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Date de mise à jour : 30/06/2001

 Auteur : Dr ZANLONGHI, Laboratoire d'Exploration fonctionnelle de la Vision, 3 place Anatole France, 44000 NANTES

 LA VISION DE L'ENFANT

 Chapitre 1 - Introduction

L'appréciation clinique de la fonction visuelle du jeune enfant nécessite d'en étudier le développement ; nous assistons à une formidable maturation visuelle que le clinicien appréhende par des mesures de l'acuité visuelle, du champ visuel, des mouvements oculaires, de la qualité de la fixation, du sens coloré, de la sensibilité au contraste spatiale et temporelle, mais aussi de la vision binoculaire, de mesure de la stéréopsie. Nous détaillerons ces grandes fonctions visuelles et leur développement chez l'enfant.

Nous finirons par une série de tableaux résumant les acquisitions neuro-visuelles de l'enfant.

 

Chapitre 2 : Développement de la vision et l'organisation fonctionnelle des fonctions practo-motrices ; le regard, et des fonctions sensorielles visuelles ou gnosiques ; la vision

A - Introduction

Les fonctions cognitives dites "supérieures" supposent l'existence de voies d'information sur l'environnement et notre capacité à agir sur celui-ci de deux types :

Il faut également distinguer des fonctions cognitives de hauts niveaux comme la symbolisation, le langage, la mémoire et des fonctions intrumentales comme les praxies (le geste nécessaire à un jeu de contruction, à se coiffer, ..), les gnosies, le regard (MAZEAU 1995) (fig 1).

 

Figure 1 : Les voies practo-gnosiques. Les flèches en gras indiquent les voies principales, les flèches fines les voies à contresens. (Modifiée d'après MAZEAU 1995)

B - Les voies practo-motrices : le regard

I - La saise fovéale : les effecteurs :

Les mouvements des globes oculaires, leurs orientations, ont pour but d'amener le stimulus juste sur la fovéa. Cette saisie fovéale est la condition première de toute appropriation du monde environnant. Cette saisie est le résultat de l'action de six muscles oculomoteurs par œil.

II - Les voies de transmission et la commande motrice :

Les six muscles se contractent de façon coordonnée, sous l'influence des influx qui leur sont transmis par les nerfs oculomoteurs. Trois grandes zones anatomiques commandent la motricité des deux globes oculaires : les aires frontales (rôle particulier dans l'attention visuelle), les aires pariéto-occipitales, et au niveau du tronc cérébral. L'intégrité de tous ces centres est indispensable pour une commande volontaire harmonieuse des globes oculaires, donc pour la saisie fovéale et l'ensemble de l'oculomotricité.

III - Les stratégies de regard :

En amont des voies de l'oculomotricité, on trouve le projet de regard, qui associant focalisation de l'attention visuelle et préprogrammation de l'oculomotricité va, in fine gérer la stratégie du regard (MAZEAU 1995).

On peut isoler trois grands types de stratégies de regard :

a) la fixation : en fonction d'un projet volontaire et conscient, on peut rechercher (mouvement balistique), puis saisir (saisie fovéale), et fixer (conserver sur la fovéa) une cible préalablement déterminée.

b) la poursuite : à partir d'une fixation préalable, il s'agit pour l'enfant de suivre une cible mobile.

c) l'exploration : le regard parcourt un espace fixe, déterminé, à la recherche d'un ou plusieurs éléments préalablement choisis comme pertinents. Ces diverses stratégies sont apprises très tôt dans la prime enfance, fonction de l'environnement social et culturel, et sont complètement automatisées. Chez l'enfant plus grand, une fois la période d'acquisition passée, il lui suffit d'évoquer le projet final de saisie visuelle (volontaire et consciente) pour mettre en route les mécanismes qui planifieront, ajusteront et programmeront tous les aspects spatiaux et temporels du geste oculomoteur, en fonction du but initialement fixé.

 

C - Les voies sensiro-gnosiques : la vision

 Il s'agit des voies centripètes, afférentes, voies sensotrielles qui vont conduire à l'analyse et au décodage des images rétiniennes.

 

I - Le récepteur : la rétine

a) La structure

 A la naissance, la rétine périphérique est identique à celle de l'adulte. Par contre la rétine maculaire est profondément immature. Toutes les couches cellulaires y sont, mais de faible épaisseur. Les photorécepteurs sont formés d'un article interne et d'un article externe encore très court et ramassé. Toutes ces particularités apparaissent dès la région nasale adjacente à la fovéa et atteignent leur maximum au centre de cette fovéa.

Il est classique de penser que l'immaturité constituée par l'écartement des articles externes et leur faible contenu en pigment contribuent à la mauvaise acuité visuelle du nouveau-né dont la vision est davantage extrafovéolaire. Cependant, le nouveau-né est capable de fixation centrale quand il est placé dans de bonnes conditions.

 

b) Développement

 ABRAMOV 1982 en étudiant une rétine d'un nourrisson de 11 mois lui trouve une morphologie de type adulte, la rétine périphérique est plus rapidement fonctionnelle que la zone centrale.

ROBB (1982) montre que la surface totale de la rétine (épithélium pigmentaire) croît rapidement durant les derniers mois de gestation, puis plus graduellement lors des deux premières années post-natales à la fin desquelles, elle atteint sa taille adulte. Sa surface est alors la même que chez un adulte soit de 944 mm2.

Le développement de la structure maculaire est long et ne se rapproche du stade adulte que vers 45 mois (HENDRICKSON et YUODELIS 1984, YUODELIS et HENDRICKSON 1986). Ces auteurs ont étudié le développement de la fovéa de 22 semaines de gestation jusqu'à l'âge adulte. A 22 semaines de gestation, la zone fovéolaire est identifiable par la présence d'une fine couche de cellules ganglionnaires et d'une couche de photorécepteurs contenant uniquement des cônes. La fovéa est très immature à la naissance (fig 2). Sa maturation morphologique est marquée tout d'abord par la migration périphérique des couches rétiniennes centrales, formant ainsi la dépression fovéale qui continue de s'approfondir jusqu'à 15 mois. Dans un deuxième temps, nous assistons à un allongement et à une migration centrale des articles externes cônes. A la naissance, la zone sans bâtonnets ou fovéola a environ 1000 µm de diamètre, elle devient progressivement plus étroite pour atteindre la dimension adulte de l'ordre de 400 à 700 micron vers 45 mois. L'aire maculaire, dont les limites sont difficiles à déterminer, correspond à une surface de 1,7 mm2 à 3 mm2 soit un champ de 3 à 10 degrés. Parallèlement, la concentration des cônes augmente, 18 cônes / 100 µm à 1 semaine à 42 cônes / 100 µm chez un adulte. Cependant bien que l'on considère la macula presque mature à 45 mois, les auteurs relèvent que la densité centrale des cônes et la longueur de leur segment externe, sont, à cette période à la moitié de leur valeur adulte. Ces éléments anatomiques contribuent largement à expliquer que l'acuité soit encore plus faible que chez l'adulte.

