25^e MISSION MÉDICO-HUMANITAIRE « VOIR LA VIE » en GUINÉE

CMC LES FLAMBOYANTS – SIMBAYA : 11 au 14 OCTOBRE 2006
HOPITAL DE KINDIA : 15 AU 20 OCTOBRE 2005

Rapport médical du Docteur René Fritsch (Grenoble)

Rendez-vous mardi 10 octobre avec Paul et Francis Mir à l’aéroport de Bruxelles pour un départ prévu à 10.15 heures avec SN Brussels Airlines. La franchise de fret de 46 kg par personne est largement dépassée.

Après un vol sans histoire, arrivée à l’aéroport de Conakry à 17.00 heures avec presque une heure d’avance sur l’horaire prévu. Comme d’habitude Nadine Bari et Fodé Keita sont là pour nous accueillir.

Les formalités de douane (14 cartons de 8 à 10 Kg) sont faites assez rapidement et sans complications particulières.

Installation chez Nadine où nous rencontrons le nouveau responsable de Guinée Solidarité à Conakry, Jean-Marie Bidot (pas très vaillant à cause d’une crise probable de palu).

La mission au CMC Les Flamboyants 11 / 14 octobre 2006

Mercredi 11 octobre

Arrivée au CMC à 8.00 heures. Le personnel du CMC est là, Mme Bangoura, Kaba, Sylla, Thierri et le Docteur Cessé, mais pas de Docteur Ramata Baldé. Madame Diallo qui s’occupait des instruments et de la stérilisation n’est plus là et est remplacée par Thierno.

Déballage des cartons et inventaire, rangement du matériel, déballage et montage du microscope Zabby’s : l’appareil paraît convenable, mais trahit son caractère bon marché, la finition est limite. Il manque quelques vis, mais surtout la fibre optique n’est pas la bonne (les dimensions des raccords ne coïncident pas) et il faut bricoler un montage provisoire.

Arrivée de Ramata : elle a prévu 9 interventions. Le biomètre Biophysic Paxial Alcon que j’avais apporté avec moi l’an dernier dans l’avion ne fonctionne déjà plus et il faudra faire l’impasse sur les calculs d’implants ! Finalement on fera 7 cataractes dans la journée : la qualité optique du microscope est convenable, même si il manque un peu de profondeur de champ et de luminosité à fort grossissement. Le binoculaire assistant n’est pas très pratique.

L’équipement en consommables est assez complet et satisfaisant : il manque simplement, mais cruellement, d’anesthésiques de contact (Novésine, Cébésine, Oxybuprocaïne ou autre…)

C’est le Ramadan : repas de midi avec Francis d’un sandwich que Nadine nous a fait porter. En fin d’après-midi, le personnel se traîne et a hâte de rentrer chez soi ! Kaba est toujours aussi distrait et absent !

Dîner chez Nadine avec Jean-Marie (toujours aussi fiévreux) et Edouard, un Belge de Mamou.

Jeudi 12 octobre

C’est la journée mondiale de la vue : on travaille gratis ! Visite de journalistes (?) qui viennent interviewer Ramata sur le déroulement de cette journée. « Voir la Vie » n’est pas citée, n’a été ni contactée ni même prévenue.Par la suite Ramata va sortir une lettre datée du mois de septembre et adressée au responsable de « Voir la Vie » en Guinée et qu’elle a apparemment gardée par devers elle.

87 consultations et 12 opérations (11 cataractes, 1 ptérygion).

Pas de déjeuner à midi pour cause de Carême : il y a eu malentendu sur qui devait nous fournir le repas. Dîner chez Nadine avec Jean-Marie et Edouard.

Vendredi 13 octobre

11 interventions (9 cataractes, une trab, un chalazion). Toujours l’impasse sur le repas de midi.

Oumar est hospitalisé à l’Hôpital Jean-Paul II.

Samedi 14 octobre

Pansement des opérés de la veille, quelques consultations.

