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Date de mise à jour : 10/10/2006

 Auteur : Dr Xavier Zanlonghi, Laboratoire d'Exploration Fonctionnelle de la Vision, 44000 NANTES

Le contenu de cette page n'engage que l'auteur. Cette page doit susciter un débat sur les possibilités pour les malvoyants de conduire un véhicule depuis le vélo jusqu'à l'automobile.

 

CONDUITE DE VEHICULES et HANDICAP VISUEL : ASPECTS FONCTIONNELS

 

 

INTRODUCTION

LA VISION NORMALE

 DEGRADATION DES PERFORMANCES VISUELLES AVEC L'AGE

LES MULTIPLES DEFINITIONS DU HANDICAP VISUEL

LES PRINCIPALES PATHOLOGIES OPHTALMOLOGIQUES SUSCEPTIBLES DE DONNER UNE INAPTITUDE A LA CONDUITE

UN MALVOYANT PEUT-IL CONDUIRE ?

POUR EN SAVOIR PLUS

BIBLIOGRAPHIE

 

 

INTRODUCTION

La vision est un sens essentiel et indispensable à une bonne conduite. 90 % des indications nécessaires au conducteur lui sont fournies par l'œil (ESTEBAN DE ANTONIO 1993). Les statistiques reliant la vision du sujet âgé aux accidents de la route sont peu nombreuses (LORIOT 1990). On estime que 20 % des responsables d'accidents de la circulation ont une déficience visuelle (LANDRIEU P-H. 1990).

Nous aborderons successivement la vision normale en insistant sur l'acuité visuelle qui permet la présentation de textes et de pictogramme lisibles par les conducteurs, puis la réduction des performances visuelles avec l'âge. Puis viennent les multiples définitions du handicap visuel, les nombreuses pathologies pourvoyeuses d'une malvoyance. Nous terminerons sur le thème de l'interdiction de conduite à un malvoyant : est-elle justifiée ?

Des simulations de déficit visuel sont présentés.

Un film vidéo de 11 minutes avec de nombreuses simulations de déficits visuels en situation de conduite est disponible auprès de : CERBV Centre d'Evaluation Reéducation en Basse Vision, 3 place A. France 44000 NANTES

Le film complet en quicktime Attention le fichier.mov pèse 40M. Une connection rapide ADSL ou cable est indipensable : téléchargez le lecteur QUICKTIME pour mac pc linux sur le site http://www.apple.fr

FILM "CONDUITE ET HANDICAP VISUEL" réalisé par M. ZANLONGHI, BENSAID"

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LA VISION "NORMALE"

 

  • GENERALITES

L'acuité visuelle, un des critères de " bonne vision ", se réfère au pouvoir de discrimination le plus fin au contraste maximal entre un test et son fond. Pourtant depuis HELMOTZ, la définition de l'acuité visuelle a quelque peu évolué. On peut également assimiler l'acuité visuelle à la capacité de discriminer les détails fins d'un objet dans le champ visuel. Pour d'autres, elle correspond au pouvoir d'apprécier des formes, c'est à dire d'interpréter les détails spatiaux qui sont mesurés par l'angle sous lequel ils sont vus. Ces définitions font intervenir la vision centrale mais aussi le champ visuel.

 

  • ACUITE VISUELLE

En pratique l'acuité visuelle centrale, statique, en clinique, pour l'examen de la réfraction par exemple ou pour déterminer une capacité au plan médico-légal, est définie par la limite de séparation entre deux points. C'est le plus petit écart permettant de voir deux points noirs séparés sur fond blanc. L'angle sous lequel est vu cet espace correspond à l'acuité angulaire et s'exprime par

angle a = tangente a = la distance entre les deux points divisée par la distance d'observation

FIG.1 Acuité angulaire

 

Cette taille angulaire est exprimée en minutes d'arc ; c'est le classique pouvoir séparateur. L'acuité angulaire (V) est exprimée par l'inverse de cet angle a

V = 1/ a

La valeur de 1 minute d'arc a été choisie uniformément comme référence de normalité [ARDEN].