 Les axones des cellules ganglionnaires de la rétine vont converger en direction de la papille puis former le nerf optique (dont la myélinisation s'achève totalement à la fin de la deuxième année). La papille du nouveau-né paraît pâle et devient rosée vers le 4 ème mois.

Les processus photochimiques rétiniens sont fonctionnels très rapidement. Des études électrorétinographiques sur la sensibilité scotopique et la régénération de la rodhopsine montrent que vers 10 semaines les amplitudes des ondes b scotopiques sont similaires à celles trouvés chez l'adulte (FULTON 1988).

La myélinisation des fibres ganglionnaires qui constituent le nerf optique, débute entre le 6ème et le 8ème mois de vie foetale (MAGOON et ROBB 1981) et cette myélinisation se poursuit jusqu'à l'âge de 2 ans.

 

Figure 2 : sections verticales d'une rétine humaine d'un nouveau-né de 5 jours. Zone A : centre de la fovéa, zone B 900µm en nasal du centre de la fovéa soit approximativement 5°, zone C 1800µm en nasal du centre de la fovéa soit approximativement 10° . Un cône est souligné sur chaque photographie (CANDY 1998)

 

II - Le corps genouillé latéral (cGLd)

a) La structure

 Par des méthodes histologiques, la structure du cGLd est bien connue chez le singe et chez l'homme. On retrouve les 6 couches, 2 magnocellulaires ventrales à grande cellules (1 et 2), 4 parvocellulaires dorsales à petites cellules (3, 4, 5, 6). On retrouve également la ségrégation œil droit, œil gauche (BUSER 1987). Entre ces deux ensembles de couches qui cosntituent les voies M et P, on décrit une multitude petites cellulles situées entre les couches M et P, qui constituent la voie Koniocellulaire, ou voie K, qui aurait un rôle dans le maintien de l'inhibition entre les canaux de transmission des types de signaux (VITAL-DURAND 1999).

 b) Le développement

Chez l'homme, la lamination du cGLd est identifiable dés la 24ème semaine de gestation (HITCHOCK 1980). Les différents types de neurones sont repérables vers la 35ème semaine d'âge gestationnel (DE COURTEN 1982 et 1983).

A la naissance le cGLd est déjà organisé en couches (6 couches).

Mais à la naissance ces cellules présentent des critères d'immaturité. Il existe de nombreuses épines sur le corps neuronal et sur les dendrites des cellules bipolaires et multipolaires. Le nombre d'épines atteint un maximum à l'âge de 4 mois puis diminue jusqu'à l'âge de 9 mois, les corps cellulaires et les dendrites arrivent alors à leur diamètre définitif. Le cGLd atteint sa taille adulte à 6 mois. Chez le singe, les neurones de cGLd sont formés entre le 36ème et le 43ème jour embryonnaire, puis pendant les deux premiers mois va se produire une maturation rapide avec une diminution des temps de latence, une diminution de la taille des champs récepteurs, une augmentation du pouvoir de résolution spatiale de la région fovéale (VITAL-DURAND 1985).

  

III - Le CORTEX VISUEL

a) La structure

 Le cortex visuel primaire est une véritable carte rétinotopique composée de modules juxtaposés, ou intriqués de colonnes indépendantes. Les colonnes de dominance oculaire représentent des bandes de tissu cortical alternativement occupées par des afférences issues de l'oeil gauche ou de l'oeil droit. Ces bandes sont particulièrement marquées au niveau de la couche IV du cortex, couche qui reçoit les terminaisons des afférences du corps genouillé latéral, et où les neurones sont exclusivement activés par la stimulation de l'un ou l'autre oeil, mais sont encore visibles dans les couches supra ou infragranulaires où les neurones sont préférentiellement activés par l'un ou l'autre oeil.

Les colonnes d'orientation représentent des bandes fines de tissu cérébral à l'intérieur desquelles les neurones sont sélectifs par exemple à la même orientation du stimulus visuel. Ces colonnes d'orientation traversent toutes les couches du cortex cérébral, à l'exception de la couche IV où les neurones ne présentent pas de sélectivité à l'orientation. Ces colonnes d'orientation sont orthogonales aux colonnes de dominance oculaire, ce qui traduit leur indépendance. On parle alors d'hypercolonne (Hubel et Wiesel 1977).

Depuis quelques années, a été mis en évidence, grâce à l'analyse de la distribution dans le cortex visuel primaire d'une enzyme mitochondriale, la cytochrome oxydase un aspect important de l'architecture fonctionnelle du cortex strié (IMBERT 2000). Lorsque des coupes de cortex sont traitées pour révéler la cytochrome oxydase, on peut observer une coloration continue dans la couche IV et une coloration discontinue, par petits paquets ovoïdes périodiques appelés blobules, dans les couches superficielles et profondes. Sur des coupes tangentielles, passant dans le plan des couches II-III, les blobules de cytochrome oxydase apparaissent comme des colonnes vues selon leurs sections transverses, centrées sur les colonnes de dominance oculaire.

Cette différenciation cytochimique, désignée du terme anglais de " blobs " est fortement corrélée avec une ségrégation fonctionnelle nouvelle (fig. 3). En effet, les neurones enregistrés à l'intérieur des blobules sont pour la plupart non sélectifs à l'orientation : ils répondent de façon optimale aux basses fréquences spatiales, quelle que soit l'orientation du stimulus rectiligne employé ; en revanche, plus de la moitié d'entre elles sont sélectives à la longueur d'onde de la lumière utilisée.

Les cellules enregistrées en dehors des blobules sont au contraire sélectives à l'orientation, mais pas, pour la grande majorité d'entre elles, à la longueur d'onde (Livingstone 1984).

 

Figure 3 &emdash; Organisation de la voie rétino-thalamo-corticale chez le marmouset et représentation schématique du protocole expérimental de privation monoculaire. Les cellules ganglionnaires issues de chaque rétine se projettent dans les couches magnocellulaire 2 (2 m) et parvocellulaire 3 (3 p) du corps genouillé latéral (CGL) ipsilatéral et dans les couches magnocellulaire 1 (1 m) et parvocel-lulaire 4 (4 p) du corps genouillé latéral controlatéral. Les axones thalamiques liés au système magno-cellulaire se projettent dans la couche IVC, ceux liés au système parvocellulaire dans la couche IVCb du cortex visuel primaire, indépendamment pour l'oeil droit et pour l'oeil gauche. Les colonnes d'orientation (CO) sont orthogonales aux colonnes de dominance oculaire (CDO). Les traits pleins symbolisent une activité neuronale normale pour l'oeil droit (OD), les traits pointillés une activité appauvrie, par le fait qu'une lentille opaque limite les entrées visuelles de l'oeil gauche (OG).

