RAPPORT DE LA MISSION HUMANITAIRE

AU GABON DU 22 AVRIL AU 13 MAI 2007

Docteur René Fritsch

Départ le dimanche 22 avril de Marseille pour une mission de 3 semaines au Gabon, les deux premières semaines étant prévues à Port Gentil et la dernière à Lambaréné. On retrouve le Docteur Yves Halimi, chirurgien dentiste qui nous accompagnera les 2 semaines à Port Gentil.

L’équipe est donc ainsi constituée :

René Fritsch, médecin-ophtalmologiste

Anne-Marie Fritsch, pharmacien, aide-opératoire et instrumentiste

Yves Halimi, chirurgien dentiste.

Le docteur Georges Rioux qui devait également faire partie de l’équipe a été empêché au dernier moment pour des raisons familiales et sa présence nous aura fait cruellement défaut.

Arrivée dimanche après-midi à Libreville où nous sommes réceptionnés par Jean-Claude et Michèle Villard qui nous remettent aussitôt dans l’avion pour Port Gentil.

Port Gentil 22 avril / 4 mai 2007

A Port Gentil, Thierry Aillaud est là pour nous accueillir avec toute sa gentillesse habituelle. Il nous conduit à sa maison où nous serons royalement installés pendant tout notre séjour. Le matériel apporté est déposé le soir même au Dispensaire de la Croix Blanche de la Mission Sainte Thérèse. Ceci permettra de se mettre au travail dès le lundi matin.

Le lundi matin est consacré à l’installation de la salle d’opération : montage du microscope, déballage et rangement des consommables, installation du poupinel et stérilisation des boîtes. Le bureau de consultation du dispensaire est mobilisé à cet effet car il possède un climatiseur qui est malheureusement hors service. Il sera remplacé dès le lundi après-midi grâce à la diligence du Lions Club local.

Nous apprenons avec regret que Sœur Irène qui nous avait été si précieuse l’an dernier pour l’organisation de la mission et la gestion des malades a été mutée ailleurs. Elle est remplacée par Sœur Honorine, originaire du Congo, qui révélera elle aussi bien efficace… mais pas comme sœur Irène !

Le lundi après-midi débute la première consultation : une longue liste de plus de 160 noms a été établie par les soins de sœur Honorine avec les malades qui sont venus consulter dans des semaines précédentes. Les conditions de consultation sont assez sommaires car nous ne disposons ni de lampe à fente, ni de tonomètre, ni de matériel à skiascopie. Heureusement, un médecin militaire de l’Armée Française mettra à notre disposition une superbe échelle d’acuité lumineuse.

Ces conditions de consultation permettront surtout de faire un dépistage des cataractes et de poser les indications opératoires. Accessoirement de faire quelques réfractions et soigner quelques conjonctivites ou kératites, quelques traumatismes, mais surtout, hélas !, de dépister (au vu de l’aspect de la papille au FO !) un grand nombre de glaucomes au stade terminal au-dessus de toute ressource thérapeutique. Faute de moyens adéquats, il n’a pas été possible de dépister des glaucomes à un stade suffisamment précoce pour justifier une prise charge thérapeutique médicale ou même chirurgicale.

Le programme des journées s’organisait comme suit :

- Le matin, pansements des opérés de la veille et distribution des collyres et des consignes post-opératoires. Puis 3 ou 4 interventions de cataractes.

- L’après-midi, consultation d’une trentaine de patients. An bout de 2 jours, il a fallu faire les consultations dans ce qui tenait lieu de salle d’opération, car nous avons dû laisser au dentiste la salle climatisée prévue initialement pour la consultation. En effet celui-ci ne disposait que d’une petite pièce mal ventilée qui lui rendait les conditions de travail tout à fait insupportables.

Le samedi 28 nous avons juste opéré le matin, pas consultations l’après-midi. Le 1er mai étant une importante fête fériée, repos obligatoire. Enfin nous avons eu une coupure de courant le jeudi 3 mai, ce qui a obligé à reporter le programme opératoire au vendredi matin, veille de notre départ pour Lambaréné.

L’après-midi de ce vendredi a été consacrée à l’inventaire et au remballage du microscope, du matériel et des consommables restants. Sauf le microscope et les consommables nécessaires pour la mission de Lambaréné, tout le reste a été entreposé chez Thierry Aillaud, dans l’attente d’une prochaine mission (cf. inventaire ci-joint). On a laissé au dispensaire 40 flacons d’Aurocol (Chloramphénicol + dexaméthasone) et 50 flacons de Gentalline. Comme le départ de l’avion pour Libreville était très tôt le samedi matin, les pansements et les consignes post-op ont été confiés à Yves Halimi qui ne partait que 24 heures plus tard.