 

Cette formule permet de connaître la taille des indications destinées aux conducteurs pour une distance précise.

 

Ainsi à partir du tableau I donnant les dimensions en minutes d'arc et en millimètres pour un anneau de Landolt présenté à 4 mètres, on peut en déduire la relation entre une acuité visuelle et une taille de panneaux d'information ou de pictogramme pour plusieurs distances (tableau II).

Par exemple, pour une acuité de 10/10, nous avons une taille d'ouverture du C de l'anneau de Landolt de 1,16 mm pour une distance de 4000 mm soit 2,9 10- 4 radians ou encore 0,0166 degré, soit 1 minute d'arc. De façon plus générale pour 10/10 d'acuité visuelle, la relation d/x = 2,9 10- 4 radians ou d est la distance entre l'œil et l'objet, ou x est la taille de l'objet permet de prévoir que pour une distance d de 100 mètres l'objet doit avoir une taille de 29 mm pour être vu.

La formule simplifiée suivante régit la taille du détail caractéristique (l'ouverture de l'anneau de Landolt) selon la distance de présentation :

h = 2,9 x D/V où h est la hauteur en millimètres du détail caractéristique de l'objet à regarder, D = la distance, en mètres, de présentation, V = l'acuité visuelle en fraction décimale. Le facteur 2,9 est la tangente d'un angle d'une minute.

Tableau I : dimensions et cotes d'une série d'optotypes en anneaux de Landolt à présenter à 4 mètres.

 

Acuité visuelle en fraction décimale (V)

Acuité visuelle en notation Monoyer

Taille de l'ouverture de l'anneau de Landolt en minutes d'arc pour une distance de 4 mètres

Taille de l'ouverture de l'anneau de Landolt en millimètres pour une distance de 4 mètres (h)

Taille du diamètre externe de l'anneau de Landolt en millimètres pour une distance de 4 mètres

2

20/10

0,5

0,58

2,92

1

10/10

1

1,16

5,82

0,5

5/10

2

2,34

11,61

0,1

1/10

10

11,64

58,18

Tableau II : relation entre une acuité visuelle et une taille de panneaux d'information ou un pictogramme pour plusieurs distances

 

 

Acuité en notation Monoyer

x/d en radians

Taille de l'objet vu pour une distance œil - objet de 4 mètres

Taille de l'objet vu pour une distance œil - objet de 40 mètres

Taille de l'objet vu pour une distance œil - objet de 50 mètres

Taille de l'objet vu pour une distance œil - objet de 100 mètres

10/10

x/d = 2,9 10- 4

1,16 mm

11,6 mm

14,5 mm

29 mm

5/10

2,32 mm

23,2 mm

29 mm

58 mm

1/10

x/d = 2,9 10- 3

11,6 mm

116,4 mm

145 mm

290 mm

 

  • CHAMP VISUEL BINOCULAIRE

Le champ visuel binoculaire correspond à l'espace perçu par les deux yeux immobiles fixant droit devant. Il s'étend sur 120 degrés, encadré de part et d'autre d'un croissant de perception monoculaire de 30°.

Les recommandations du nouveau guide barème de novembre 1993 à l'usage des CDES et des COTOREP sont les suivantes : "L'estimation fonctionnelle des séquelles doit privilégier le repérage des altérations détectables dans le champ visuel binoculaire et non plus selon la méthode classique d'étude du champ visuel de chaque oeil. Le champ visuel binoculaire est apprécié à la coupole de Goldmann avec le test III/4 sans dissociation des deux yeux."

Le calcul du taux médical d'incapacité est effectué à l'aide de la carte de pondération d'Esterman (Figure 2).

Si l'examen n'est pas réalisable, le champ monoculaire sera utilisé, et les taux d'incapacité correspondant aux différentes altérations sont détaillés dans le texte officiel.

En pratique, et en l'absence de recommandations spécifiques (ZANLONGHI 1994), il semble raisonnable de respecter les paramètres de présentation usuels pour l'examen du champ visuel : vitesse de déplacement du spot de 2 à 3 degrés par seconde, éclairement du fond égal à 10 candelas / m2, absence de filtres colorés. Le relevé du champ visuel sera effectué à priori sans correction optique puisqu'on étudie essentiellement le champ périphérique, bien en deçà du seuil de sensibilité.

