Accueil > Plan du site > La vision normale de l'enfant  

Retour plan vision normale

Retour chapitres précédents

Date de mise à jour : 30/05/2001

 Auteur : Xavier

 

Chapitre 5 - La COULEUR chez l'enfant

 La sensibilité chromatique est une fonction psychosensorielle, permettant de percevoir de façon qualitative le spectre lumineux.

Elle est sous la dépendance des photorécepteurs de type "cône". Ils sont fonctionnels dès la naissance. La vision des couleurs est donc présente dès la naissance, mais cette perception chromatique est immature.

A - A PARTIR DE QUEL AGE UN NOURRISSON COMMENCE T-IL A DISTINGUER LES COULEURS ?

 I - HISTORIQUE

Cette question a donné lieu à de nombreux travaux dont les plus remarquables sont ceux de Teller, Peeples, Bornstein que Vital-Durand et Knoblauch ont repris en France avec une méthode spéciale connue sous le nom de " Regard Préférentiel ; the Forced choice preferential looking" et qui permet de tester les réponses des nourrissons de 1 mois.

Mais ces auteurs ont eu des précurseurs. En 1926 Peiper pour évaluer la sensibilité d'un nourrisson à 4 lumières chromatiques se base sur le réflexe qu'il a appelé "The eye on the neck - Oeil sur le cou" et qui consiste à observer le rejet en arrière de la tête du nourrisson maintenu droit lorsque la lumière est projetée subitement sur ses yeux. Il conclut qu'à cet âge, l'enfant percevait les luminances relatives d'une façon similaire à l'adulte. Une autre méthode originale fût celle de Smith (1936) commentée par Peiper (1937) qui consistait à évaluer l'importance des pleurs et l'arrêt de l'activité du nourrisson sous l'effet d'une exposition à différentes lumières chromatiques rouge, verte et bleu présentées pendant 5 minutes.

Chase, en 1937, a montré qu'un nourrisson d'un mois pouvait suivre un champ coloré de 10° se déplaçant sur un fond coloré différent. Cet auteur conclut que le nourrisson à cet âge avait déjà une notion de la couleur.

 

 

II - METHODES MODERNES D'ETUDE DE LA VISION COLOREE CHEZ LE TRES JEUNE ENFANT

Cependant, à l'heure actuelle des méthodes plus précises sont utilisées pour évaluer la vision colorée du nouveau né.

Ce sont les Potentiels Evoqués Visuels (PEV), et surtout les méthodes comportementales autrement dit le "Regard préférentiel" de Peeples et Teller.

a) Les PEV

Dobson (1976) a comparé les PEV de 5 nourrissons du sexe féminin âgés de 2 mois et ceux de 2 femmes adultes âgées de 20 et 23 ans, en utilisant 8 longueurs d'ondes allant de 418 nm à 658 nm. Elle mesure le temps de culmination (temps de latence) qui correspond à la mesure du temps qui sépare le départ de l'éclair et le pic de la première déflexion. Il se situe entre 100 et 260 mec. Le temps de culmination varie en fonction de l'énergie du stimulus pour chaque longueur d'onde. Les valeurs du temps de culmination sont relevées sur un graphique en fonction du logarithme de l'énergie du stimulus. Dobson obtient ainsi une courbe de sensibilité spectrale (fig 20) qui est représentée par une courbe d'efficacité lumineuse (efficiency luminosity curve ; Legrand 1972).

 

Figure 20 : Courbe d'efficacité spectrale reconstituée à partir des réponses des PEV d'enfants de 2 mois comparée à celle d'adultes (DOBSON 1976)

Les résultats montrent que le nourrisson de 2 mois présente une sensibilité plus élevée des courtes longueurs d'onde (de 400 à 500 nm) de 0,3 unité logarithmique que chez l'adulte.

Cependant, certains auteurs ne sont pas du même avis. Volbrecht et Werner (1987) n'ont obtenu de réponses enregistrables pour les cônes de courtes longueurs d'onde qu'à partir de la 4éme semaine. Knoblauch (1996) n'a enregistré les réponses des cônes de moyennes et grandes longueurs d'onde qu'à partir de la 8 ème semaine.

 

b) CONTRASTES COLORES

En ce qui concerne les contrastes colorés, Dale (1993) relève des réponses chromatiques dés la 2éme semaine alors que Morrone (1993) n'obtient des réponses mesurables qu'après la 8éme semaine. La discordance serait due d'après Knoblauch et Vital-Durand (1994) au mode de stimulation qui diffère d'un auteur à l'autre.