Ainsi au cours de cette mission à Port Gentil, nous avons pu réaliser 217 consultations et 27 interventions chirurgicales :

-23 opérations de cataracte en EEC manuelle avec pose d’un implant en CP

-3 opérations sans pose d’implant pour cause de rupture capsulaire avec ou sans issue de vitré

-1 opération de cataracte secondaire (tertiaire ?) avec ablation d’une épaisse membrane pupillaire cyclitique (avec un bon résultat fonctionnel).

Nous avons bien sûr été pénalisés par l’absence de Georges Rioux, car il a fallu assurer et les consultations et les opérations, ce qui n’a pas permis de donner satisfaction à autant de patients qu’on aurait pu l’espérer.

L’accueil du Lions Club de Port Gentil a été extraordinaire : l’hébergement dans la villa de Thierry est un ***, nous avions une voiture à notre disposition pour nos déplacements, les repas de midi au Club Sogara étaient un très agréable moment de détente et tous les soirs nous avons été invités royalement par les différents membres Club. Les jours de congés, Thierry s’est encore occupé de nous et nous a fait découvrir les plages de l’océan et la brousse de l’Ile Mandji.

Samedi matin, dès 7.00 heures, Thierry nous emmène à l’aéroport. Vol pour Libreville où nous retrouvons Jean-Claude et Michèle Villard, bientôt rejoints par Robert Ndong Meye qui sera notre guide, notre cicérone et notre chauffeur pendant tout notre séjour à Lambaréné.

Après un petit-déjeuner copieux à l’Hôtel Atlantic, nous chargeons tout le matériel dans un pick-up loué pour l’occasion qui nous servira de moyen de transport pendant toute la mission à Lambaréné. Nous sommes rejoints par Christian Agaya, jeune ophtalmologiste gabonais de Libreville, que le Lions de Libreville a recruté au denier moment pour m’assister et suppléer à la défection de George Rioux.

Lambaréné 5 mai / 13 mai 2007

Voyage sans histoire jusqu’à Lambaréné avec arrêt photo obligatoire au passage de l’équateur. Nous sommes suivi par une autre voiture bourrée de journalistes de la télévision gabonaise qui nous accompagne depuis Libreville pour couvrir l’événement !

A l’entré de Lambaréné, nous sommes réceptionnés par un comité d’accueil qui devait réunir quasiment tous les membres du Lions Club local : il ne manquait que la fanfare !

Nous arrivons à l’hôpital Albert Schweitzer dans l’après-midi. Une réunion de bienvenue nous permet de faire connaissance avec le Directeur, avec Henri, l’infirmier en ophtalmologie et avec le personnel de l’hôpital. Après une rapide visite des locaux mis à notre disposition, nous déchargeons le matériel et commençons l’installation.

Ensuite Robert nous conduit à la maison qui a été retenue pour nous héberger. C’est une jolie petite maison tout en bois, et tout confort, située à Isaac, quartier central de Lambaréné, mais de l’autre coté du fleuve par rapport à l’hôpital.

Au départ nous devions être logé dans les locaux de l’hôpital qui a quelques chambres pour recevoir les hôtes de passage. Mais notre arrivée coïncidait avec une réunion du Conseil d’Administration de la Fondation Albert Schweitzer et donc ces chambres n’étaient pas disponibles. Mais cela nous a permis de rencontrer certains membres de la Fondation et en particulier Walter Munz, qui fut le dernier chirurgien à travailler avec Albert Schweitzer et qui fut le premier à le remplacer comme médecin-chef de l’hôpital après sa mort en 1965. Walter Munz avait appris quelques rudiments de chirurgie oculaire auprès d’un ophtalmologiste américain de passage et avait lui-même opéré quelques cataractes pendant son séjour à Lambaréné. Cela nous a aussi permis de visiter les anciens locaux de l’hôpital transformés en musée (l’hôpital historique !) avec, comme guides, des gens qui y avaient travaillé à l’époque.

Le soir nous sommes reçus chez le maire, puis nous allons dîner avec une dizaine de membres du Lions dans un restaurant africain situé sur les hauteurs de la ville. Chaque soir nous serons ainsi invités par l’un ou l’autre membre du Club.