C'est Esterman qui a proposé en 1967 puis 1968 une carte de pondération du champ visuel, afin de permettre l'évaluation quantitative d'une atteinte périmétrique sur la vie quotidienne d'un patient. Modifiée par Foels et Jonquères, elle divise le champ visuel en 85 rectangles de surface inégale. Chaque rectangle non vu donne 1 % de taux médical d'incapacité.

Certaines zones "stratégiques " pour la vie courante sont privilégiées : champ central, champ inférieur pour la marche, champ périphérique autour du méridien horizontal.

Certains périmètres automatisés possèdent des procédures qui calculent automatiquement le score d'Esterman appelé en France le taux médical d'incapacité en champ visuel (Moniteur Ophtalmologique ®).

L'intérêt du champ visuel binoculaire à la coupole de Goldmann est plus fonctionnel que diagnostique. Au delà de l'attribution d'un taux d'incapacité, il participe à l'évaluation des possibilités visuelles résiduelles des malvoyants (VERRIEST 1985). Ce champ visuel binoculaire statique effectué en laboratoire est cependant très représentatif du champ visuel utile (CVU), qui est défini par Sanders en 1970 (cité par OWSLEY 1991) comme l'étendue du champ visuel requis pour une tâche visuelle spécifique. Il est habituellement plus petit en étendue que le champ visuel mesuré au Goldmann. Alors que l'arrêté du 7 mai 1997 (J.O. du 29 mai 1997) ne demande que l'étude du champ visuel binoculaire sur le seul méridien horizontal, nous recommandons très vivement l'étude du champ visuel binoculaire complet selon la technique d'Esterman surtout dans les expertises (accident du travail lié à la conduite, retrait des permis professionnels, cécité nocturne, accident corporel mettant en cause un véhicule,…) (JONQUERES).

L'exemple 1 montre un piéton traversant une route devant une voiture. Cette image est fausse car elle ne tient pas compte de la dégradation de la vision sur le coté et tout particulièrement la vision des détails qui est bonne pour la vision centrale mais très mauvaise en vision périphérique. La même image avec la vision réelle d'une personne bien voyante (nous avons représenté un champ visuel horizontal sur 140 ° alors que notre vision pérphérique s'étend en fait sur 180°).

 L'exemple 2 montre une situation complexe avec un piéton traversant sur un passage, une voiture et un bus arrivant en face et l'obligation pour le conducteur de tourner à droite ou à gauche. Cette image est fausse car elle ne tient pas compte de la dégradation de la vision sur le coté et tout particulièrement la vision des détails qui est bonne pour la vision centrale mais très mauvaise en vision périphérique. La même image avec la vision réelle d'une personne bien voyante ou l'on remarque que le conducteur a fixé droit devant juste au dessus du numéro du bus (nous avons représenté un champ visuel horizontal sur 140 ° alors que notre vision pérphérique s'étend en fait sur 180°).

AU TOTAL

Ainsi, si l'acuité visuelle de bonne qualité permet une conduite rapide, un bon champ visuel permet une conduite sûre (HANOUNE 1990).

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DEGRADATION DES PERFORMANCES VISUELLES AVEC L'AGE

 

  • L'ACUITE VISUELLE

Dans les mêmes conditions expérimentales, l'acuité visuelle morphoscopique de loin en condition photopique (vision diurne) est de 1 (10/10) à 50 ans, de 0,7 (7/10) à 70 ans, et de 0,5 (5/10) à 85 ans (VERRIEST 1971). Dans une revue de la littérature plus récente, WEALE (1992) donne des valeurs plus optimistes (figure 3)

L'acuité visuelle mésopique (0,8 cd/m2 c'est à dire avec une faible lumière ambiante) baisse progressivement dés l'âge de 30 ans (VOLA 1983). Elle est de 0,764 (7,64/10) à 25 ans et passe à 0,635 (6,35/10) à 45 ans. Elle est de 0,5 (5/10) à 60 ans (JAYLE 1958).