Bilan avec Paul, Ramata et le personnel de ces quelques jours de mission où nous avons réalisé 140 consultations et 32 opérations :

27 cataractes : 21 EEC avec ICP, 3 EEC avec ICA, 3 EEC sans implant

1 trabéculectomies

1 reprise cataracte avec ICA

1 ptérygion

1 chalazion

1 lavage de la CA pour hyphéma traumatique

Le CMC est autonome et devrait pouvoir fonctionner tout seul sous réserve de continuer à lui fournir les consommables, encore que les recettes générées par l’activité (consultations et interventions) devraient permettre aussi une certaine autonomie financière. Par contre un gros effort est à faire sur l’aspect et la propreté des locaux, sur l’entretien des équipements et sur le soin apporté au matériel. C’est vrai qu’un hôpital qui fonctionne sans eau et sans électricité… Un effort est à faire aussi sur la réfraction : les réfractions sont mal faites et pas fiables, le skiascope est inconnu et l’utilisation du Javal fantaisiste. Il y a donc impérieuse nécessité d’une formation dans ce domaine, éventuellement par un opticien (optométriste ?). Un réfractomètre automatique pourrait également apporter une certaine facilité en même temps qu’une certaine fiabilité. D’un point de vue économique et de santé publique il est aussi important, sinon bien plus, de redonner une bonne vision à des amétropes encore jeunes que d’opérer des cataractes chez des vieillards.

La mission à Kindia 14 / 20 octobre 2006

Samedi 12 heures : départ pour Kindia avec la Renault Express et Abdoulaye le chauffeur. A Manéah, on se fait percuter à l’arrière par un pick-up lourdement chargé qui ne peut s’arrêter à temps quand nous sommes bloqués par un taxi qui s’arrête devant nous. L’arrière de la carrosserie est enfoncé, mais la voiture roule. Evidemment l’adversaire n’est pas assuré ! Déjeuner à midi à la Bananeraie à Coyah.

Arrivée à Kindia à 15 heures. Déchargement des cartons à l’hôpital où l’on retrouve Sangaré. Installation et dîner à l’hôtel le Flamboyant. Abdoulaye est logé à l’hôpital. Gros orage pendant la nuit.

Dimanche 15 octobre

La matinée à l’hôpital pour déballer, ranger, installer, inventorier.

Téléphoné à Paul pour l’informer de l’accident de la voiture :Jean-Marie est hospitalisé à Conakry pour un accès de palu.

Déjeuner à midi à la « cantine » de l’hôpital (fonio- poisson séché).

A 13 heures départ pour les chutes de Kilissi : toute la belle installation de l’an dernier est par terre, plus de paillotes, plus de bancs, plus de tables, balayés pendant l’hivernage. La rivière est très boueuse et très grosse. Pas de baignade.

Changement d’endroit, direction le « Voile de la Mariée » qui est bien en eau aussi.

Retour à l’hôtel. Dîner de spaghettis à la chandelle : le groupe est en panne

Lundi 16 octobre

Arrivée à l’hôpital de Kindia à 8.00 heures. L’équipe guinéenne est composée de :

Sangaré Bassy, infirmier en ophtalmologie

Dalanda Diallo, infirmière

Elisa, infirmière

Sény Lama, aide-soignante

Fatoumata Barry, femme de ménage.

Sangaré est « Chef de Service » et gère le service d’ophtalmo. Il a fait 35 interventions depuis la dernière mission en mai. Sény fait fonction d’infirmière de bloc et de panseuse et elle est préposée aux anesthésies loco-régionnales. Dalanda s’occupe du nettoyage des instruments et de leur stérilisation. Elisa s’occupe de la consultation ainsi que Fatoumata qui, en plus du ménage, est préposée aux acuités. Contrairement à l’an dernier, j’ai trouvé la salle d’op dans un relatif état de propreté.