 

c) REGARD PREFERENTIEL " COULEUR "

Les méthodes comportementales mises au point par Teller et coll. (Teller, Morse, Borton et Regal 1974 ; Peeples et Teller 1975) sont appropriées aux investigations chez le nouveau né. Elles ont été importées en France par Vital-Durand sous le nom de "Bébé Vision" ou de "Bébé Couleur".

Le principe est de présenter au nourrisson tenu par un parent un stimulus visuel coloré ou non à 35 cm environ sur un fond lumineux uniforme (fig 21). La présence de ce stimulus inhabituel en un point de ce champ uniforme entraînera la curiosité de l'enfant qui tournera son regard ou sa tête pour le voir. On peut donc quantifier la stimulation et mesurer un seuil en calibrant le test qui peut être une barre verticale colorée. Il s'agit d'une méthode de choix forcé. Un observateur caché derrière l'écran surveille à travers un petit orifice le mouvement de l'oeil ou de la tête de l'enfant.

 

Figure 21 : Principe de l'appareillage utilisé par Peeples et Teller : un projecteur dirige le test sur un miroir qui le réfléchit sur l'écran que voit l'enfant. Le mouvement du miroir permet le déplacement du test. L'observateur regarde les mouvements oculaires et de la tête de l'enfant B par le trou O percé dans l'écran.

Knoblauch et Vital-Durand (1994) ont modifié la stimulation chromatique selon les données de J. Barbur. L'écran supporte deux plages carrées formées de petites plages rectangulaires dont la luminance varie de façon aléatoire à une fréquence de 3 à 4 cycles par seconde pour éliminer l'effet de la luminance. Sur ce fond sont superposées trois barres colorées de fréquence spatiale inférieure à 0,1 cycle degré (fig 22). Les couleurs présentées ont été choisies sur les trois axes de confusion du diagramme de la CIE.

 

Figure 22 : D'après Peeples et Teller : schéma du champ vu par le nourrisson. Le stimulus est constitué de trois barres verticales qui sont déplacées du centre à la périphérie droite et gauche. Les mouvements de la tête et des yeux du nourrisson permettent de juger si le test est repéré et s'il est suivi.

Les résultats obtenus, selon la méthode plus simple de Teller et coll., sur 7 enfants mâles de 53 et 79 jours en présentant 13 stimulus chromatiques différents, montrent tout d'abord que les enfants de cet âge peuvent discriminer ces différents stimulus de la lumière blanche, sauf entre le jaune-vert et la zone moyenne du pourpre, ce qui crée deux zones neutres faisant penser que l'enfant de 2 mois serait dichromate ce qui sera discuté plus loin.

Par ailleurs, Peeples et Teller (1978) ont établi une courbe de sensibilité spectrale. Ils ont constaté, dans un premier stade (fig 23), que la sensibilité par rapport à celle de l'adulte était la plus basse aux deux extrémités du spectre et qu'il existait une excellente corrélation entre la sensibilité spectrale de deux enfants de deux et trois mois et celle des adultes. Dans une autre étude, PACKER (1984) compare la capacité chromatique de discriminer un stimulus de 8, de 4, de 2 degrés, de 589 nm sur un fond de 650 nm, chez des nourrissons âgés de 1 et 3 mois par une technique de regard préférentiel. Il note une dépendance entre la taille du stimulus nécessaire - plus grand chez les plus jeunes - et la qualité de la discrimination.

 

Figure 23 : Comparaison des courbes de sensibilités spectrales de l'enfant (cercles blancs) et de l'adulte (cercles noirs). Chute de la sensibilité dans les courtes et longues longueurs d'onde (d'après Peeples et Teller 1978).

Ces différents auteurs concluent, simplement, que ces nourrissons âgés de un à trois mois examinés ont une forme de vision colorée différente de celle de l'adulte plutôt en raison de l'immaturité des méchanismes chromatiques postréceptorals, que d'une réelle immaturité des phororécepteurs eux-mêmes.

Ces auteurs interprètent donc ces premiers résultats avec beaucoup de prudence. Tout ce qui peut être affirmé est qu'à deux mois l'enfant distingue le rouge du blanc et à trois mois il différencie le rouge du vert.

 

d) PROBLEMES POSES PAR LES RESULTATS DES DIFFERENTES METHODES

Plusieurs questions se posent devant ces résultats : Pourquoi les PEV font apparaître dans les courtes longueurs d'onde une sensibilité de 0,3 ou 0,5 UL, selon les auteurs, plus élevées que celle des adultes ?. A la découverte de la mauvaise perception des tonalités verdatre-jaune et des tonalités moyennes du pourpre, un dichromatisme du nourrisson peut-il être envisagé ?