Modifiée d'après M. IMBERT, C. FONTA. Les Séminaires ophtalmologiques d'IPSEN, tome 11" Interfaces et interaction de la rétine ". Ed Y. Christen, M. Doly, M.-T. Droy-Lefaix, eds, © 2000, Irvinn, Paris, 35-47

 

Au total, le cortex visuel primaire peut être considéré, jusqu'à un certain point, comme un " séparateur d'attributs " [ZEKI 1994] : il permet en effet une séparation dans des territoires distincts du codage des orientations, de la couleur, de la forme et de la distance des objets de l'environnement spatial. A chacun des attributs codés correspondent un circuit et un domaine neuronal particulier : colonnes ou bandes, strates ou amas (blobules).

Relayée par le corps genouillé latéral (cGLd), l'information visuelle, codée par la rétine, arrive au niveau du cortex cérébral dans la partie la plus postérieure du lobe occipital. Les axones des neurones relais du cGLd se terminent presque exclusivement dans des couches déterminées (principalement la couche IV) de l'aire 17 de Brodmann (ou aire visuelle striée, ou V1). Dans le cortex primaire, les fibres afférentes thalamiques maintiennent l'ordre topologique de la distribution rétinienne des cellules ganglionnaires d'origine, réalisant ainsi une carte précise du demi-champ de vision controlatéral. De là l'information est distribuée sur les 20 ou 30 autres aires corticales dans lesquelles les signaux circulent dans les deux sens, chaque aire spécialisée préparant les autres à traiter une partie du signal. 

b) Le développement

 Il faut du temps pour qu'un cerveau parvienne à sa pleine maturité. Dans l'espèce humaine, près de 20 ans sont nécessaires pour que la myélinisation soit complète. La complexité du cerveau tient non seulement au fait qu'il est composé de très nombreux éléments, mais réside dans la richesse et la précisions des interconnexions entre ces très nombreux éléments : chaque cellule nerveuse reçoit ou est à l'origine de 5000 à 90 000 contacts fonctionnels à travers lesquelles les cellules nerveuse communiquent entre elles pour capter échanger, traiter, stocker et confronter des informations pertinentes qui assurent à l'organisme un comportement biologiquement adapté (IMBERT 1996).

Dans la phase précoce du développement, les neurones, formés en nombre supérieur à celui qui constituera le stock adulte, doivent se déplacer sur de grandes distances. Pendant cette phase, les connexions réalisées sont relativement grossières et vont esquisser un cerveau seulement approximatif.

C'est au cours d'une seconde phase, plus tardive, que cette ébauche sera affinée, épurée, en particulier par des mécanismes d'élimination sélective (mort neuronale et apoptose), réduisant par mort cellulaire le nombre de neurones et de nombreuses connexions. Cette élimination massive commence avant la naissance. Elle continue après la naissance avec une perte de plus de 15% des neurones dans les premières semaines de la vie.

Chez tous les mammifères, le cortex visuel primaire est immature à la naissance. Des techniques autoradiographiques des voies nerveuses reliant entre elles les neurones des diverses structures visuelles - rétine, cGLd, cortex cérébral, associées à des techniques de traçage, antérograde et/ou rétrograde, ont permis de préciser le calendrier des étapes de mise en place des principales structures visuelles et de leurs interconnexions (RAKIC 1976).

L'expérience visuelle précoce, que le jeune enfant éprouve, en particulier au cours de périodes dites critiques, régit le développement et le maintien des propriétés physiologiques et anatomiques caractéristiques de ce système chez l'adulte. La plasticité du développement postnatal du système visuel a fait l'objet d'une littérature abondante (HICKEY 1987, AOKI 1989). Il en ressort que la plupart des événements anatomiques qui ont lieu au cours de ce développement, notamment la ségrégation en modules fonctionnels, sont sous la dépendance de cette expérience qui commande, en outre, l'acquisition des propriétés fonctionnelles spécifiques de ce réseau neuronal. Ceci a pu être montré par des études de microcirculation dans un modèle expérimental animal de l'analyse de la relation capillarogenèse synaptogenèse. Le protocole de privation monoculaire adopté par lentille opaque crée un déséquilibre d'activité entre les pools synaptiques correspondant aux deux yeux et permet d'obtenir sur un même animal une situation de contrôle et une situation de modification environnementale (IMBERT 2000).

 

D - LE DÉCODAGE DU SENS : LE NIVEAU GNOSIQUE

 C'est le cortex qui assure les traitements de haut niveau, débouchant sur l'interprétation de ce qui est vu, et l'accès à la signification.

Selon le type d'information, le décodage s'effectue dans des zones anatomiquement distinctes des lobes occipitaux. On peut donc distinguer cliniquement des "modules séparés, indépendants" qui traitent (fig 4) :

- Les objets (jouets) en 3 D

- Les images en 2D (livres, dessins, optotypes,..)

- Les couleurs

- Les visages

- Chez l'enfant plus grand, les pictogrammes, l'écriture.

 

 

Figure 4 : Les voies visuelles : organisation fonctionnelle. (Modifiée d'après MAZEAU 1995)

 

E - CONCLUSION

Les voies neurovisuelles, voies practo-motrices : le regard, et les voies sensiro-gnosiques : la vision, constituent un ensemble fonctionnel illustrant les traitements d'informations spécifiques par "module" au niveau cérébral.

Chez l'enfant, le fait que la maturation des différentes voies visuelles n'est pas homogène et s'effectue avec des rythmes différenciés, complique singulièrement l'étude de ces modules et par là même, l'examen clinique d'un nourrisson atteint d'une déficience visuelle ou d'une forte amétropie. La figure 4 résume l'organisation foonctionnelle des voies visuelles. Une pathologie visuelle peut agir sur tout ou partie de ces voies.