Par contre l'acuité visuelle périphérique est très peu sensible à l'âge (RANDALL 1966).

 

  • CHAMP VISUEL (SENSIBILITÉ DIFFÉRENTIELLE)

On retrouve en champ visuel périphérique cinétique (cible mobile) un rétrécissement sénile. En fait toutes les zones (aire maculaire, aire périmaculaire, périphérie) ont une diminution de leur sensibilité différentielle avec l'âge. Il existe donc un glissement centripète de la position des isoptères (WILIAMS 1983) (Figure 4).

En périmétrie statique, la sensibilité moyenne diminue avec l'âge. Tous les auteurs s'accordent sur une perte de 0,58 à 1 dB tous les 10 ans (CHARLIER 1987). Cette perte est moins rapide dans les 10° centraux (JOHNSON 1989).

La variabilité intra-individuelle augmente avec l'âge ainsi que la variation inter-individuelle qui est plus marquée en moyenne périphérie (25 à 30°) (KATZ 1987). L'ensemble de ses variations a conduit à construire des banques de données pour obtenir un seuil normal corrigé pour l'âge (RISSE 1999). Ce qui permet à tous les appareils modernes de champ visuel automatisé de proposer des cartes de déviation en symbole de probabilités tenant compte de l'âge.

 

  • SENSIBILITE AU CONTRASTE

La vision d'un objet ou d'une image ne se limite pas à la perception du minimum séparable. La notion d'acuité visuelle n'explore qu'un paramètre de la perception visuelle.

Pour étudier de façon plus exhaustive la perception visuelle, les seuils de perception pour des objets de toute une gamme de tailles avec des contrastes de plus en plus faibles sont mesurés. C'est la Fonction de Sensibilité au Contraste Spatiale (FSC spatiale).

Pour cela, des images de tests constituées de réseaux à profil de luminance sinusoïdale ont été définies. Ces réseaux sont des barres alternativement claires et sombres définies par leurs fréquences spatiales (en cycles par degré ou nombre de paires (blanche-noire) de raies par degré d'angle visuel) et par leur contraste (figure 5). Le contraste est souvent exprimé en pourcentage. 98 % étant un contraste très élevé, 3 % étant un contraste très faible.

Dans une étude portant sur 133 yeux (ZANLONGHI 1992), nous avons retrouvé une relation entre l'âge et une perte de sensibilité à partir de la tranche d'âge 21-30 ans. Cette perte affecte surtout les hautes fréquences spatiales (figure 5). Plusieurs auteurs ont noté un discret glissement du pic de sensibilité vers les basses fréquences spatiales passant de 4 cpd (cycles par degré) à 20 ans à 2 cpd à 70-80 ans (HIRVELA 1995).

 

  • EBLOUISSEMENT

L'éblouissement peut se définir comme un stimulus lumineux temporaire ou continu responsable d'un déficit plus ou moins intense et prolongé des performances visuelles photopiques.

On étudie soit la sensibilité à l'éblouissement qui consiste en l'étude de tests d'acuité visuelle, de sensibilité au contraste sous l'influence d'une lumière plus ou moins intense, soit la résistance à l'éblouissement qui consiste en l'étude de la vitesse de récupération de fonctions visuelles (le plus souvent ; acuité visuelle et sensibilité au contraste) (revue de la littérature in MAURIN 1999).

L'éblouissement est beaucoup plus perturbateur chez le sujet âgé, tout particulièrement dans des taches complexes comme la conduite automobile (VERRIEST 1971). La notion de l'insuffisance de la seule mesure de l'acuité visuelle pour estimer les fonctions visuelles du sujet âgé a été remise au goût du jour par une étude très récente portant sur 900 sujets âgés de 58 à 102 ans (HAEGERSTROM-PORTNOY 1999). Il insiste tout particulièrement sur la nécessité de pratiquer les mesures d'acuité visuelle et de sensibilité aux contrastes sous éblouissement.