A la première question, il n'est pas simple de répondre : Werner (1982 ), en se basant sur le fait que la sensibilité scotopique relative de quelques enfants est plus élevée que celle de l'adulte au dessous de 430 nm, pense que la pigmentation du cristallin du nourrisson de 1 mois, moins dense que celle de l'adulte à cet âge, en serait la cause. Mais d'après Teller et Bornstein (1987) ces conclusions sont discutables. Powers (1981) avaient constaté une légère élévation de la sensibilité relative scotopique à 410 et 430 nm chez le nourrisson d'un mois, mais retrouve à 3 mois une concordance des deux sensibilité scotopique chez l'enfant et chez l'adulte. En conséquence l'absorption des cristallins des deux classes d'âge est identique Un second argument est la différence entre les deux méthodes : les éclairs des PEV produiraient une dispersion de la lumière qui est inversement proportionnelle à la longueur d'onde, ce qui favoriseraient les courtes longueurs d'onde. En conséquence l'élévation de la sensibilité des courtes longueurs d'onde chez le nourrisson serait due à la méthode utilisée ; les PEV, plutôt qu'à une propriété visuelle de l'enfant.

Le nourrisson est-il dichromate ?, ce que les zones neutres décelées par Teller laisseraient à supposer. Teller avec Bornstein (1987) ont discuté de cette question et ont conclu que le nourrisson de 2 mois est trichromate mais il serait moins sensible que l'adulte à des différences de saturation.

 

III - LA VISION COLOREE CHEZ L'ENFANT PLUS GRAND

A partir de 7 ans, elle n'évolue pratiquement plus aussi bien en vision fovéale qu'en périphérie (VITAL-DURAND 1992, Berninger 1999)

 

 

B - PSYCHOLOGIE COLOREE DU NOURRISSON

LES PREFERENCES COLOREES

Pour le nouveau-né comme pour l'adulte, les couleurs catégorisées d'une façon équivalente sont les couleurs focales : bleue, verte, jaune et rouge.

La mémoire colorée du nouveau-né (Bornstein 1976 a et b) est plutôt faible. Pour Bornstein (1979) un enfant de 4 mois peut discriminer les tonalités fondamentales. Plus tard il pourra les classer et y mêler de nouvelles tonalités

Le concept coloré chez l'enfant plus âgé, environ 5 ans, contribue à sa formation et à son évolution plus que les autres fonctions (Farnham-Diggory 1975).

L'enfant, comme l'adulte, préfère les couleurs focales, c'est à dire les couleurs autour de celles connues dans les pays anglo-saxons sous le nom d"unique hue" ou de tonalités uniques ou encore strictement monochromatiques et qui sont le bleu, le vert, le jaune et le rouge, les couleurs saturées en particulier les couleurs des extrémités du spectre bleu et rouge. Par contre les couleurs mélangées les attirent moins (revue in Bornstein 1976).

 

C - COMMENT TESTER EN PRATIQUE LA VISION DES COULEURS CHEZ L'ENFANT ?

I - CHEZ L'ENFANT DE MOINS DE 4 ANS

Cobb et coll. (1982) ont essayé d'utiliser chez des enfants plus jeunes, entre 2 et 4 ans, l'Ishihara et le Panel D 15. Devant des enfants aussi jeunes, peu motivés pour ce genre d'examen, une préparation psychologique est nécessaire aussi bien pour l'examinateur que pour les moniteurs. L'examinateur doit savoir parler à l'enfant sans trop l'aider pour accomplir le test, observer sa fatigue, son degré d'ennui. Il doit l'encourager. Le test doit se passer dans une salle spéciale loin du bruit et de toute distraction. L'examen peut être binoculaire s'il n'existe pas d'anisométropie importante ou d'amblyopie unilatérale.

Il faut présenter le test sous la forme d'un jeu. Pour l'Ishihara, les planches avec les serpentins seront utilisées. Elles seront présentées comme une énigme, dit Cobb (1982) : "Imaginez que vous devez retourner chez vous dans la forêt quel chemin suivriez-vous ?". L'enfant doit suivre le serpentin avec un pinceau surtout s'il a moins de 5 ans. Pour le Panel D15, il lui est demandé de grouper les pastilles de même teinte. Puis il doit à partir d'une pastille étalon bleu-verdâtre ou rougeâtre, agencer une sorte de train avec les pastilles qui se ressemblent. Il faut une autre séance au cours de laquelle l'examinateur reprend le même discours pour familiariser les enfants au jeu. Il n'en reste pas moins que les auteurs ont dans ces conditions examiné 31 enfants de 2 à 4 ans et ont constaté que 25,8 % se trompaient à l'Ishihara sans que ce soit une preuve d'une dyschromatopsie héréditaire.

 

II - CHEZ L'ENFANT DE PLUS DE 5 ANS

a) Le test d'Ishihara peut pour la majorité des enfants être utilisé à partir de l'âge de 5 ans, Verriest et coll. (1982) ont constaté que 15 % des enfants répondent incorrectement à ce test.