  

Chapitre 3 - Acuité visuelle chez un enfant d'âge pré-verbal

A - INTRODUCTION

 Les deux méthodes de mesure de l'acuité visuelle les plus utilisées chez le très jeune enfant sont actuellement :

 

B - METHODES COMPORTEMENTALES SUBJECTIVES DE MESURE DU POUVOIR SEPARATEUR

I - TECHNIQUES DU REGARD PRÉFERENTIEL OU "BÉBÉ VISION"

 En 1958 FANTZ en utilisant des motifs comme des triangles, une croix et un cercle, un damier, a pu montrer une évolution de la vision du nourrsisson avec l'âge. Il a mis en évidence une caractéristique du système visuel, présente dés la naissance, qui consiste en un intérêt préférentiel et automatique pour les stimuli comportant un maximum de contrastes et de contours, alors que des stimuli lisses homogènes et uniformes provoquent au contraire un désintérêt de l'enfant.

 En 1962 ce même auteur améliore ses motifs et présente des rayures noires et blanches.

Cette technique permet la mesure du pouvoir séparateur de l'oeil à l'aide de tests de différentes fréquences spatiales, imagés par des réseaux.

Ce test ne sollicite pas de réponse verbale, par opposition à l'identification d'un dessin tel que dans l'échelle de SANDER-ZANLONGHI (ZANLONGHI 1999) qui fait appel à la reconnaissance des formes.

 Cette technique dite du regard préférentiel offre pour intérêt principal de comparer les valeurs trouvées à des valeurs dites normales pour l'âge d'une part, et d'autre part de mettre en évidence une différence d'acuité inter-oculaire.

a) CARTONS DE TELLER

 Ce test utilise le principe du regard préférentiel [TELLER 1974]. Au départ la méthode de mesure est à choix forcé ; l'examinateur ignore l'emplacement du stimulus structuré et ne peut pas voir le reflet cornéen. En 1985 apparaît une méthode simplifiée avec l'utilisation de cartes d'acuité qui ont l'avantage de jouer avec l'enfant à travers un " théatre " pour attirer son regard, de réaliser en quelques minutes un examen fiable, d'être un examen simple peu encombrant et peu onéreux (Mc DONALD 1985) (Fig 5). Les tests sont constitués de cartons rectangulaires gris uniformes, comportant un carré latéralisé de 12,5 cm de côté, muni de rayures noires et blanches calibrées, numérotés de 15 à 1 et présentés à une distance de 38 centimètres à 3 mois, 55 centimètres à 6 mois et 80 centimètres à 12 mois. Un sous-ensemble d'une raie noire et d'une raie blanche s'appelle un cycle. Chaque carton est caractérisé par le nombre de cycles par centimètre de son réseau. La progression d'une planche à l'autre se fait par demi-octave, l'octave étant le double ou la moitié de la fréquence spatiale, c'est-à-dire du nombre de cycles par centimètre du réseau.

 

FIGURE 5 &endash; Exemple d'un enfant de 3 mois avec des cartes de Teller (Collection M. VITAL-DURAND, INSERM Lyon)

 

En tenant compte de la distance de présentation des tests, on convertit les cycles par centimètre en cycles par degré, ce qui représente la valeur en degrés de l'angle visuel qui sous-tend d'une part l'image rétinienne et, d'autre part, l'objet regardé et on calcule ainsi l'acuité visuelle correspondante.

Ainsi, par exemple pour une présentation des cartes à 57 cm : la carte 5 de 9,8 cycles par centimètre est égale à 20/15 de vision, ce qui est supérieur à 3/10ème d'acuité visuelle (tableau 1).

 

Tableau 1 : tableau de correspondance entre l'acuite visuelle notee en decimale et la fréquence spatiale des cartes pour 3 distances d'examen (cartes de TELLER ) 

 TELLER cycles/cm

 AV à 38 cm (notation en dixième)

 AV à 38 cm (notation décimale)

 AV à 38 cm (cycles par degré)

 AV à 55 cm (notation en dixième)

 AV à 55 cm (notation décimale)

 AV à 55 cm (cycles par degré)

 AV à 84 cm (notation en dixième)

 AV à 84 cm (notation décimale)

 AV à 84 cm (cycles par degré)

 0,32

 0,08/10

 0,008

 0,23

 0,12/10

 0,012

 0,32

 0,16/10

 0,016

 0,43

 0,43

 0,12/10

 0,012

 0,32

 0,16/10

 0,016

 0,43

 0,25/10

 0,025

 0,64

 0,64

 0,16/10

 0,016

 0,43

 0,25/10

 0,025

 0,64

 0,3/10

 0,03

 0,86

 0,86

 0,25/10

 0,025

 0,64

 0,3/10

 0,03

 0,86

 0,5/10

 0,05

 1,3

 1,3

 0,3/10

 0,03

 0,86

 0,5/10

 0,05

 1,3

 0,7/10

 0,07

 1,6

 1,6

 0,5/10

 0,05

 1,3

 0,7/10

 0,07

 1,6

 1/10

 0,1

 2,4

 2,4

 0,7/10

 0,07

 1,6

 1/10

 0,1

 2,4

 1,3/10

 0,13

 3,2

 3,2

 1/10

 0,1

 2,4

 1,3/10

 0,13

 3,2

 2/10

 0,2

 4,8

 4,8

 1,3/10

 0,13

 3,2

 2/10

 0,2

 4,8

 2,5/10

 0,25

 6,5

 6,5

 2/10

 0,2

 4,8

 2,5/10

 0,25

 6,5

 3,3/10

 0,33

 9,8

 9,8

 2,5/10

 0,25

 6,5

 3,3/10

 0,33

 9,8

 5/10

 0,5

 13

 13

 3,3/10

 0,33

 9,8

 5/10

 0,5

 13

 6,6/10

 0,66

 19

 19

 5/10

 0,5

 13

 6,6/10

 0,66

 19

 10/10

 1

 26

 26

 6,6/10

 0,66

 19

 10/10

 1

 26

 12,5/10

 1,25

 38

 38

 10/10

 1

 26

 12,5/10

 1,25

 38

 20/10

 2

 52

On peut considérer comme normale l'acuité visuelle aux cartons de Teller, si elle est de 3 cycles par degré (environ 1/10ème) à 3 mois, 9 à 12 cycles par degré (environ 3-4/10ème) à 12 mois et 30 cycles par degré soit environ 10/10ème à 4 ans (figure 6 et tableau 2).

 

 

 FIGURE 6 &endash; Linéarité du développement de l'acuité visuelle binoculaire chez 1059 enfants noramux âgés de 6 à 34 mois : mesures réalisées avec les cartes de Teller [SPIERER 1999].