Quand nous arrivons à l’hôpital dimanche matin, les couloirs sont déjà noirs du monde qui vient pour la consultation d’ophtalmo. Il faut dire que le Lions Club avait annoncé la mission depuis longtemps et fait pas mal de tapage médiatique. Une grande banderole sur la route de l’hôpital annonçait «la semaine des soins ophtalmologiques gratuits ». Il était prévu que chaque jour ce soit un quartier différent de Lambaréné qui vienne en consultation.

Après la réception officielle dans la salle de conférence de l’hôpital – allocutions, remise de tee–shirts et de casquettes, le tout sous l’œil des caméras TV – nous essayons d’organiser le travail de la semaine.

La consultation de triage et de dépistage est installée dans la salle de cours : elle est assurée par Christian Agaya et par l’infirmier Henri. Des membres du Lions enregistrent et canalisent les malades, distribuent les numéros et tiennent les registres. Marianne qui nous rejoint depuis Libreville dès lundi, sera de la plus grande utilité et de la plus grande efficacité dans ce rôle. Ainsi plus de 120 patients seront examinés chaque jour, jusqu’à 175 certain jour, soit plus de 700 sur les 6 jours de la mission !

Le cabinet d’ophtalmologie utilisé habituellement par Henri est parfaitement équipé dans une salle climatisée : en particulier une très bonne LAF Inami avec tonomètre de Goldmann, un autoréfractomètre, un frontofocomètre et même un casque de Scheppens tout neuf. C’est là que j’examinerai les patients sélectionnés à la consultation, soit pour un bilan préopératoire soit pour une pathologie particulière.

La salle d’opération est installée dans le bloc opératoire du nouvel hôpital. Celui-ci est parfaitement équipé aux normes « européennes » : il dispose de 3 grandes salles d’opération protégées par un sas. Comme je dispose de 3 boîtes d’instruments, cela permettra de faire 3 cataractes le matin et 3 autres l’après-midi, le temps restant étant consacré aux examens pré- et post-opératoires et à l’examen des malades sélectionnés par le triage.

A midi nous mangeons au restaurant de l’hôpital avec les membres de l’encadrement, du CA de la Fondation et de jeunes médecins étrangers en stage à l’hôpital.

Le dimanche après-midi nous programmons tout de suite deux opérations de cataracte pour roder l’installation et voir si tout est en place.

Ainsi au cours de ces 6 jours de mission, nous aurons pu réaliser 31 interventions:

- 29 cataractes en EEC manuelle avec implant de chambre postérieure

-1 cataracte en EEC avec rupture capsulaire et extraction de la capsule dernière, sans implant

-1 ablation du cristallin pour luxation traumatique en CA

Comme déjà dit, il a été effectué plus de 700 consultations de dépistage : parmi celles-ci, 70 environ ont été ré–examinées de façon plus approfondie pour bilan ou pour une pathologie particulière. Ici, comme à Port Gentil, on a dépisté un grand nombre de glaucomes au stade terminal.

Par contre, comme il existe ici une structure pérenne, il devrait être possible de faire un dépistage précoce et systématique des glaucomes dans la perspective de les traiter. J’ai montré à Henri l’utilisation (qu’il ignorait) du tonomètre à aplanation en espérant qu’il en fera usage. D’autre part la structure hospitalière existante devrait rendre possible la distribution gratuite ou à bas coût de ß–bloquants qu’il est possible de se procurer (en Inde par exemple) pour moins de 1$ le flacon de collyre.

Samedi matin, après une dernière visite à l’hôpital pour faire les pansements des opérés de la veille et remballer le matériel, nous embarquons sur une pirogue pour descendre l’Ogooué jusqu’au lac Evaro où nous déjeunons à midi dans un cadre superbe. Retour l’après-midi par le même moyen de transport

Le soir grand « dîner de gala » à l’Hôtel Ogooué Palace avec tout le Lions et les autorités. La direction de l’hôpital AS est là aussi. Discours, remise de cadeaux, diplômes… Nous sommes très touchés et très émus par toutes ces manifestations de reconnaissance et de gratitude et nous promettons bien de faire tout notre possible pour revenir.

Le dimanche matin, après un petit-déjeuner pantagruélique « chez Léa », nous reprenons la route de Libreville, quittant à regret Lambaréné après un trop court séjour. Robert est toujours au volant. Nous faisons une petite halte à l’Hôtel Assôk à Kango et nous arrivons à Libreville en début d’après-midi où Jean-Claude et Michèle, toujours fidèles, nous attendent et nous accompagnent jusqu’à l’heure de l’embarquement pour Paris et Marseille.