 

  • TEMPS DE REACTION

Les temps de réaction s'altèrent avec l'âge. Le "temps réflexe visuel" impliquant une réponse sur pédale se détèriore de 10 % entre l'âge de 20 ans et celui de 60 ans (CATILINA 1990). L'allongement des temps de réponse avec l'âge associé à la complexification des messages visuels (panneaux surchargés et trop nombreux) augmente le nombre d'erreurs de conduite des conducteurs âgés (BALL 1993). Des professionnels de la route prêchent pour la prescription systématique d'un examen psycho-technique et visuel pour tous les conducteurs âgés de plus de 50 ans (PAUZIE 1992).

 

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LES MULTIPES DEFINITIONS DU HANDICAP VISUEL

 

La cécité n'est pas définie de façon universelle. Les notions de cécité et de malvoyance varient en effet d'un pays à l'autre.

Dans la classification internationale des maladies, l'OMS classe malvoyance et cécité en cinq catégories qui tiennent compte à la fois de la baisse de l'acuité visuelle et de la réduction du champ visuel (tableau III). Les deux premières catégories correspondent à la malvoyance. En pratique, la malvoyance correspond à une perte d'acuité visuelle allant de la capacité à compter les doigts à trois mètres à une acuité à 3/10. Les trois dernières catégories correspondent à la cécité. En pratique, la cécité correspond soit à une perte d'acuité visuelle allant de l'absence totale de vision à la capacité de compter les doigts à moins de 3 mètres, soit à l'existence d'un champ visuel inférieur à 5 degrés.

Tableau III : les 5 catégories de déficiences visuelles selon l'OMS

Catégorie OMS

Conditions sur l'acuité visuelle

Type d'atteinte visuelle

Catégorie I

Acuité visuelle corrigée binoculaire inférieure à 3/10 et supérieure ou égale à 1/10 avec un champ visuel d'au moins 20 degrés.

Malvoyance légère

Catégorie II

Acuité visuelle corrigée binoculaire inférieure à 1/10 et supérieure ou égale à 1/20

Malvoyance profonde

Catégorie III

Acuité visuelle corrigée inférieure à 1/20 et supérieure ou égale à 1/50, ou champ visuel inférieur à 10 degrés mais supérieur à 5 degrés.

Cécité partielle

Catégorie IV

Acuité visuelle inférieure à 1/50 mais perception lumineuse préservée ou champ visuel inférieur à 5 degrés.

Cécité presque totale

Catégorie V

Cécité absolue, absence de perception lumineuse.

Cécité totale

En France, le calcul du taux d'incapacité est fonction de l'acuité visuelle de loin et de près ainsi que du champ visuel binoculaire. La cécité complète correspond à l'abolition de la perception de la lumière [Décret n° 93-1246]. Elle correspond à la cécité totale de l'OMS (catégorie V). La quasi-cécité et la cécité professionnelle sont définies par une vision strictement inférieure à 1/20 pour le meilleur oeil, ou un champ visuel réduit à 20 degrés (ZANLONGHI 1994). En pratique, elles correspondent à la cécité partielle de l'OMS (catégorie III). La carte d'invalidité est surchargée de la mention " cécité " pour les personnes dont la vision centrale est nulle ou inférieure à 1/20 de la normale. La carte d'invalidité est surchargée de la mention " canne blanche ", pour les personnes dont la vision est au plus égale à un dixième de la normale. L'amblyope est une personne dont l'acuité visuelle du meilleur oeil est strictement inférieure à 4/10 et supérieure à 1/20. L'amblyopie englobe les catégories I et II de la classification de l'OMS, mais elle dépasse la catégorie I qui correspond à une acuité inférieure à 3/10.

Dans la plupart des pays anglo-saxons, on parle de cécité légale lorsque l'acuité visuelle du meilleur œil est inférieure ou égale à 1/10 et de malvoyance lorsque l'acuité visuelle est inférieure à 5/10. Cette définition de la cécité inclut donc la malvoyance profonde de l'OMS.