Tableau 2 : Normes en fonction de l'âge pour les cartes de TELLER [SALOMAO 1995] en binoculaire et en monoculaire :

 BINOCULAIRE

 MONOCULAIRE

 AGE(mois)

 DISTANCE carte/oeil(cm)

 AV moyenne (cyc/deg)

 Lim inf (cyc/deg)

 AV moyenne (cyc/deg)

 Lim inf (cyc/deg)

 0,5

 38

 0,66

 0,27

 

 2

 38

 2,02

 0,23

 2,31

 0,42

 3

 38

 3,89

 1,59

 3,09

 1,18

 4

 38

 5,48

 2,14

 4,15

 1,57

 6

 38

 7,44

 3,38

 7,18

 2,78

 8

 55

 9,81

 5,1

 8,31

 4,31

 10

 55

 11,59

 6,05

 10,88

 4,26

 12

 55

 11,08

 4,13

 9,82

 4

 14

 55

 13,04

 5,63

 10,35

 4,82

 16

 55

 13,08

 5,91

 10,07

 4,7

 18

 55

 12,39

5,1

 9,95

 5,21

 20

 55

 13,81

 6,6

 11,12

 3,91

 22

 55

 14,76

 7,68

 12,09

 4,3

 24

 55

 14,64

 6,2

 12,31

 4,03

 26

 55

 16,66

 8,92

 13

 6,62

 28

 55

 15,28

 7,25

 12,79

 5,61

 30

 55

 17,24

 8,61

 14,12

 7,09

 32

 55

 17,36

 9,96

 15,22

 7,99

 34

 55

 19,19

 9,5

 14,97

 7,46

 36

 55

 17,82

 7,12

 14,98

 5,86

 

b) LE BÉBÉ VISION TROPIQUE (BVT)

 Ce test a été crée en France par François Vital-Durand [VITAL-DURAND 1996]). Les cartes d'acuité du bébé vision tropique sont des panneaux légers de 55 sur 25 cm au fond gris uniforme. Une des moitiés porte un motif circulaire concentrique dont la densité suit un profil sinusoïdal atténué sur les bords. La luminance moyenne du motif est identique à celle du fond et constante dans toutes les cartes. Le contraste maximum du motif est élevé, proche de 100 %.

La série comporte treize cartes dont les fréquences spatiales couvrent une gamme de 0,28 à 14 cycles par centimètre (tableau III). L'intervalle choisi entre les cartes successives est basé sur une échelle logarithmique. Il est égal à 1/3 d'octave pour la partie de la gamme la plus utilisée en clinique : de 2,8 à 14 cycles par centimètre. Pour les fréquences inférieures, l'intervalle est de 2/3 d'octave (Fig 7).

 

 

FIGURE 7 &endash; Principe de la méthode de regard préférentiel. Exemple de 5 cartes de BVT : Bébé Vision Tropique. (Collection M. VITAL-DURAND, INSERM Lyon)

Tableau 3 : tableau de correspondance entre l'acuité visuelle notée en décimale et la fréquence spatiale des cartes pour 3 distances d'examen (cartes BVT )

 Carte n°

 BVT

cycles/cm

 AV à 40 cm (notation en dixième)

 AV à 57 cm (notation en dixième)

 AV à 85 cm (notation en dixième)

13

 14

 3,3/10

 4,7/10

 6,9/10

 12

 11

 2,6/10

 3,7/10

 5,4/10

 11

 9

 2,1/10

 3,0/10

 4,5/10

 10

 7

 1,6/10

 2,3/10

 3,5/10

 9

 5,5

 1,3/10

 1,8/10

 2,7/10

 8

 4,5

 1,0/10

 1,5/10

 2,2/10

 7

 3,5

 0,8/10

 1,2/10

 1,7/10

 6

 2,75

 0,6/10

 0,9/10

 1,4/10

 5

 1,75

 0,4/10

 0,6/10

 0,9/10

 4

 1,13

 0,3/10

 0,4/10

 0,6/10

 3

 0,68

 0,2/10

 0,23/10

 0,3/10

 2

 0,44

 0,1/10

 0,15/10

 0,2/10

 1

 0,28

 0,07/10

 0,1/10

 0,1/10

 

c) RESULTATS DE LA TECHNIQUE DU REGARD PREFERENTIEL

 Avec cette technique, la résolution spatiale s'améliore de la naissance où elle est proche de 1 cycle par degré (20/600 soit 0.3/10), à 15 cycles par degré (20/40 soit 5/10) vers la fin de la première année [ATKINSON 1982, DOBSON 1990 , TELLER 1979, TELLER 1986, VITAL-DURAND 1992].

Une étude sur 500 examens d'acuité visuelle du nourrisson avec les cartons de Teller réalisés par Vital-Durand [1990] a montré que l'on pouvait considérer chez les enfants dits normaux, une résolution de 6,5 cycles par degré soit environ 2,5/10ème à 4 mois, 9 cycles par degré soit environ 3/10ème à 8 mois et jusqu'à 12 cycles par degré soit environ 4/10ème à 1 an, en vision binoculaire. En vision monoculaire, les chiffres sont inférieurs d'une demie-octave, c'est à dire que l'on obtient respectivement 4,5 cycles par degré (1,5/10ème), 7 cycles par degré (2,2/10ème) et 9 cycles par degré (environ 3/10ème). Les valeurs obtenues chez les enfants porteurs de pathologie, sont nettement inférieures et beaucoup plus dispersées. Au cours de la première année les acuités visuelles sont sensiblement plus élevées chez les enfants nés prématurément que chez les enfants nés à terme en se référant à l'âge de conception [VAN HOF-VAN DUIN 1986].

A un âge donné la différence interoculaire est au maximum de 0,5 octave. Une différence plus importante est considérée comme un bon indicateur de baisse d'acuité visuelle monoculaire.

Par contre ce test du comportement visuel n'est pas à considérer comme une bonne méthode de dépistage de l'amblyopie unilatérale en raison du nombre important de faux positif (ésotropies précoces) ou de faux négatifs [BOURRON-MADIGNIER 1997, KUSHNER 1995, SPEEG-SCHATZ 1995, RYDBERG 1997].

 

III - La poursuite visuelle d'une mire structurée en mouvement

a) PRINCIPE

 Tout comme le NOC et le regard préférentiel, la poursuite visuelle d'une mire en mouvement est une méthode utilisant la réponse oculomotrice à une stimulation [BEASLEY 1933]. La mire se déplace horizontalement à partir d'une position centrale, d'une extrémité à l'autre de l'écran, selon un mouvement de va et vient (fig. 8). La poursuite fait appel à la fixation centrale. Cette technique est donc différente de celle du nystagmus opto-cinétique dans laquelle la mire se déplace toujours dans le même sens.

L'enregistrement des mouvements oculaires peut se faire soit par l'intermédiaire de l'électro-oculographie cinétique, soit par un système de caméra-vidéo [DEFOORT-DHELLEMMES 1984 ], soit par la technique de détection de champ magnétique, soit par une technique de photo-oculographie différentielle ; POG (fig. 8) [BUQUET 1996]. Ces sont ces deux dernières méthodes qui sont actuellement utilisées en clinique : la POG chez le nouveau né et l'électro-oculographie cinétique chez l'enfant plus grand.