Comme le CMC les Flamboyants, l’hôpital de Kindia n’a ni eau courante, ni électricité. On fonctionne en permanence avec le groupe électrogène fourni par « Voir La Vie ». Quand il est en fonctionnement, le groupe alimente parfois à notre insu certains bureaux, ce qui n’est pas sans conséquence sur la stabilité du voltage quand il faut faire marcher ensemble le microscope, la climatisation et le Poupinel. Le gazole est fourni par l’hôpital et payé par moitié par « Voir la Vie ». Le lavage des mains s’effectue au moyen d’un bidon muni d’un robinet et fixé au-dessus du lavabo.

Sept cataractes (dont une par Sangaré) et un glaucome sont opérés au cours de cette journée.

Le soir à l’hôtel Flamboyant, toujours pas d’électricité. Téléphoné à Conakry : Oumar ne va pas mieux, Jean-Marie toujours hospitalisé. La voiture de Fodé Keita qui devait amener Paul à Kindia puis à Boké est en panne.

Mardi 17 octobre

Huit cataractes (dont une opérée par Sangaré) et une trab aujourd’hui.

Toujours pas d’électricité ce soir à l’Hôtel.

Mercredi18 octobre

Ce matin, on a déménagé à l’hôtel Le Bungalow. Depuis 2 ans l’hôtel Le Flamboyant s ‘est considérablement dégradé et le service y est déplorable, depuis dimanche il n’y a plus d’électricité.

Le soir au Bungalow, tout marche et le service est bien fait et rapide.

Téléphoné à Paul : Nadine est hospitalisée à son tour pour un accès de palu. La voiture de Fodé des HS. Oumar ne va pas bien.

Jeudi 19 octobre

La journée s’annonce calme : 4 opérations seulement prévues et peu de consultants : en plus du Ramadan, la radio locale est en panne et l’annonce de la mission n’a pas pu être faite ! Quelques opérations supplémentaires se rajouteront l’après-midi.

Arrivée de Paul et de Fodé avec la voiture et le chauffeur de Nadine. On mange ensemble à midi et ils continuent sur Boké pour évaluer la possibilité d’y installer un nouveau centre d’ophtalmologie.

On apprend aujourd’hui que demain est jour férié et qu’on ne travaillera pas. On décide donc de partir demain après avoir fait les pansements des opérés d’aujourd’hui. Lundi étant encore prévu comme jour férié, Francis voudrait bien avancer son départ dès samedi pour ne pas rester encre 5 jours ici à ne rien faire.

Téléphoné à Nadine qui m’annonce le décès de Oumar ! Elle, elle va mieux et est rentrée à la maison, et Jean-Marie aussi.

Vendredi 20 octobre

On fait les bagages au Bungalow, puis les pansements des opérés de la veille. Après être passé chez M. Doré, le comptable, on prend la route de Conakry. Arrêt à Friguiyagbé pour faire provision de fruits et légumes.

Du 14 au 20 octobre 2006, nous n’avons eu que 4 jours de travail effectif : mais au cours de cette période nous avons quand pu même réaliser près de 150 consultations et 34 interventions chirurgicales :

31 cataractes : 25 EEC avec ICP, 6 EEC avec ICA,

2 trabéculectomies

1 cataracte secondaire avec ICA.

Le nouveau biomètre (don du Docteur Saragoussi) marche à la perfection (manque une pile de 9 volts pour le clavier télécommande), bien que Sangaré dise qu’on a jamais réussi à le faire marcher. Nous avons pu ainsi poser des implants adaptés dont beaucoup de fortes puissances (24 à 27 D).

Les kits Aurolab sont toujours aussi appréciables en simplifiant la gestion des consommables. Cependant, il existe un surstock important de visqueux et de bleu trypan qu’il sera opportun de supprimer dans les kits de la prochaine commande.

Le microscope est d’une très bonne qualité optique avec une très bonne luminosité et une bonne profondeur de champ.