Selon les statistiques de l'OMS, la prévalence de la cécité est égale à 3/1000 dans les pays industrialisés. Celle de la malvoyance peut être estimée à 9/1000. De plus, 58 % des aveugles sont âgés de plus de 65 ans et l'on peut raisonnablement appliquer ce même pourcentage pour les malvoyants. Dans ces conditions, en France, pour 60 millions d'habitants, il y aurait environ 180 000 personnes atteintes de cécité, dont 104 000 âgées de plus de 65 ans. La malvoyance (acuité < à 3/10) affecterait 540 000 personnes, dont 313 000 âgées de plus 65 ans.

Le critère pour l'aptitude de la conduite (permis A et B) est de 5/10 en binoculaire. Il n'y a pas d'étude française capable de donner le nombre de personnes inaptes à la conduite. Nous citerons deux études en incitant le lecteur à la prudence pour en déduire le nombre d'inapte à la conduite. La blue moutains eyes studies sur 3647 personnes de plus de 49 ans retrouve 3,4 % de personnes ayant une acuité visuelle entre 3/ 10 et 5/10 inclus (ATTEBO). Cette étude précise que ce pourcentage est de 0,8 % entre 49 ans et 54 ans pour passer à 42 % après 85 ans. L'étude " beaver dam eye" sur une population de 4926 personnes âgées de 43 à 86 ans retrouve un taux de 0,8 % entre 43 et 54 ans passant à 21, 1 % après 75 ans avec comme critère une acuité inférieure ou égale à 5/10 (KLEIN 1991).

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LES PRINCIPALES PATHOLOGIES OPHTALMOLOGIQUES SUSCEPTIBLES DE DONNER UNE INAPTITUDE A LA CONDUITE

 

  • DONNES EPIDEMIOLOGIQUES

Nous n'aborderons pas les malvoyances et cécités survenant chez l'enfant et l'adolescent, leurs prévalences étant très faibles par rapport à celles des adultes et personnes âgées

La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), la cataracte sénile, le glaucome et les pathologies rétiniennes (diabète) sont les causes les plus fréquentes de cécité. Nous insisterons sur les 3 premières. Néanmoins, l'importance relative de ces pathologies varie selon les études (tableau IV).

Dans l'ensemble des registres, la DMLA est la principale cause de cécité, tous âges confondus. Sa fréquence varie de moins de 20 % à plus de 70 % selon que l'on considère l'ensemble des personnes ou seulement les sujets âgés. Après la DMLA, les autres causes les plus fréquentes sont la rétinopathie diabétique (entre 7 et 17 %) et le glaucome (entre 5 et 16 %).

La prédominance de la DMLA est confirmée par les diverses enquêtes de prévalence. Ici encore, l'âge est un facteur prépondérant. Dans l'enquête de Marseille, elle ne représente que 3,5 % des cas, derrière la cataracte (13 %), la myopie, les traumatismes et le glaucome (QUEGUINER). Mais elle représente plus de 50 % des cas dans plusieurs enquêtes à partir de 50 ans. Le poids de la DMLA augmente nettement à partir de 75 ans. Parmi les autres causes, la cataracte (entre 10 et 20 %), puis le glaucome ainsi que la rétinopathie diabétique sont les causes les plus fréquemment décrites.

 

Tableau IV : les principales pathologies ophtalmologiques responsables de malvoyance (modifiée d'après TALLEC)

 

 

 

Pays

 

Année

 

Source

 

OMS

 

Age

 

Pathologies

 Allemagne (Hesse)

 1996

 Graf 1999

 III

Moy 78 ans

 DMLA 49,5 % &emdash; Rétinopathie diabétique 17,0 % &emdash; Glaucome 7,8 % &emdash; Myopie 6,5 % - Atrophie optique 4,3 % - Dégénérescences tapéto-rétiniennes 1,7 % Exemple 3

 Irlande

 

 Munier 1998

 I

 Min >16

 DMLA 16 % &emdash; Glaucome 16 % &emdash; Cataracte 11 % &emdash; Rétinopathie diabétique 3 %

 Danemark

 1993

 Rosenberg 1996

 I

 92% > 60 ans

 DMLA 71,4 % &emdash; Rétinopathie diabétique 8,4 % -Glaucome 5 %

 Rotterdam

 1990-1993

 Klaver 1998

 III

 >57 ans

DMLA 58 % - Causes rares 9 % - Glaucome 8 % - Cataracte 6 % - Myopie 6 % - Neuropathie optique 6 % - Rétinopathie pigmentaire 3 %