 

 

Figure 8 &endash; Dispositif de poursuite de mire par photo-oculographie (bébé âgé de 7 jours) (Collection M. CHARLIER, INSERM Lille)

 b) RESULTAT

 La mesure du pouvoir séparateur est donnée par la taille du plus petit test que l'enfant parvient à suivre du regard pendant au moins 2 allers et retours [CHARLIER 1993]. Les mouvements des yeux sont enregistrés parallèlement au déplacement de la mire (fig. 9).

 

 

Figure 9 &endash; tracé chez un nouveau né sans pathologie de 4 jours obtenu par photo-oculographie. Les tracés obtenus sont des tracés de poursuite oculaire avec 2 voies, l'une correspondant à la composante horizontale du mouvement, l'autre à la composante verticale. (Collection M. CHARLIER, INSERM Lille)

La poursuite visuelle de mires structurées a fait la preuve de son intérêt sur une série de plus de 500 enfants [DEFOORT-DHELLEMMES 1984 , TOURNIER 1991] et chez le nouveau né. Son interprétation est néanmoins moins facile chez le nouveau né dont la poursuite est entrecoupée de saccades de correction [BUQUET 1992]. La vitesse de déplacement de la mire doit être lente et ne pas dépasser 19 degrés/seconde chez les nouveau-nés [KREMINITZER 1979]. Ces saccades ont tendance à diminuer avec l'âge.

 

C - METHODES COMPORTEMENTALES OBJECTIVES DE MESURE DU POUVOIR SEPARATEUR

I - Le nystagmus optocinétique (NOC)

 a) Définition :

Le NOC se caractérise par une série de mouvements oculaires réflexes se produisant de façon répétée chez un sujet qui regarde une succession d'objets défilant rapidement devant ses yeux (figure 10).

 

Figure 10 &endash; Principe du NOC. Un enfant de 7 mois est placé entre 30 et 80 cm du tambour sur lequel figure des mires soit sous formes de barres noires et blanches verticales soit, comme ici, sous la forme de figure et de dessin. (Collection M. VITAL-DURAND, INSERM Lyon)

Lors du NOC, deux types de mouvement vont se succéder alternativement tant que dure la stimulation : un premier mouvement de poursuite lent et uniforme dans le sens du déplacement des objets, un deuxième mouvement à type de saccades qui ramènent brutalement les yeux à leur position de départ (figure 11).

 

 

 Figure 11 &endash; Exemple de tracé de NOC chez un bébé avec une vision normale âgé de 3 mois (Collection M. CHARLIER, INSERM Lille)

b) Principe :

Une succession régulière de tests (soit des bandes alternativement noire et blanche, soit des dessins) défile devant les yeux de l'enfant dans une direction et à une vitesse donnée. Le pouvoir séparateur équivaut à la valeur angulaire du plus petit test qui va introduire un NOC.

 

c) Résultat :

Ce test est le plus couramment utilisé pour donner une information globable sur la présence ou l'absence de la fonction visuelle chez un patient non coopérant ou un enfant. On peut considérer que si l'on obtient une réponse positive avec une certaine largeur de bande, le sujet est capable de détecter un stimulus qui lui a été présenté. Par contre, si le nystagmus optocinétique n'est pas interprétable chez un nouveau né, on ne peut établir le fait que l'enfant ne voit pas [LINKSZ 1973 ]. Historiquement c'est la première méthode utilisée chez le bébé pour mesurer le pouvoir séparateur : Gormann [1957 ] donne la valeur de 1,0 cpd pour 80 % des bébés de moins de 5 jours et Dayton [1964 ] donne 1,5 cpd pour 50 % des bébés âgés de moins de 8 jours.

 En théorie, on peut considérer que des bandes très fines donnant lieu à un nystagmus optocinétique indiquent la limite de la résolution spatiale de l'enfant. En établissant une relation entre la largeur de la bande et l'angle visuel qu'elle sous-tend, certains chercheurs ont cherché à évaluer l'acuité visuelle [ENOCH 1976, FANTZ 1962] ; celle-ci, qui fait intervenir le mouvement d'un test, est différente de l'acuité visuelle angulaire obtenue avec le test traditionnel statique des E de Snellen. Les résultats sont résumés dans le tableau 4

 

Tableau 4 : valeur d'acuité visuelle obtenue par NOC à différents âges.

 Publications

 FANTZ 1962

 DAYTON 1964

 ENOCH 1976

 Age

 1 à 22 semaines

 1 à 8 jours

 9 à 129 jours

 Stimulus

 Rayures bougeant à travers une voute

 Lignes noires sur du papier blanc mobiles à travers une voute

 Tambour de NOC

 Vitesse du mouvement du stimulus

 Variable

 Environ 16 deg/sec

 Bidirectionnel

 Distance entre les yeux et le stimulateur

 25 cm

 37 cm

 Variable jusqu’à 122 cm

 Luminance du stimulus

 Lampe de 25 watts

 1,6 cd/m2

 1 cd/m2

 Mesure du NOC

 Observation du mouvement des yeux pendant la présentation du stimulus

 Electro-oculogramme

 Observation du mouvement des yeux pendant la présentation du stimulus. Deux observateurs

En conclusion, une réponse à l'enregistrement optocinétique signifie que la fonction visuelle est présente. En corollaire, cette méthode de mesure donne une bonne information qualitative de la fonction visuelle du bébé, mais elle est plus difficile à utiliser pour obtenir une acuité visuelle " chiffrée ".

  

II - ACUITE VISUELLE ET MATURATION PAR POTENTIELS EVOQUES VISUELS

 L'acuité visuelle peut être évaluée en fonction de l'amplitude du PEV damiers et de la fréquence spatiale du stimulus visuel utilisé (fig. 12). Chez l'adulte, une courbe de référence a été établie à partir de l'étude de sujets normaux [HACHE 1979 ]. Cette courbe d'amplitude en fonction de la fréquence spatiale fait un large U inversé. Elle est maximale pour des fréquences spatiales proches de 2 cycles par degré (15 à 20').

 

Figure 12 &endash; bébé de 4 mois placé devant un écran de stimulation avec des damiers de 60' présentés à une distance œil-écran de 1 mètre. (Collection Dr DHELLEMMES-DEFOORT Lille)

Idéalement, l'acuité visuelle pourrait être mesurée en utilisant des tests de fréquence spatiale croissante et l'acuité visuelle estimée comme la valeur de la fréquence spatiale du plus petit test qui donne une réponse. En pratique ce n'est pas réalisable car plus on se rapproche du seuil de perception qui correspond à la meilleure acuité visuelle, plus l'amplitude du PEV est faible.