En ce qui concerne le matériel de consultation, le local est bien aménagé et fonctionnel. La lampe à fente Takagi (copie Haag Streit) est équipée maintenant d’un tonomètre à aplanation. Par contre le nouveau Javal est inutilisable (quasiment impossible de choper les mires).

Il reste à fixer au mur le bras du réfracteur et la lampe à skiascopie de façon à avoir un poste de réfraction fonctionnel et bien équipé. Il faudra prévoir chevilles, vis, mèches et perceuse pour installer tout cela lors de la prochaine mission. Mais il y a le même problème pour la réfraction et la fourniture de lunettes qu’au CMC à Conakry.

En ce qui concerne le personnel, Sangaré est très motivé et de très bonne volonté : il a une compétence certaine pour assurer une consultation courante et on a commencé à le former à l’opération de la cataracte. Il opère sans trop de difficultés des cataractes « faciles », mais il ne se laisse pas facilement corrigé quand il commet des erreurs.

Les autres personnels ont bien du mal à intégrer un rythme de travail compatible avec la tâche à accomplir pendant une mission et elles sont souvent introuvables quand on a besoin d’elles ! Un mention toute particulière pour « l’infirmière de bloc » (ou ce qui en tient lieu) qui est d’une nullité crasse et d’une mauvaise volonté (peut-être même involontaire !!) indécrottable et il faut à tout prix trouver quelqu’un d’autre - bien qu’elle se débrouille à peu près bien pour faire les anesthésies,

Un autre problème que j’avais déjà soulevé, c’est le classement des dossiers qui se fait habituellement par « mois » ! Un casier pour chaque mois de l’année, ce qui fait que quand un patient revient, le plus souvent on ne retrouve généralement pas son dossier. Maintenant il semble que cela aille un peu mieux car, dans certains cas, le dossier est remis au patient (mais qui bien souvent l’oublie ou le perd !).

Retour à Conakry 20 / 24 octobre

Vendredi 21 octobre 13 heures

Arrivée à Conakry. Paul rentre juste de Boké pour assister à l’enterrement de Oumar.

L’hôpital de Boké est en pleine rénovation et est très demandeur pour qu’on lui installe un centre d’ophtalmologie. Le directeur demande qu’on lui fournisse un plan pour le local à équiper. Je dois rencontrer l’ingénieur pour en discuter avant notre départ.

Dîner chez Nadine

Samedi 21 octobre

Ramata téléphone pour une urgence qu’elle voudrait bien nous montrer : un gamin de 3 ans qui présente une grosse plaie cornéo-sclérale inférieure avec hernie du corps ciliaire faite par un éclat de vaisselle. Essai (infructueux) de suture sous anesthésie topique. L’enfant se débat furieusement et est impossible à contenir. A faire sous AG à Donka ou au CMC si Ramata arrive à mobiliser un anesthésiste.

La fin du Ramadan est annoncée pour lundi qui est donc férié : on programme 4 ou 5 opérations pour le mardi matin, jour du départ pour Bruxelles qui est prévu le soir.

Francis voudrait quant à lui rentrer dès ce soir : on passe à SN Brussels, aucun problème, l’avion étant à moitié plein. On le dépose à l’aéroport à 15 heures.

Ce soir Paul est invité à dîner par Sékou.

Dimanche 22 octobre

Messe à la paroisse Sainte Thérèse. Déjeuner avec Nadine et Paul à la Casa Bella en bord de mer.

Le soir on apprend que la fin du Ramadan sera peut-être mardi et non pas demain, auquel cas on travaillerait demain et pas mardi.

Lundi 23 octobre

A 7.00 heures du matin Nadine apprend par téléphone que la fête est bien demain et que par conséquent, aujourd’hui on travaille. Je vais donc au CMC où il n’y a bien sûr quasiment personne. Après quelques consultations, je fais l’inventaire. Les interventions prévues demain sont annulées.