Il existe un autre test pseudo-isochromatique utilisable pour les enfants : le test d'ISHIHARA pour illettrés dont les symboles sont des figures géométriques carrées ou rondes, ou des serpentins. Les enfants reconnaissent facilement ces symboles surtout après la lecture des deux planches de démonstration (BIRCH 1993 a et b , DENIS 1990). La réplique découpée et confiée à l'enfant permet de savoir si le symbole est bien reconnu. D'autre part les serpentins sont moins contournés que ceux de l'Ishihara classique et les enfants les suivent plus facilement à l'aide d'un pinceau.

Après 7 ans, l'Ishihara est systématiquement recommandé, mais il peut être employé dès que l'enfant est scolarisé en classe maternelle (DENIS 1990). Sur les 38 planches, il est recommandé de sélectionner les planches 2, 3, 5, 9, 12 et 16 (édition de 1975).

 

b) TESTS D'ARRANGEMENT

Le 100 Hue n'est utilisable qu'à partir de 10 ans.

Le Panel D15 (15 hue saturé) peut être utilisé pour les jeunes enfants (Denis (1990) en sachant que les erreurs tritans sont "indubitablement" des faux positifs (Flechter et Voke (1985)).

Il faut éviter le Panel D15 désaturé car trop sensible.

Le "City University test " de Fletcher et Votke dérivé du PD15 (Birch 1995) dont il a les mêmes tonalités permet de graduer la sévérité du déficit chromatique et ce dés l'âge de 4 ans.

 

c) AUTRES TESTS COLORES

Fletcher (1982, 1985) a proposé plusieurs tests sous forme de jeu pour les enfants. A titre d'exemple : un de ces tests consiste à compléter une rangée composée de carrés d'une couleur déterminée dont il manque un élément avec un des 4 carrés proposés dont l'un a la même couleur que la rangée. Il propose aussi un jeu de dominos. Chaque domino est formé de 2 carrés colorés différemment, l'enfant doit placer aux extrémités du domino de départ un domino du jeu dont la couleur est identique.

 

D - CONCLUSION

A deux mois un nourrisson distingue le rouge du blanc et à trois mois il différencie le rouge du vert.

Le dépistage clinique de déficits colorés chez l'enfant peut être pratiqué de façon fiable dès l'âge de 4 à 5 ans.

  Haut de page

Chapitre 6 - Champ visuel

A - Introduction

La vision périphérique a des fonctions :

Ces fonctions sont bien sur intimement liées à la fonction fovéolaire, puisqu'elles jouent chez le jeune enfant un rôle essentiel dans le régulation posturale de la tenue de tête. Toutes ces fonctions sont interdépendantes. Par exemple, la capacité pour un jeune enfant à horizontaliser son regard, lorsque son tronc est érigé, est liée au développement progressif de la fonction fovéale. Cf tableau 7

 

Tableau 7 : la vision centrale, la vision périphérique, le regard (modifié d'après MAZEAU 1995)

 

 Rôle spécifiquement visuel

 Rôle de régulation motrice automatique

 Vision périphérique

 - Analyseur de flux

- Fonction d'alerte

 - Régulation posturale

- Gestion des mouvements balistiques et des déplacements

 Vision centrale fovéolaire

 - analyseur d'images : décodage du sens

 

 Le regard : fonction oculo-motrice

 - Saisie fovéale

- Analyse différentielle OD et OG

- 3ème dimension

- Analyse des mouvements angulaires des globes oculaires lors des mouvements oculo-moteurs

 - Régulation de l'approche et du guidage gestuel (initiation de la préhension)

 

B - Le champ visuel chez le jeune enfant de moins de 5 ans

L'étude du champ visuel est difficile, voire impossible chez le jeune enfant qui contrôle mal sa motricité oculaire et sa fixation. En effet, il s'agit d'étudier les différentes portions de l'espace visuel dans lesquelles un stimulus peut être perçu par la rétine périphérique (rôle d'alerte), alors que la fixation centrale (fovéolaire) est maintenue sur un point précis de l'espace.

C'est pourquoi, en pratique clinique, nous nous contenterons d'étudier le "champ visuel attentionnel", qui, moins rigoureux, nous donne de précieuses indications sur certains aspects fonctionnels de la vision. C'est particulièrement utile dans les amblyopies unilatérales ou les fortes amétropies.

Il a été mesuré en observant les saccades oculaires déclenchées par des cibles présentées à partir de la périphérie (MOHN 1986). On retrouve aussi bien en binoculaire qu'en monoculaire une maturation rapide du champ visuel périphérique puisqu'à l'âge de 12 mois, le champ visuel est proche de celui d'un adulte sauf dans le champ inférieur (figure 24). Cette immaturité du champ visuel en moyenne périphérie à 10° a été confirmée à partir d'un modèle théorique de maturation du système visuel comprenant l'acuité visuelle, la sensibilité au contraste et la vision périphérique (CANDY 1998).