 

Parmi les nombreuses méthodes proposées, nous ne décrirons que les plus fréquemment utilisées.

a) Par extrapolation [REGAN 1977 ]

Pour évaluer le pouvoir séparateur d'un enfant, il est nécessaire d'utiliser des tests de différentes fréquences spatiales (au moins cinq chez l'enfant de plus de 1 an) et de construire la courbe amplitude de la réponse évoquée visuelle en fonction de la fréquence spatiale.

Une droite de régression est construite à partir des valeurs d'amplitude des pics de haute fréquence spatiale enregistrables (3 fois supérieurs au bruit de fond). L'intersection entre cette droite de régression et l'abscisse (amplitude zéro) donne une valeur de fréquence spatiale qui correspond au pouvoir séparateur. (Fig.13)

Cette méthode de mesure de l'acuité peut être utilisée avec un mode de stimulation transitoire. Le mode stable plus rapide, lui est préféré en clinique, surtout dans les pays anglo-saxons. Chez l'enfant, la technique employée est le "PEV par balayage " ou (sweep PEV). [Fiorentini 1992 , Norcia 1987 , Norcia 1990 , Tyler 1979 ].

Avec cette méthode, les mesures d'acuité chez l'enfant normal sont reproductibles à 0.5 octave près (une octave correspond à une variation de fréquence spatiale d'un facteur 2). La différence d'acuité entre les 2 yeux est inférieure à une octave.

 

 

 Figure 13 &endash; exemple de " sweep PEV ". L'intersection entre la droite de régression et l'abscisse (amplitude zéro) donne une valeur de fréquence spatiale qui correspond au pouvoir séparateur. (modifiée d'après [Norcia 1985 ])

b) Autres méthodes

Des critères d'évaluation du pouvoir séparateur, plus rapides que la mesure par extrapolation, ont été proposés par les équipes qui utilisent les PEV transitoires. Les valeurs obtenues sont cependant moins précises.

De Vries Khoe [1982 ], Sokol [ 1976 ], Harter [1977 ] estiment l'acuité visuelle des enfants de moins d'un an en prenant la fréquence spatiale du pattern qui donne le plus ample PEV. Ils la comparent à l'acuité visuelle des adultes qui ont un PEV d'amplitude maximale avec une taille de damier identique.

Marg [1976 ] utilise des pattern progressivement décroissants pour trouver le plus petit pattern qui donne un PEV reconnaissable. C'est la technique que nous préconisons.

 

c) Les facteurs de variation de l'acuité visuelle par PEV chez l'enfant

 1) Age

 L'âge joue un rôle primordial. Il est démontré que le pouvoir séparateur mesuré par PEV progresse rapidement de la naissance jusqu'à l'âge de 6-8 mois que ce soit avec des stimulations transitoires ou stables, que ce soit avec des barres noires et blanches alternantes, ou avec un profil sinusoïdal [Harris 1976 , Norcia 1985 , Norcia 1987 , Tyler 1979 ], ou des damiers alternants [SOKOL 1978 ], ou bien une apparition-disparition de damier [De Vries-Khoe 1982 ]. Les valeurs d'acuité visuelle sont résumées dans le tableau 6.

 

2) Influence de la fréquence temporelle

 L'amplitude du PEV varie avec la fréquence temporelle du test (qui est égale à la moitié du nombre de renversements par seconde).

La fréquence temporelle maximale à laquelle Fiorentini [1992 ] enregistre un PEV avec un test de 60' est 6 Hz entre 1 et 2 mois, 8 Hz entre 2 mois et 3 mois et demi

 

3) L'accommodation et la convergence

 La focalisation de l'image rétinienne n'intervient pas en PEV par damiers chez les enfants de moins de 2 mois, qui ont un pouvoir de résolution spatiale bas [Atkinson 1977, SALAPATEK 1976 , Sokol 1983 ].

 

4) Influence de la réfraction

 Les anomalies de réfraction doivent être parfaitement corrigées (myopie et astigmatisme en particulier) chez l'enfant comme chez l'adulte.

 

 

D - COMPARAISON DES DIFFERENTES METHODES DE MESURES DU POUVOIR SEPARATEUR CHEZ LE JEUNE ENFANT

Les tableaux suivants (5 et 6) donnent une estimation du pouvoir séparateur obtenu par PEV, par la technique du regard préférentiel, par la poursuite, puisque nous avons vu que le NOC ne donne qu'une valeur qualitative.

 

Tableau 5 : Acuité visuelle obtenue chez les nouveau-nés âgés de moins de 9 jours.

 Auteur

 Technique

 Nombre de sujets testés

 Age (exprimés en jours)

 Acuité réseau en cycle par degré (cpd)

 Fantz et al. 1962

 Regard préférentiel

 7

 < à 1

 0,60 cpd

 Miranda et al. 1970

 Regard préférentiel

 ?

 < à 3

 0,45 cpd

 Dubowitz et al. 1983

 Regard préférentiel

 89

 < à 8

 0,37 cpd pour 95 % des sujets

 Brown et al. 1986

 Regard préférentiel

 21

 < à 8

 0,63 cpd

 Buquet et al. 1992

 Poursuite de mires structurés

 51

 < à 9

 0,4 cpd pour 72,5 % des sujets

 

Tableau 6 : estimation du pouvoir séparateur obtenu par PEV et par regard préférentiel chez le jeune enfant de 1 mois à 4 ans 

 Age

 Méthode du regard préférentiel

Cartes de Teller *

 Potentiels évoqués visuels

PEV par balayage

 

 Mayer 1995

 Vital Durand 1990

 Harmer 1989

 Norcia 1985

 Norcia 1990

 

 cycle /

degré

 mn d’arc

 cycle /

degré

 mn d’arc

 cycle /

degré

 mn d’arc

 cycle /

degré

 mn d’arc

 cycle /

degré

 mn d’arc

 1

mois

 0.94

 32’

(0.3/10)

 

 

 6

 5’

(2/10)

 4,5

 6,6’

(1,5/10)

 5

 6’ (1.5/10)

 3-4 mois

 2.68

 11’

(1/10)

 4,5

 (1,5/10)

 

 

 

 

 

 

 6

mois

 5.65

 5.3’

(1.8/10)

 

 

 14

 2’

(5/10)

 

 

 

 

 8-9 mois

 6.79

 4.5’

(2/10)

 7

 

 

 (2,2/10)

 

 

 22

 1,3’

(7/10)

 16.3

 1.8’

(5.5/10)

 1- 2 ans

 9.57

 3’

(3.3/10)

 9

 (3/10)

 

 

 

 

 

 

 4 ans

 24.81

 1.2’

(8/10)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* acuité monoculaire moyenne.