Le soir invités par Nadine à dîner, avec Paul et Abou, à « La Cigale », à Lambanyi.

Mardi 24 octobre

Rien à faire de la journée.

Avec Paul, visite au Lycée Sainte-Marie et au père Alphonse.

Emballage du biomètre Alcon du CMC qu’on ramène avec nous pour tenter de le faire réparer (voir T.S.I Médical (SARL) 9 rue Romagnat 63170 AUBIERE 04 73 28 22 77).

A 17 heures, départ pour l’aéroport où l’on apprend que l’embarquement ne se fera pas avant 23 heures ! On décolle à minuit trente. Par contre le vol sera direct, sans escale à Dakar, ce qui ne m’empêchera de rater à Bruxelles ma correspondance pour Lyon.

Mercredi 25 octobre

Arrivée Bruxelles 8.30 heures. Départ sur Air France pour Lyon midi vingt. Arrivée à Grenoble à 16.00 heures.

Remarques et conclusions

1/ Le choix des dates de mission :

Il faut impérativement éviter les périodes de fêtes religieuses musulmanes : Carême (Ramadan) et dans un moindre mesure Tabaski (Aït el Kébir)

2/ Au CMC Les Flamboyants

L’équipement technique est à peu près complet avec le nouveau microscope (dont la fibre optique est à changer) et la fourniture par Sight Savers d’un champ visuel automatisé (qui est là depuis 6 mois et n’avait pas encore été déballé) et d’un appareil à anesthésie qui est prévu pour faire des opérations sous anesthésie générale chez des enfants (glaucomes et cataractes congénitaux). Le Friedmann que j’ai apporté, il y a un an est toujours dans son carton au dessus d’une armoire.

Le biomètre et le Javal sont encore à remplacer. Il manque toujours des tabourets à roulettes réglables en hauteur pour les postes d’examen et la salle d’opération (il en faudrait au moins 4).

L’équipe guinéenne est autonome sur le plan chirurgical ; il serait même souhaitable qu’il n’y ait plus de missionnaire « blanc » qui vienne opérer car cela entraîne un détournement de la clientèle au détriment des locaux, les gens attendant la « venue du fodé» pour se faire opérer.

Par contre il y a encore beaucoup à faire sur le plan de la réfraction, tant sur l’équipement que sur celui de la formation : au moins un skiascope et un réfracteur (voire un autoréfractomètre) et une formation par un réfractionniste (orthoptiste, opticien ou optométriste). Il y a également un problème pour la fourniture des lunettes, une fois la réfraction faite.

Un gros effort est à faire sur la propreté, le nettoyage et l’entretien, tant des locaux (qui mériteraient un coup de peinture) que du matériel technique ou non (dont il n’est pas pris soin comme il faudrait). Il manque de housses de protection pour les appareils sensibles qui sont mal protégés de la poussière ; les housses devraient être en tissus (et lavées souvent) et non pas en plastique qui garde l’humidité et favorise la corrosion.

Le CMC n’a toujours pas ni eau courante ni électricité : on se demande comment on peut avoir une hygiène acceptable pour un unité chirurgicale dans ces conditions.

3/ A l’hôpital de Kindia

Là aussi l’équipement technique est satisfaisant avec l’arrivée d’un nouveau Javal. Le microscope, le biomètre et la LAF sont parfaits. Il manque un ou deux tabourets à roulettes réglables en hauteur.

Sur le plan du personnel, il y a plus à dire. J’ai déjà donné mon sentiment sur la fille qui sert au bloc. De toute façon, la même ne peut pas faire (du moins pendant les missions) et les anesthésies et le service au bloc. La compétence chirurgicale de Sangaré est discutable et j’ai beaucoup de crainte pour les opérations qui sont faites entre les missions. Il se pose donc la question de l’opportunité de continuer à le former à la chirurgie étant donné qu’il devrait y avoir un ophtalmo nommé (un jour !) à Kindia. J’ai posé la question au directeur du DESSO et à des confrères guinéens à Conakry : ils sont tous opposés à une telle formation.