 

Figure 24 : développement du champ binoculaire. Chaque isoptère représente la moyenne de 2 à 3 enfants par groupe d'âge. Les chiffres sont les mois, A correspond à un champ visuel binoculaire d'un adulte normal. (MOHN 1986)

Le champ visuel temporal est mature plus rapidement que le champ visuel nasal. Des mesures réalisées à l'âge de 3 mois par une technique de regard préférentiel à 30° de l'axe optique l'ont bien montré (COURAGE 1996). Il semble qu'en pathologie, avec un oeil atteint de cataracte congénitale unilatérale opérée et rééduquée, on retrouve une perte de sensibilité dans le champ visuel nasal (LEWIS 1986 ). Cette atteinte du champ visuel périphérique a été confirmée chez des enfants plus grands (plus de 6 ans) atteints de cataracte uni ou bilatérale, où, là encore, on retrouve un rétrécissement concentrique en champ visuel en Goldmann aux index I4e et I2e (BOWERING 1997 ). Par contre cette atteinte nasale n'a pas été retrouvée chez des adultes atteints d'amblyopie de privation (SIRETEANU 1996).

A partir d'un an, sur le méridien horizontal, l'enfant fixant droit devant lui doit percevoir un stimulus présent dans son champ de vision périphérique sur un angle de 90° de part et d'autre de l'axe central sur le méridien horizontal. Sur le plan vertical, la norme est d'environ 40-50° vers le haut, et de 60°-70° vers le bas (MAYER 1993) . Ces valeurs ne sont que des approximations étant donné les conditions expérimentales : présentation de boules de grandes tailles (balle de ping-pong), amenées dans le champ visuel périphérique par un examinateur situé dans le dos de l'enfant alors que l'enfant est incité à regarder le nez, le visage d'un second examinateur (figure 25). Ce champ visuel attentionnel est empirique, mais est très utile pour repérer des atteintes importantes comme une hémianopsie ou une négligence visuelle périphérique. Par contre cette technique ne permet pas de retrouver un scotome central ou centro-ceacal.

 

Figure 25 : technique du champ visuel au moyen d'un double arc périmétrique développé par MOHN en 1986. Modifiée d'après MAYER 1993

Chez le prématuré, le développement de la vision périphérique testée par une technique de champ visuel binoculaire avec arc périmétrique n'est pas accéleré par rapport à un groupe contrôle d'enfant nés à terme (van Hof-van Duin 1992)

 

C - Le champ visuel chez l'enfant de plus de 5 ans

Selon l'âge, la participation et l'entraînement, on peut pratiquer un champ visuel périphérique cinétique dés l'âge de 5 ans au Goldmann manuel, voire parfois sur des périmètres semi-automatiques comme le Moniteur Ophtalmologique ®.

Des normes en fonction de l'âge (entre 4 et 12 ans) ont été publiées par WILSON (1991) et par QUINN (1991). Ils utilisent un double arc périmétrique avec des tests de 2° de 6° et un Goldmann avec un test en index V-4-e. Les deux techniques de champ visuel donnent des résultats très proche (tableaux 8 et 9).

Tableau 8 : extension en degré du champ visuel périphérique pour 4 méridiens pour l'œil droit chez une population de 56 enfants entre 4 et 12 ans (QUINN 1991)

 Méridien

 Arc périmétrique : test de 6°

 Arc périmétrique : test de 2°

 Goldmann avec un test en index V-4-e

 45°

 55,6

 55,6

 58,1

 135°

 45,6

 45,9

 48,2

 225°

 50,3

 52,4

 49,9

 315°

 81,8

 81,5

 76,1

Tableau 9 : extension en degré du champ visuel périphérique pour 4 méridiens pour l'œil droit chez une population de 12 adultes (QUINN 1991)

 Méridien

 Arc périmétrique : test de 6°

 Arc périmétrique : test de 2°

 Goldmann avec un test en index V-4-e

 45°

 58,3

 59,4

 62,3

 135°

 53,5

 52

 52,4

 225°

 51,8

 51,8

 51,5

 315°

 87,3

 85,8

83,6

Cette technique de double arc périmétrique a été utilisée chez des prématurés âgés de 5 ans et demi dont le poids de naissance était inférieur à 1251g. Le groupe de prématurés ayant été traités par cryothérapie pour une rétinopathie des prématurés de stade II et III a une perte moyenne de 6,4 degrés dans chaque méridien par rapport à des prématurés non atteints de rétinopathie des prématurés (QUINN 1996 4598).