 Les valeurs d'acuité obtenues par les PEV sont meilleures que celles obtenues par la méthode subjective : le regard préférentiel.

Cette différence fait intervenir plusieurs hypothèses :

  

E - CONLUSION

La méthode de regard préférentiel est utile pour suivre la maturation et l'amélioration de l'acuité visuelle du nourrisson. C'est un complément utile mais insuffisant pour le dépistage de l'amblyopie unilatérale [SPEEG-SCHATZ 1995 ].

La méthode de poursuite de mires structurées est une méthode plus rapide et plus objective, mais elle permet seulement le dépistage des amblyopies importantes. Cette technique est appelée à évoluer avec des écrans de haute résolution.

L'évaluation de l'acuité visuelle par les PEV ne peut pas constituer un test de dépistage de l'amblyopie ou de suivi régulier de l'amélioration de l'acuité visuelle après un traitement d'amblyopie. Par contre, les PEV sont indispensables chez tous les enfants ayant un comportement visuel anormal, isolé ou associé à une pathologie neurologique.

  

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Chapitre 4 - Sensibilité aux contrastes

A - définition

 La perception visuelle des formes nécessite la mise en oeuvre d'une discrimination des variations de luminance, c'est-à-dire des contrastes, dont la distribution spatiale constitue l'image rétinienne.

L'acuité visuelle se définit comme la capacité de discriminer les détails fins d'un objet dans le champ visuel (ARDEN 1988, ZANLONGHI 1999). En pratique, elle est mesurée par l'intermédiaire d'optotypes noirs sur fond blanc dont le contraste doit être proche de 100%. Mais la vision d'un objet ou d'une image ne se limite pas à la perception du minimum séparable.

Pour étudier de façon plus exhaustive la perception visuelle, les seuils de perception pour des objets de toute une gamme de taille avec des contrastes de plus en plus faibles sont mesurés (figure 15). C'est la sensibilité aux contrastes. Cette description est l'équivalent fonctionnel, pour la vision, de l'audiogramme pour l'audition. Pour cela, des images de tests constituées de réseaux de luminance ont été définies. Ces réseaux sont des barres alternativement claires et sombres définies par leur fréquence spatiale, en cycles par degré ou nombre de paires (blanche-noire) de raies par degré d'angle visuel, et par leur contraste. Ces mires (réseaux) peuvent être "statiques" c'est-à-dire immobiles dans le temps ou mobiles : on parle alors de fréquence temporelle en Hertz (BONNET 1986).

 

 

Figure 15 : sensibilité au contraste par réseaux.

Pour chacun des domaines, spatial et temporel, la sensibilité se définit comme l'inverse du seuil de contraste. On obtient ainsi la fonction de sensibilité au contraste spatial (ou FSC en mode statique) ou temporel (ou FSC en mode dynamique) (figure 15). Ces deux fonctions de sensibilité aux contrastes ont la forme d'un filtre passe-bande.

 

Les paramètres étudiés sur cette courbe sont :

 

 

B - Dévelopement de la sensibilité aux contrastes chez le nourrisson

 La mesure de la sensibilité aux contrastes des nourrissons utilise plusieurs techniques : méthodes subjectives comme le regard préférentiel, la poursuite de cibles structurées (DEFOORT-DHELLEMMES 1985), méthodes objectives comme le nystagmus optocinétique, les potentiels évoqués de type transitoires ou de types stationnaires (HARRIS 1976, ZANLONGHI 1990).

 La figure 16 une courbe de FSC obtenue avec une technique de PEV stationnaires chez des enfants âgés de 3 ; 5 ; et 7-9 semaines ainsi que sur des sujets adultes (ATKINSON 1979). Pour une taille de réseaux de 0,5 cycles par degré, le nouveau-né est capable de percevoir un contraste de 40% à 5 semaines et de 17% à 7-9 semaines.

 

 

Figure 16 : FSC pour des enfants d'âges différents. Les traits pleins correspondent aux données obtenues par PEV. Les données en traits discontinus correspondent aux données obtenues par regard préférentiel.(ATKINSON 1979).

La technique du regard préférentiel a été utilisée par le même auteur (ATKINSON 1977). Elle mesure la FSC statique et dynamique (à 3 Hz) (figures 17 et 18).

 

 

Figure 17 : FSC obtenue par regard préférentiel en mode statique chez des enfants normaux d'âges différents (ATKINSON 1977).

 

 

Figure 18 : FSC obtenue par regard préférentiel en mode dynamique (3Hz) chez des enfants normaux d'âges différents (ATKINSON 1977).

Ces deux figures montrent que la FSC des très jeunes enfants est très différente de celle des adultes. Il n'y a pas de fréquence de coupure basse chez les enfants de moins de 5 semaines. La FSC statique et surtout dynamique s'améliore rapidement entre 5 à 12 semaines. Par contre, la fréquence de coupure haute est la même en statique et en dynamique. Des résultats très proches ont été trouvés chez 5 enfants normaux âgés de 2 mois par BANKS (1976, 1981).

Il existe également une bonne corrélation entre les PEV et les méthodes psychophysiques de mesure de la FSC chez l'enfant (HARRIS 1976).

La FSC s'améliore après l'âge de 3-4 ans (âge où l'acuité visuelle est de 10/10 ) jusqu'à 8 ans pour BRADLEY (1982) et jusqu'à l'âge adulte pour BEAZLEY (1980) (Figure 19).

 

 

 Figure 19 : FSC statique pour quatre groupes d'âges (BEAZLEY 1980).

C - Conclusion

 La fonction de sensibilité au contraste subit au cours des premiers mois de la vie d'importants changements quantitatif et qualitatif. Les très jeunes enfants ont une bonne sensibilité dans les basses fréquences spatiales. Par contre ils ont une sensibilité médiocre dans les moyennes et surtout les hautes fréquences spatiales, ce qui ne peut être expliqué ni par l'incidence des myopies et des astigmatismes observés chez les nourrissons, ni par les défauts optiques de l'oeil. On constate également de grandes variations inter-individuelles pour un même groupe d'âge surtout dans le domaine temporel. Malgré son grand intérêt théorique, la détermination en clinique courante de la FSC chez le très jeune enfant se heurte à la durée des mesures que ce soit avec le regard préférentiel (ATKINSON 1977) ou avec les PEV (ZANLONGHI 1990).

 

 

 Suite du texte

 

 

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