Comme au CMC, se pose le problème de la réfraction qui est complètement négligée. Mais là il y a un skiascope à fente (avec générateur à fibre optique) et un réfracteur (à installer et à fixer au mur). Là encore il serait bien plus profitable d’équiper des gens actifs avec des lunettes adaptées que d’opérer (mal) des vieillards de cataracte même cécitante.

Docteur René Fritsch

Rapport médical du Docteur Francis Mir (Lançon)

La 25ème mission à laquelle j’ai participé s’est déroulée dans un climat particulier, différent de celui que j’avais connu, il y a sept ans, du fait de conditions que je vais tâcher d’expliciter en donnant un bref résumé de la chronologie de la mission puis en relevant les points positifs et les points négatifs. Je conclurai par quelques propositions pour les missions futures.

CHRONOLOGIE DE LA MISSION

Départ de Marseille le mardi 10/10/2006 à 6h30 par SN Brussels, via Bruxelles, arrivée à Conakry à 17h30 locales. Installation de l’équipe le soir au domicile de Nadine Bari.

Mercredi 11/10 : déballage du matériel au CMC, réunion préparatoire avec le personnel, chirurgie au bloc et consultations.

Jeudi 12/10 : Bloc et consultations

Vendredi 13/10 : Bloc et consultations

Samedi 14/10 : consultations le matin et transfert vers Kindia l’après midi en voiture. A noter que nous avons été victimes d’un accident de voiture pendant le trajet, heureusement sans blessé. Dépose du matériel à l’hôpital de Kindia. Installation à l’hôtel « Le Flamboyant ».

Dimanche 15/10 : déballage du matériel le matin. Tourisme l’après midi avec visite des chutes de Kilissi et du Voile de la mariée.

Lundi 16/10 : Bloc et consultations

Mardi 17/10 : Bloc et consultations

Mercredi 18/10 : Bloc et consultations

Jeudi 19/10 : Bloc et consultations

Vendredi 20/10 : Trajet de retour sur Conakry

Samedi 21/10 : Bloc le matin au CMC. Retour en France pour moi, par le vol SN Brussels de 17h30. Continuation de la mission sur place pour Paul Gil et René Fritsch.

LES POINTS POSITIFS

L’accueil à l’aéroport de Conakry a été chaleureux et la sortie de douanes des matériels emportés dans nos bagages s’est déroulée sans problème grâce à la diligence des correspondants de l’association et de celles des nombreux amis de Paul Gil.

Le logement au domicile de Mme Nadine Bari nous a offert un confort très appréciable après une journée de travail malgré la pénurie d’électricité et l’état de santé de notre hôtesse.

L’activité médico-chirurgicale s’est déroulée dans des conditions matérielles acceptables permettant de réaliser environ 9 interventions chirurgicales et une cinquantaine de consultations par jour « ouvrable ». Il est toujours agréable de rendre la vue à des personnes, par ailleurs si démunies et d’atteindre l’objectif de l’association Voir la VUE.

Nous avons pu évaluer les capacités chirurgicales du Dr Ramata Baldé au CMC et de M. Sangaré à Kindia et continuer de parfaire leur formation ; nous avons également pu constater que les 2 équipes en place sont efficaces et qu’elles peuvent fonctionner en notre absence pour peu qu’on leur laisse du matériel en partant. L’équipe de Kindia m’a semblé d’ailleurs un peu plus autonome puisqu’ils sont capables de s’adapter et de faire acheter par la pharmacie de l’hôpital un produit équivalent quand un matériel manque (par exemple du Ringer à la place du BSS).