En cas d'amblyopie de privation par cataracte congénitale, opérée et rééduqée, on constate un rétrecissement du champ visuel monooculaire périphérique surtout temporal. Ce rétrecissement est d'autant plus important que la cataracte a été découverte jeune, et que la durée de l'amblyopie de privation a été longue (BOWERING 1997)

 

D - Amétropie et champ visuel

I - La myopie

La myopie se corrige avec un verre concave. Cette correction entraîne un agrandissement du champ visuel refracté, une distorsion en baril, croissante du centre vers la périphérie, du contenu du champ visuel. On obtient ainsi un scotome relatif en moyenne périphérie du champ visuel qui sont en fait des pseudo-scotomes de réfraction.

Le champ de regard de l'enfant myope est théoriquement plus grand que que celui de l'émmetrope en raison des effets prismatiques à base périphérique du bord du verre. Ceux-ci favorisent la sous-rotation de l'œil myope corrigé. Tous ces effets secondaires liés à un verre concave, sont nettement moins marqués avec une lentille de contact, voire pour l'atteinte du champ de regard supprimés (fig 26).

 

 

 Figure 26 : champ visuel de l'œil myope corrigé par un verre concave en position primaire et immobile

II - L'hypermétropie

La correction par verre convexe donne un pseudo-scotome annulaire induit par le bord du verre (figure 27).

Le champ du regard est perturbé par la dissociation entre le degré de rotations oculaires, non modifiées, et la portion d'espace balayée par l'axe visuel réduite par effet prismatique.

Une correction par lentille supprime pratiquement le scotome annulaire et totalement la perturbation du champ du regard.

 

  

Figure 27 : champ visuel de l'œil hypermétrope corrigé par un verre convexe en position primaire et immobile. Scotome annulaire limité par 1 et 2

E - Conclusion

Tout comme l'acuité visuelle, le champ visuel bénéficie d'une importante maturation pour arriver vers l'âge de 1 an à des valeurs proche de celle d'un adulte.

Mais indépendamment des effets induits par une correction optique sur le champ visuel, en pathologie ophtalmologique et plus encore en cas d'atteinte neuro-ophtalmologique, il faut bien séparer l'amélioration possible du champ visuel attentionnel par exemple avec une correction optique adaptée, une rééducation appropriée, du champ visuel au sens strict qui est une caractéristique structurelle du système visuel, immuable et non susceptible d'amélioration.

  Haut de page

Chapitre 7 - Développement de la binocularité et de la stéréoscopie

La vision binoculaire représente l'ensemble des phénomènes qui interviennent lors de la fusion des images captées par chaque rétine de chaque œil. Cette "binocularité" permet ainsi l'unicité des images et la localisation dans l'espace. Elle représente le plus haut degré de spécialisation du système visuel.

La coopération binoculaire est observée à partir de l'âge de deux à trois mois . Initialement il y aurait juste superposition des images reçues par les champs récepteurs correspondant des deux rétines, sans calacul de disparité, sans fusion, ni suppression (SHIMOSO 1986).

Puis, les influx provenant respectivement de l'œil droit et de l'œil gauche se projettent séparement sur des colonnes de dominance oculaires adjacentes.

La propriété de fusionner l'image de l'œil droit et de l'œil gauche pour en extraire une image en relief apparaît vers le quatrième mois. La vision stéréscopique bénéficie d'une maturation très rapide pour arriver à 1' d'arc vers le cinquième mois.

La stéréoscopie s'affine également très rapidement, l'enfant préférant regarder un objet tridimentionnel plutôt qu'un objet équivalent bidimentionnel.

Pour mettre en évidence ce développement de la vision binoculaire plusieurs techniques ont été utilisées : PEV (BRADDICK 1985), le regard préférentiel (BIRCH 1982), et par la sommation binoculaire de la réponse pupillaire à une illumination rétinienne.

  

Chapitre 8 - Oculomotricité - accommodation - posture

A la naissance, l'oculomotricité est immature : il existe des mouvements saccadiques, brusques. La fixation vraie et la poursuite lente et lisse se constituent progressivement au cours des premiers mois, en laison étroite avec la maturation fovéale.

A - L'oculomotricité

I - Le réflèxe vestibulo-oculaire

C'est le réflexe de contre-rotation des yeux lors de la rotation de la tête. Il existe dés la naissance, mais l'amplitude du mouvement des yeux par rapport à celle de la tête est excessive. Au bout de quelques semaines, la rotation de la tête entraîne progressivement une rotation des yeux dans le même sens. Cette dernière peut être inhibée par la fixation persistante d'un objet dés le troisième ou quatrième mois (GODDE-JOLY 1992).