 Rotterdam

 1990-1993

 Klaver 1998

 I

 > 57

 Cataracte 47 % - DMLA 25 % - Myopie 6 % - causes rares 6 % - Glaucome 2 % - Cornée 2 % Rétinopathie diabétique 1 %

 Beaver Dam

 1988-90

 Klein

1991

 II

 > 43 ans

 DMLA 57 % - Rétinopathie diabétique 9 %

 France

IPSEN

 1995

 Mergier

 II

 

 DMLA 31,9 % - Cataracte 26,5 % - Glaucome 23,9 %

 Marseille

 1986

 Queguiner

 III

 -

Cataracte 13,5 % - Myopie 11,7 % - Traumatismes oculaires 11,7 % - Glaucome 11 % - Rétinopathie diabétique 10,9 %

 

 

 

  • CONDUITE ET DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge)

La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) correspond à des lésions de la rétine maculaire, dégénératives, non inflammatoires, acquises, survenant sur un oeil auparavant normal, apparaissant après l'âge de 50 ans, entraînant une altération de la vision centrale et associées, sur le plan clinique, à des drusen ou à des néovaisseaux sous rétiniens. Dans les pays industrialisés, la prévalence globale de la DMLA est de 8 % soit plus de 4 millions de personnes en France.

 

Formes cliniques, épidémiologie et facteurs de risques de la DMLA

 - On sait maintenant que la DMLA est vraisemblablement secondaire à la dégénérescence de l'épithélium pigmentaire rétinien. L'insuffisance circulatoire, avec diminution du débit circulatoire de la région maculaire, joue également un rôle.

 - il existe plusieurs formes cliniques conduisant à l'apparition d'une DMLA.

 - Les drusen sont de deux types : les "hard drusen" ou drusen miliaires disséminées sur l'ensemble de la rétine et les "soft drusen" ou drusen séreux qui ne se voient qu'au niveau maculaire. Les drusen miliaires doivent être considérées comme des signes banaux du vieillisement rétinien touchant 20 à 30 % de la population de plus de 50 ans. Les drusens séreux dont la présence prédispose nettement aux atteintes les plus graves et en particulier aux risques de néovascularisation correspondent à une atteinte sévère et diffuse de l'épithélium pigmentaire. Elles correspondent à un stade précoce de la DMLA.

- La dégénérescence maculaire atrophique liée à l'âge (DMLA). Elle représente 80 % des formes cliniques de la DMLA. La forme atrophique correspond à une étape supplémentaire dans le processus de vieillissement choroïrétinien.

- La forme exsudative de DMLA se caractérise par la survenue de néovaisseaux sous-rétiniens. En fin d'évolution, quand la macula est détruite, les néovaisseaux involuent et sont remplacés par un tissu glial cicatriciel. Cette forme est responsable de 80 % des cécités par DMLA.

- Les décollements de l'épithélium pigmentaire.

 

- La prévalence de la DMLA a été étudiée à de nombreuses reprises ; elle est d'environ 1,5 % dans la décade 55-64 ans, de 12 % dans la décade 65-74 ans et de 30 % dans la décade 75-84 ans. On estime que plus de 200 000 personnes en France ont une acuité visuelle, aux deux yeux, inférieure à 1/20 par DMLA. Il s'agit d'un problème de santé publique très important.

 

- Le principal facteur de risques est l'âge. On retiendra cependant l'influence génétique (antécédents familiaux), le rôle de la pigmentation (risque plus important en cas d'iris clair), le rôle de l'HTA, le rôle de l'exposition chronique au soleil, le rôle de l'alimentation.

 

Evaluation de la DMLA et de son retentissement fonctionnel.

 - La mesure de l'acuité visuelle de loin et en vision rapprochée, la vitesse, la fluidité de la lecture, le champ visuel central sont les méthodes les plus souvent utilisées pour évaluer la fonction visuelle.