LES POINTS NEGATIFS

Le choix de la date de la mission : en période de Ramadan a compromis la dynamique de la mission :

- 4 jours fériés de fêtes de fin de Ramadan ont amputé le programme d’autant ce qui a d’ailleurs provoqué mon retour prématurément.

- L’état d’esprit et la forme physique des guinéens sont particuliers à cette période et peu propices aux efforts que nous aimerions leur demander.

- Les repas de midi ne nous ont pas été fournis au CMC, les restaurants étant par ailleurs fermés, nous avons également pratiqué le jeûne.

De plus le départ un mardi pour un retour mardi également oblige l’équipe à rester 2 week-ends sur place sans opérer, ce qui fait encore 4 jours en moins pour le programme soit un total de 6 jours et demi de bloc sur 14 jours de mission.

L’état d’esprit de l’équipe en place au CMC : Le moral de cette équipe ne m’a pas semblé au beau fixe. Les deux réunions auxquelles j’ai participé ont été un peu houleuses. Les reproches ont fusé de part et d’autre. Nous leur reprochions

le manque d’entretien du matériel de consultation laissé sur place (pas de nettoyage, pas de housses, local triste et sale, une armoire déglinguée et bourrée d’objets inutilisables, une bibliothèque où s’entassent des livres poussiéreux visiblement jamais consultés),

l’absence de rapport sur l’activité réalisée sur place entre deux missions (chirurgie, consultations, lunettes ?),

un manque de réactivité et de capacité d’adaptation aux moyens que nous ne pouvons pas toujours fournir,

l’absence de visibilité sur l’évolution future de l’équipe en place (stages prévus pour le DESSO ou pour l’IOTA).

Du côté CMC, les reproches n’ont pas manqué non plus comme

le manque de matériel de consultation : pas de skiascope ou de réfractomètre, le biomètre est en panne,

pas assez de livres pour la formation médicale ou d’hygiène,

pas assez de consommables laissés sur place entre deux missions (les implants et le BSS notamment),

pas de linge en tissu réutilisable comme casaques, champs, pyjama de bloc et pas non plus de système de stérilisation à la vapeur (comme une simple cocotte-minute et un réchaud).

Pas d’eau courante, ce qui nécessiterait la réalisation d’un forage sur place.

PROPOSITIONS

Je souhaite formuler quelques suggestions pour les missions futures.

La durée de la mission :

Deux semaines complètes me semblent un peu long surtout avec un départ un mardi qui occasionne la présence de deux week-end sur place. Dix jours bien employés seraient préférables.

Les conditions de vie :

Elles sont rendues pénibles par l’absence d’eau courante et par les coupures d’électricité. Le paludisme et la typhoïde sont endémiques à Conakry.

Penser à se munir d’une torche électrique, se méfier des crudités, se vacciner contre la typhoïde …

La documentation :

Il faudrait s’intéresser à leur « bibliothèque » et y joindre quelques brochures simples notamment sur l’hygiène et l’asepsie.

Le matériel :

Un skiascope à pile serait le bienvenu.

Les packs Aurolab sont bien conçus mais je note la présence de deux antibiotiques (ofloxacine et chloramphénicol) et de deux mydriatiques (tropicamide et cyclopentolate) alors qu’un de chaque suffirait, en revanche il manque quelques unidoses d’oxybuprocaïne.

Les implants sont livrés en stock avec une médiane de + 20 dioptries or les calculs biométriques montrent un plus grand nombre d’hypermétropes (22 mm de LT et 46 mm de Km en moyenne). Il faudrait que la médiane soit de + 23 dioptries pour les ICP et + 20 pour les ICA.

Le BSS est lourd à transporter alors qu’on peut trouver sur place du Ringer lactate surtout si l’on doit laisser de quoi opérer entre deux missions.

A la lumière de ce séjour je retiendrai surtout la gentillesse des guinéens et la joie de ceux à qui on a pu restituer un peu de vision qui suffisent à justifier la pérennité des missions de « Voir le Vie ».

Dr Francis MIR