II - Le nystagmus opto-cinétique NOC

La détection du mouvement de l'environnement (stimulation de barres noires et blanches) existe chez le nouveau-né :

En effet, dans les quatre premiers mois, seule la stimulation temporo-nasale (en monoculaire) évoque une réponse oculomotrice réflexe ; NOC de type I. La réponse naso-temporale, ou NOC de type II apparaît de façon conjointe avec la vision binoculaire dont c'est un témoin (BOURRON 1994).

III - Les mouvements de poursuite et de saccades

Les mouvements oculaires du nourrisson sont lents et d'amplitude restreinte. Ils sont de type saccadique. Pendant les trois premiers mois, l'œil suit un objet en déplacement lent par une série de petits mouvements ( BUQUET 1996). Ces mouvements d'attraction visuelle, ou saccades de refixation, se font dans la bonne direction, mais sont d'amplitude limitée. On parle de saccades hypométriques. Plusieurs, souvent de même amplitude, sont nécessaires pour rejoindre la cible (ASLIN 1987). Ultérieurement, les mouvements de poursuite sont encore mélangés de saccades de rattrapage, mais leur proportion augmente avec l'âge. L'œil atteint la possibilité de suivre un objet par un mouvement de poursuite lisse entre le troisième et le quatrième mois.

De même on note que les accélérations et la précision de mouvements oculaires s'améliorent très rapidement pendant les quatre premiers mois de la vie. A cet âge les saccades peuvent être aussi rapide que chez l'adulte.

IV - les mouvements de vergence

La divergence est banale chez le nouveau-né et chez le prématuré. Elle doit disparaître après la troisème semaine. La vergence accommodative existe dés l'âge de deux mois. La convergence tonique est élevée chez les très jeunes enfants.

 

B - L'accommodation

 L'accommodation est une propriété réflexe du cristallin qui lui permet de modifier sa puisance dioptrique, pour conserver la netteté de l'image rétinienne, quand l'objet observé se rapproche en partant du punctum remotum vers le punctum proximum. Elle a été étudiée au moyen de la skisacopie dynamique et de la photoréfraction (BOBIER 1982, QUICK 1994)

L'accommodation et la convergence apparaissent dés le premier mois d'âge, mais pas toujours de façon coordonnée durant les 3 premiers mois de vie [ASLIN 1993].

 

C - La posture

Pour le système visuel, on constate que l'oculomotricité se transforme aux environs de 10-12 semaines, non pas dans ses paramètres biomécaniques mais dans son organisation spatiale. Il y a passage d'une motricité régie par la maximisation de l'excitation corticale à une motricité dirigée par un projet spatial qui prend en considération les propriétés du spectacle, les possibilités périphérique et focale du système visuel (BULLINGER 1993).

Toute discontinuité spatio-temporelle du flux visuel, tant statique (fréquence spatiale, …) que dynamique (direction, orientation, vitesse,..), et que périphérique (champ visuel,..) constitue un paramètre de contrôle de la régulation systémique de la posture (BRANDT 1988). Par exemple, la présence d'un champ visuel texturé périphérique statique a un effet organisateur sur la posture céphalique et la poursuite oculo-céphalique chez des prématurés. De même JOUEN (1988), a montré qu'un mouvement antéro-postérieur du champ visuel périphérique produit chez des nouveau-nés des réactions posturales. Cet auteur développe l'hypothèse d'une invariance, au cours du développement de l'enfant, des propriétés dynamiques du système visuo-postural, à laquelle se surajoutte des modifications du contrôle des paramètres de la régulation posturale pendant ce même développement (JOUEN 1994).

 

   Haut de page

Chapitre 9 - Effets induits par les lentilles sur la stimulation visuelle (Champ visuel…)

Comment appréhender le gain induit par une correction par lentille d'une amétropie forte par rapport à l'abscence de correction ou à une correction par lunettes ?. Le modèle de l'enfant amblyope ou malvoyant a ses propres systèmes de prise d'informations, qu'il développe et met en place parce que les stimulations visuelles sont peu opérante ou inopérantes. L'enfant malvoyant, par exemple par nystagmus, peut difficilement servir de référence pour comprendre, corriger, voire rééduqer une forte amétropie.

Par ailleurs, très souvent se rajoutte une amblyopie à l'amétropie : une forte amétropie bilatérale, ou une anisométropie donnera une amblyopie par défocalisation. L'astimatisme peut provoquer une amblyopie mérdidienne. En effet, s'il n'est pas corrigé, l'image rétinienne est brouillée dans une orientation spécifique. Les hypermétropies fortes, supérieures à 5 dioptries, sont fortement susceptibles de donner en plus un strabisme.

