'écriture manuscrite. A notre connaissance, aucune autre étude de qualité de vie concernant l'impact de la prise en charge médicale ou chirurgicale de la dégénérescence maculaire liée à l'âge n'est publiée à ce jour.

 

(2) Rééducation de la basse vision et équipement optique

Si deux articles (112, 113) évaluent la fréquence d'utilisation des aides optiques et du recours à la rééducation de la basse vision, témoignant de façon indirecte de la satisfaction des patients à l'égard de ces modalités de prise en charge, il n'y a, en revanche, qu'un seul article qui évalue réellement leur impact sur la qualité de vie des patients (22). Ainsi, l'étude de Scott et col., évalue les scores du VF-14, NEI-VFQ, et du SF-36, administrés avant et après prise en charge dans un service spécialisé dans le domaine de la basse vision (avec rééducation et/ou équipement optique), à 156 patients porteurs d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge. Il en ressort qu'aucune des sous-échelles du SF-36 n'augmente de façon statistiquement significative, alors que le score du VF-14 augmente significativement, passant d'un score moyen de 35,8 à un score de 41,2. Les scores par sous-échelles du NEI-VFQ qui augmentent significativement, sont : vision générale, activités de près, activités de loin, vision périphérique, mais les 9 sous-échelles restantes voient leurs scores stagner ou n'augmenter que de façon non significative. Parallèlement à ces augmentations, jugées modestes par les auteurs de cet article, il faut tout de même noter que 98,7% des patients considèrent que les services proposés ont amené une amélioration de leur fonctions visuelles.

 

C. Synthèse

Point clé : La dégénérescence maculaire liée à l'âge est responsable d'une dégradation importante de la qualité de vie des patients, mais la thérapeutique, actuellement en plein essor, est susceptible d'apporter des améliorations notables, bien qu'à ce jour, peu de données soient disponibles pour l'établir.

 

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