 - Deux cas de figure bien distinct.

  • Soit la baisse d'acuité visuelle, souvent accompagnée d'un syndrome maculaire (les personnes voient les objets déformés ondulés) est brutale, il s'agit alors le plus souvent d'un néovaisseau ne touchant qu'un seul œil qu'il faut traiter en urgence par laser ou par chirurgie,
  • soit la baisse d'acuité visuelle est lente, bilatérale et progressive avec associés des scotomes centraux et / ou paracentraux plus ou moins profonds en champ visuel. Dans ses formes chroniques bilatérales, les patients se plaignent au début de ne plus pouvoir lire les panneaux, de photophobie. Par contre ils ne décrivent pas de gêne lors des dépassements sur autoroute. Sur des routes départementales, ils évaluent mal les distances et peuvent ne pas apercevoir suffisament vite une voiture arrivant en face lors d'un dépassement. Ensuite avec l'aggravation des scotomes centraux, ils réduisent leur vitesse, la distance parcourue, mais il est fréquent de rencontrer chez les ophtalmologistes des patients avec 1/10 à chaque œil et conduisant encore sur une distance de plus de 100 km. Ils se font alors aider par une personne de leur entourage qui décrivent tous les obstacles et informations non visbles par le conducteur. La DMLA dans sa forme atrophique se traite de façon palliative par des protecteurs vasculaires. Des équipements optiques (loupes, etc) ou électroniques (vidéoloupe) peuvent être proposés à ces patients. Une rééducation orthoptique de type basse-vision est alors indispensable. Bien sûr, à ce stade la conduite est formellement proscrite.

Exemple 4 d'une DMLA assez modéré. On remarque bien la baisse d'acuité visuelle centrale sans atteinte de la vision périphérique. On imagine, les difficultés pour ces conducteurs de doubler un camion. En effet ils ne verront pas une voiture arrivant en sens inverse située à 800 mètres.

 

Autres tests d'évaluation fonctionnelle

 - Chez certaines personnes, la mesure de l'acuité visuelle n'est pas le reflet exact de la gêne ressentie. Des tests de sensibilité au contraste, des tests de lecture, des tests de stratégie du regard sont alors très utiles.

 

  • CONDUITE ET GLAUCOME

 

Le glaucome représente en France, avec le diabète et les dégénérescences maculaires liées à l'âge, l'une des principales causes de cécité. On estime à 200 000 personnes le nombre de glaucomateux non dépistés et qui risquent la cécité sans le savoir.

 

Définitions, épidémiologie et facteurs de risques du glaucome

 - Les glaucomes constituent des syndromes cliniques caractérisés par une neuropathie optique progressive et une altération visuelle par une atteinte progressive du champ visuel. Ce n'est que très tardivement que la vision centrale chute. Il existe deux formes chroniques d'évolution lente : le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) (rôle essentiel de l'hypertonie oculaire), le glaucome à pression normale (GPN) (rôle essentiel vasculaire), et une forme aigüe : le glaucome par fermeture de l'angle (GFA).

 - Environ 1 % (soit plus de 500 000 personnes) de la population française souffre de glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) mais l'incidence de la maladie augmente avec l'âge tout particulièrement après 50 ans. La prévalence est de 0,5 % entre 50 et 55 ans, elle est de 2 % entre 70 et 75 ans pour le GPAO et pour le GPN. Le GFA est beaucoup plus rare et lié à une configuration anatomique particulière (gros cristallin, chambre antérieure étroite).

 - La pression intra-oculaire (PIO) trop élevée est considéré comme le principal facteur de risque. 95% des sujets normaux ont un tonus oculaire compris entre 10,5 et 20,5 mm de Hg. La PIO n'est pas significativement différente avec l'âge. La PIO est directement dépendante de la pression artérielle systémique. L'obésité et le diabète sont des facteurs de risques. Pour le GPN, les facteurs de risques sont surtout vasculaires et justifient un bilan carotidien et cardiovasculaire.

 

Evaluation du glaucome et de son retentissement fonctionnel.

- La mesure du champ visuel périphérique et