Dans l'anisométropie sans strabisme, les deux fovéa reçoivent les images d'un même objet, mais les images reçues du coté de l'amétropie sont défocalisées. Il existe alors une compétition au niveau du cortex visuel, entre l'image d'un œil et l'image floue de l'autre œil, compétion tranchée car on obtient rapidement une amblyopie de privation du coté ou l'image est défocalisée. En cas de correction optique d'une anisométropie, le meilleur système optique est la lentille, mais il faut savoir que la tolérance à une correction par lunettes est bien meilleure que chez l'adulte du fait du fait d'une plasticité sensorielle lui permettant de supporter des corrections d'anisométropie importantes (HÖH 1991).

Dans la myopie forte non corrigée, il existe toujours une distance à laquelle les images peuvent être au point sur la rétine. Ces enfants présentent une meilleure appréciation de leur epace visuel en particuier périphérique que les enfants hypemétrope fort non corrigés.

Chez les myopes, on note également une amélioration de la sensibilité au contraste avec les lentilles par rapport à la même correction par lunettes, amélioration liée essentiellement à l'augmentation de l'éclairement rétinien par augmentation de la taille de la pupille d'entrée.

Chez les enfants myopes et présentant un nystagmus, la correction par lentilles est particulièrement indiquée car elle permet d'obtenir une amélioration de l'acuité visuelle centrale surtout de loin, et habituellement une diminution du nystagmus. En effet en plus du grandissement de l'image rétinienne, il y a une disparition des effets primastiques et des abérrations liées au verre concave ( ALLEN 1983, GOLUBOVIC 1989 )

 

 

Chapitre 10 - Conclusion

L'immaturité du système visuel de l'enfant à la naissance touche tous les étages du système visuel, l'oeil, le nerf optique, les centres visuels sous-corticaux et corticaux. Il y a donc au cours des deux premières années une maturation progressive des fonctions visuelles, mais le rythme des acquisitions est différent selon les fonctions étudiées (maturation rapide du champ visuel périphérique, très lente de la sensibilité au contraste), et différent d'un enfant à l'autre.

On retiendra divers aspects de ce développement : moteur (mouvements oculaires, saccades, poursuite, fixation), développement de l'acuité visuelle de chaque oeil, et mise en place de la vision binoculaire. Il existe une très grande plasticité cérébrale avant deux ans, mais aussi une très grande sensibilité aux influences extérieures, particulièrement pendant les périodes critiques.

Le dépistage précoce des fortes amétropies est possible dés les premières semaines de la vie, par un examen ophtalmologique et orthoptique. Dans certains cas, on peut s'aider de techniques de mesure du pouvour séparateur comme le regard préferentiel voire les PEV. Beaucoup plus rarement, car encore dans les laboratoires de recherche, il est possible d'étudier d'autrtes fonctions visuelles comme la vision des couleurs, la vision périphérique.

Le risque principal d'une amétropie et /ou d'une anisométropie est l'amblyopie, qui donne trois types de déficit : réduction de la sensibilité au contraste, réduction de la résolution spatiale (acuité visuelle), incertitude sur la position des éléments de la forme. Il est maintenant bien connu que la clé du succès réside dans la précocité du traitement, et donc du dépistage, car le succés thérapeutique en terme d'acuité visuelle décroit avec l'âge (MAURER 1999).

Les pathologies pouvant gêner le développement visuel de l'enfant (amblyopie, strabisme, amétropie, nystagmus...), nécessite le plus souvent une correction optique adaptée. Une correction par lentille de contact dans certaines situations (amétropie, anisométropie, …), montre souvent un gain des performances visuelles que l'on mesure en pratique difficilement en termes d'acuité visuelle. En fait les parents nous parlent de gain en termes de confort visuel, de motricité, d'une meilleure posture, d'une meilleure coordination œil-main (REGAL 1983), la marche paraît plus facile, l'évitement d'obstacles plus performant, un meilleur intérêt pour les jeux, pour l'entourage, toutes notions peu étudiées chez un enfant présentant une amétropie, et qu'il serait souhaitable de regrouper sous le terme générique d'amélioration de la qualité de vie (LETZELTER 2000, SEID 2000, ). De nombreuses études sont encore nécessaires pour mesurer ce gain en termes de qualité de vie amené par une correction optique de type lentille de contact chez le jeune enfant.

 

  

Suite : Tableaux : grands repères de dévellopement moteur, sensoriel et cognitif chez l'enfant

Suite Bibliographie

 

REMERCIEMENT

Tous mes remerciements au Dr VOLA, au Dr DEFOORT-DHELLEMES, à Mlle SANDER, à M. VITAL-DURAND pour leur aide et leur amical soutien.

 Haut de page

Accueil > Plan du site > La vision normale de l'enfant